SUEURS FROIDES
Vertigo – Etats-Unis – 1958
Support : UHD 4K
Genre : Thriller
Réalisateur : Alfred Hitchcock
Acteurs : James Stewart, Kim Novak, Barbara Bel Geddes, Tom Helmore, Henry Jones, Raymond Bailey…
Musique : Bernard Herrmann
Image : 1.85 16/9
Son : DTS:X et DTS HD Master Audio 7.1 anglais, DTS 2.0 anglais, français et espagnol
Sous-titres : Français, anglais, espagnol..
Durée : 128 minutes
Editeur : Universal Pictures Home Entertainment
Date de sortie : 26 juin 2024
LE PITCH
Scottie est sujet au vertige, ce qui lui porte préjudice dans son métier de policier. Rendu responsable de la mort d’un de ses collègues, il décide de quitter la police. Une ancienne relation le contacte afin qu’il suive sa femme, possédée selon lui par l’esprit de son aïeule. Scottie s’éprend de la jeune femme et se trouve ballotté par des évènements qu’il ne peut contrôler.
Obsessions
C’est un film qui obsède les cinéphiles depuis des décennies, auquel se rapportent tous les metteurs en scènes inspirés et visuels, qui continue de fasciner les spectateurs et qui recèle une infinité de trésors. C’est Vertigo, l’apogée de l’œuvre de Hitchcock où la maitrise absolue du bonhomme aboutit à l’une des romances les plus étranges et hypnotiques du cinéma.
Adapté comme Les Diaboliques du « concurrent » George Clouzot d’un roman des Boileau et Narcejac, Sueurs froides est de prime abord un récit policier, légèrement rehaussé de notes surnaturelles venant tromper l’instinct de l’enquêteur et du spectateur : ex-détective malheureux, John Ferguson est engagé par un vieil ami pour suivre son épouse qui perdrait peu à peu la raison, et va assister, après s’en être dangereusement rapprochée, à son suicide. Le canevas est posé, mais bien entendu Alfred Hitchcock en bon esprit retors va prendre un malin plaisir à tordre les règles habituelles du suspens, même celles qu’il a lui-même instauré. Car le fond de l’affaire est d’une certaine façon relativement prévisible, tortueux certes mais perceptible, et le cinéaste va alors prendre un malin plaisir à débouter en quelques minutes la figure de l’homme juste qui doit prouver son innocence (la culpabilité sera celle qu’il s’inflige lui-même) et va même délivrer la clef de l’affaire trente minutes avant la fin du film pour se concentrer sur la manière dont le protagoniste va lui-même la découvrir. Et si Hitch joue les contre-temps, les désamorçages, c’est que l’essence même du film est ailleurs. Dans cet amour infini et obsessionnel qui va étreindre le brave Scottie pour cette femme élégante, méconnue, partiellement inaccessible et elle-même déjà fascinée, possédée, par l’image d’une femme morte des dizaines d’années plus tôt. Lui aussi tentera par la suite de recomposer ce tableau fantasmé en s’efforçant de transformer maladivement la plus « vulgaire » Judy (Kim Novak incarnant deux rôles qui n’en font qu’un…) en clone de son amour disparu.
La femme double, triple…
Une fascination aux relents freudiens, aux accents presque nécrophiles, qui s’échappe constamment de la raison et de la logique. Troublant pour le moins, fascinant totalement, Vertigo est un film aux contours de rêve inextricable qui ne cesse de s’échapper vers un onirisme suave, inquiétant et obnubilant. Pour arriver à un tel résultat, le cinéaste à justement largement épuré sa mise en scène, limitant les purs effets à quelques fragments savamment disposés (le cauchemar co-signé avec Saul Bass, le fameux travelling compensé inventé pour l’occasion) pour mieux suivre presque nonchalamment les errances de son héros aux travers d’un San Francisco qui se transforment peu à peu en théâtre baroque (merci le Technicolor), en décors de conte intemporel (les jardins, la foret…) où explose une passion hors du commun, fiévreuse, bouleversante et quasi-destructrice. Rarement d’ailleurs la collaboration avec le compositeur Bernard Hermann n’aura été aussi complète et symbiotique, la musique traversant toutes les émotions du personnage, du désespoir à la colère en passant forcément par l’amour immodéré et la folie, remplaçant avec flamboyance des dialogues qui restent réduit très souvent à l’essentiel et refusant de verser pas dans l’étude psychologique. A ce titre, pour sa quatrième et dernière collaboration avec le maitre, James Stewart délivre l’une des plus grandes interprétations de sa carrière, instinctive, nuancée, torturée et touchante, décrivant déjà une vision presque avant-gardiste de la masculinité.
