SUR LES QUAIS
On the Waterfront– États-Unis – 1954
Support : Blu-ray
Genre : Drame
Réalisateur : Elia Kazan
Acteurs : Marlon Brando, Eve Marie Saint, Karl Malden, Rod Steiger
Musique : Leonard Bernstein
Durée : 107 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 anglais, Dolby Digital 2.0 mono français, allemand, italien…
Sous-titres : Français, allemand, italien, danois…
Éditeur : Sony
Date de sortie : 03 mai 2023
LE PITCH
Un jeune docker, Terry Malloy, ancien boxeur, est manipulé par son frère, avocat du syndicat des dockers dirigé par le crapuleux Johnny Friendly. Il assiste sans intervenir au meurtre d’un employé qui voulait dénoncer les méthodes illégales de ce dernier. Malloy se retrouve devant un cas de conscience…
Mea Culpa
Salué par une pluie d’Oscar, encensé par la critique, plébiscité par le public, Sur les quais est un triomphe mérité et un sommet dans la carrière d’Elia Kazan et de son acteur Marlon Brando. Et si derrière cette histoire se cachait une page plus sombre de l’Amérique ?
Le début des années cinquante (de 1950 à 1954 pour être précis) a été fortement marqué par le Maccarthysme aux États-Unis. La peur du rouge effrayait la classe politique et les valeurs de liberté qu’elle voulait prôner à travers le monde insidieusement. Plusieurs millions d’Américains se retrouvent soumis à des enquêtes judiciaires et policières et le milieu artistique voyant des communistes partout est loin d’être épargné. Parmi ces nombreuses têtes d’affiche, le nom de Kazan revient régulièrement pour avoir “dénoncé” ses petits camarades. Une ombre néfaste et tragique plane depuis sur sa vie personnelle et artistique lançant le débat entre : condamner l’homme pour ses actes ou l’élever pour ses œuvres (le syndrome Polanski en fait) ? Le metteur en scène est plus que conscient de la virulence sourde à son encontre. Lui-même a sans nul doute des choses à mettre au clair avec sa conscience. Réaliste, il résume Sur les quais par ces mots sans équivoque :“C’est le drame d’un homme ordinaire qui a des sentiments de culpabilité, qui cherche la rédemption”. Une allégorie à peine masquée sous forme de biographie.
Rédemption
Elia Kazan se remet tranquillement d’un projet avorté écrit par Arthur Hiller sur des dockers de la côte Est. Le hasard veut que son ami Budd Schulberg lui apporte celui de Sur les quais d’après des articles du New-York Sun lié à la corruption des syndicats. L’histoire et la thématique sont tout appropriées au réalisateur pour relater ce que l’opinion publique refuse d’entendre à son propos. Un mal-être intérieur ne demandant qu’à s’exprimer, caché derrière une attitude faisant semblant d’être hors d’atteinte. Mis à part Marlon Brandon qu’il connaît bien pour l’avoir dirigé dans un Tramway nommé désir et Viva Zapata, personne ne semble capable de véhiculer de tels sentiments contradictoires. Effectivement, l’acteur, malgré un maquillage un peu trop forcé trouve ici l’un de ses rôles les plus profonds. Ce faux dur éternel semble prêt à bondir à chaque scène, il connaît son corps et sait se comporter face à la caméra avec un minimum de mouvement corporel. Enfant de l’actor studio, tout comme Rod Steiger qui joue son frère à l’écran il se retrouve face à la fraîcheur de la débutante Eva Marie Saint, future icône Hitchcockienne. Leur mélange de jeux aussi différents que complémentaires fonctionne à plein régime et donne vie à leur attirance contrariée. Le reste du casting est au diapason avec Lee J. Cobb en salaud corruptible et Karl Malden en prêtre engagé. Celui-ci en bon confesseur utilise le sous-sol de son église pour délier les langues et faire prendre conscience au personnage de Brando que tout acte a des retombées. Une conscience en paix vaut mieux que la culpabilité dévorante. La ligne de démarcation entre le réalisateur et son interprète est infime. Et lorsque les mots ne suffisent pas, la partition de Leonard Bernstein prend le relais. Celle-ci se pare des sonorités en forme de duel identique à celles qu’opposeront les Sharks aux Jets dans le West Side Story qui passera l’auteur à la postérité éternelle. Elia Kazan a réussi son début de chemin de croix. Celui-ci se conclura avec son chef-d’œuvre l’année suivante où James Dean prendra le place de Marlon Brando dans le fabuleux A l’est d’Eden d’après John Steinbeck.
Le réalisateur peut savourer ses Oscar en toute bonne conscience « Cette nuit-là, j’avais enfin ma revanche. J’en appréciais chaque minute. Sur les quais était ma propre histoire, j’ai travaillé dur tous les jours sur ce film. J’y disais au monde ce que je pensais. Mes critiques pouvaient aller se faire voir. » Quelle plus belle conclusion ?
Image
La copie bénéficie d’une nouvelle restauration déjà vue chez Criterion. Les contrastes sont clairement mieux définis avec une balance sur les ombres, magnifique. Le noir et blanc est “éclatant” tout en gardant respectueusement son grain d’origine.
Son
Si la version française reste en 2.0, celle-ci ne souffre jamais de problème quelconque. La VO a le bonheur de trouver une piste HD en 5.1 accentuant grandement les dynamiques ambiantes et faisant la part belle à la composition de Leonard Bernstein.
Interactivité
Très intéressante interview du metteur en scène qui évoque naturellement ses souvenirs de tournage avec modestie et ses relations avec les acteurs, notamment avec le frileux Marlon Brando qui refusait de sortir dans cet hiver rigoureux. Un module est également centré sur la mythique scène de taxi entre Rod Steiger et Marlon Brando tous deux issus de l’actor Studio. Celle-ci est décortiquée pour mieux faire ressortir le fameux travail d’improvisation de “la Méthode”.
Liste des bonus
Interview d’Elia Kazan 12’, « J’aurai pu être un champion : la « Méthode » en action » (2001, 25’03”, VOST), Galerie d’images : diaporama avec musique et dialogues du film 4’.