Hitchcock se plaisait à dire qu’une scène de meurtre devait être filmé comme une scène d’amour. Vertigo est un film d’amour illustrée comme un thriller. Une œuvre sensitive, un poème visuel, un film noir emporté par le rouge de la passion où la moindre composition de plan, le moindre agencement, le moindre choix photographique touche à la perfection.
Image
10 ans après une sortie Bluray qui avait déjà permis de remonter la pente d’ancienne copies éreintées, Vertigo s’offre la 4K pour un résultat tout simplement renversant. Universal n’est pas toujours très informatif sur les sources de ses copies ou les procédés utilisés, mais le fossé entre le master HD précédent et celui-ci est impressionnant. Dès le lancement du film avec l’apparition du logo VistaVision c’est une évidence avec ces lettres qui semblent jaillir hors de l’image, le fond intensément coloré et les contours impeccablement dessinés. Tout le film est à l’avenant avec une définition majestueuse et une colorimétrie puissante, chaude et tranchée qui retrouve enfin toutes les intentions premières. Et le piqué donne enfin toute sa profondeur aux décors, réels ou en studio, ajoutant un relief parfois vertigineux aux rues de San Francisco ou à la forêt aux arbres gigantesques. Si on excepte quelques courtes transitions où l’harmonisation numérique est plus perceptible, l’UHD est tout bonnement parfait.
Son
Petite nouveauté de l’édition, la piste DTS X anglaise n’est pas là pour dispenser des dialogues qui résonneraient d’un bout à l’autre de la pièce, ou installer des atmosphères sonores trop invasives. L’essentiel se joue sur la pureté de la restauration des dialogues et des effets frontaux auxquels vient s’ajouter une restitution incroyablement enveloppante de la bande originale. C’est cette dernière qui se découvre une nouvelle dimension et vient insister sur les contours étranges et fantastiques du film.
La version française mono est toujours disposée dans son DTS 2.0, un peu fatigué mais effectivement doté d’un excellent doublage d’époque.
Interactivité
Certes l’édition ne contient plus le Bluray du film, mais la bonne nouvelle c’est que tous les bonus étaient aussi présents sur l’UHD. Des suppléments déjà bien connus des amateurs puisqu’ils étaient disponibles sur le Bluray de 2014 et reprenaient en partie ceux de l’ancien DVD collector. Rien de neuf donc avec le retour de cet étrange documentaire croisant travail sur la restauration (en partie obsolète donc aujourd’hui) et véritable making of entre nouvelles interviews et images d’archives. 30 minutes c’est un peu court pour parler de ce chef d’œuvre et le traitement passe souvent bien trop vite sur les sujets. Le suivant « Partenaires de crime » consacré tour à tour à Saul Bass, Edith Head, Bernard Herrmann et Alma Réville ne montre bien plus convaincant, prenant plus largement le temps de brosser le portrait de ces incontournables collaborateurs du cinéma de Hitchcock. On redécouvre aussi l’épilogue stupide tourné pour satisfaire la censure (mais finalement très peu utilisé) et le commentaire audio un peu décevant de William Friedkin qui en dehors de quelques pistes se contente le plus souvent de décrire l’image devant lui.
Le segment le plus intéressant reste encore et toujours l’extrait audio consacré à Vertigo du fameux l’entretient entre Hitchcock et Truffaut, dans lequel le cinéaste explore le travail d’adaptation, la structure du film et délivre le vrai sens (sexuel) de certaines scènes.
Liste des bonus
« L’Obsession autour de Sueurs froides : une nouvelle vie pour le chef-d’œuvre d’Hitchcock » (29’18”), « Partenaires de crime : les collaborateurs d’Hitchcock » (54’49”), Fin censurée à l’étranger (1’52”), Entretien Hitchcock-Truffaut, extraits (14’17”), Bande-annonce cinéma (2’29”), Bande-annonce de la version restaurée (1’23”), Les 100 ans d’Universal : l’ère de Lew Wasserman (8’50”), Commentaire audio de William Friedkin (VOST).