SUBURBIA
États-Unis – 1983
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Penelope Spheeris
Acteurs : Chris Pedersen, Bill Coyne, Flea, Jennifer Clay, Wade Walston, Gina Carrera
Musique : Alex Gibson
Image : 1.85
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 95 minutes
Éditeur : The Ecstasy of Films
Date de sortie : 28 février 2023
LE PITCH
Dans une banlieue pavillonnaire américaine, un fugueur d’une quinzaine d’années rencontre une bande de punks qui squattent une vieille maison, échappant ainsi à une vie de famille franchement malsaine ou à un ennui profond. Pendant ce temps-là, dans les rues, des hordes de chiens errants agressent les passants. Une milice citoyenne s’organise…
No Future
Trois ans après The Decline of the Western Civilization le documentaire choc sur l’émergence de la culture punk aux USA, Penelope Spheeris en déclinait l’univers à travers la chronique fictionnelle d’une bande de jeunes désœuvrés dans un pays qui les rejette un bloc. A la fois tendre et sans concession.
Cinéaste précurseur, Penelope Spheeris s’est imposée autant en tant que femme dans un milieu encore bien machiste, que comme auteur capable de percevoir les changements de son temps, s’inscrivant comme une réalisatrice réputée de clip pour la nouvelle scène rock et funk et surtout en accompagnant la première l’apparition de ce fameux mouvement punk avec son documentaire devenu culte. Pas totalement étonnant qu’elle se reconnaisse dans cet énorme cri de rage, dans cet exutoire de violence, dans ce rejet d’une société trop lisse et mensongère, elle qui justement a connu une jeunesse particulièrement difficile entre beaux-pères violents et abusifs et échappées dans quelques squattes. On en perçoit d’ailleurs souvent l’intensité partiellement autobiographique dans son pendant fictionnel, Suburbia, projet monté en grande partie devant le rejet pur et simple du format documentaire de The Decline of the Western Civilization. Elle se tourne alors, presque par hasard, vers Roger Corman, persuadé de tenir là un nouveau sujet en or pour un film d’exploitation, entre violence et cul, sur la nouvelle jeunesse délinquante.
Do The Wrong Thing
Si Penelope Spheeris se plie à un certain cahier des charges, comme d’autre avant elle (voir 5 Femmes à abattre édité par The Ecstasy of Films en parallèle) elle en détourne surtout l’optique donnant à la seule scène de nu du film une tonalité d’humiliation tellement gratuite qu’elle en est forcément gênante. Et aux scènes de bastons attendues, elle donne un traitement réaliste, sec et sans fioriture qui en évacue le moindre sensationnalisme. Seule l’ouverture du film, où un chien se jette, affamé, sur un bébé pour le dévorer fait un peu tache dans la sobriété du projet. C’est que la réalisatrice n’est bien entendu pas là pour fustiger cette jeunesse perdue, se trimbalant en fringues déchirées, les cheveux à moitié rasés et l’attitude brutale, mais bien pour en dépeindre avec affection la dure réalité et un rejet total d’un monde adulte dont ils sont les premières victimes. Incarnés par d’authentique jeunes punks dont certains découvert dans la rue (comme la révélation Flea… futur fondateur des Red Hot Chili Peppers), ces derniers sont souvent bouleversants de sincérités dans leurs errances adolescentes, dans leur besoin de reconnaissances, de refondation d’une famille plus équilibrée et aimante que celle qui les attends, ou pas, à la maison. Toujours à la lisière de l’esthétique documentaire, Suburbia capture avec force la frénésie de la culture punk (avec quelques prestations musicales sur scène de The Vandals, T.S.O.L et D.I.) que ses fragilités et son incapacité à s’inscrire dans cette « glorieuse » Amérique des 80’s refusant que quelques délinquants leur mettent le nez dans leurs échecs. Personnalisant l’effondrement du rêve américain, la petite bande des T.R. (The Rejected) s’attire forcément les foudres des abrutis locaux, réacs adeptes du 2ème amendement, qui ont tôt fait de se transformer en milice et faire monter une pression inexorable.
Beau film tout en gris, en décors décharnés et en photo cradingue, Suburbia est le témoignage vibrant d’une époque et d’une culture, mais aussi la célébration de la révolte légitime de l’adolescence qui annonce, sans l’aspect totalement trash, les futures exactions de Larry Clark.
Image
The Ecstasy of films nous propose ici la nouvelle restauration estampillée 4K apparue en 2019 aux USA. Malheureusement celle-ci reste un peu décevante, limitée par une source cultivant des teintes relativement éteintes et une photographie plutôt douce, voir carrément floue. Le travail de rehausse de détails, de stabilisation des cadres et de revitalisation des couleurs est évident, et apporte effectivement un confort encore inédit pour ce film, mais la définition semble constamment en retrait avec un piqué qui manque de profondeur tandis que les séquences les plus sombres patinent légèrement. Il est cependant plus que certains qu’on aura difficilement un meilleur support pour ce film.
Son
On passera très rapidement sur la version française souvent à côté de la plaque et aux mix qui hésite entre l’écho et l’écrasement de l’arrière-plan, surtout que la version originale, brute et énergique, profite du DTS HD Master Audio pour assurer une clarté nouvelle à son petit mono d’époque.
Interactivité
Du coté de la section bonus notre éditeur hexagonal propose une excellente interview de la réalisatrice (enregistrée par les britishs de 101) dans laquelle elle revient avec une franchise désarmante sur la naissance du film, sa relation pas toujours aisée avec Corman, le tournage avec la troupe de jeunes et la réception difficile d’un film aujourd’hui culte. Elle y discute aussi, forcément, culture punk, place de la femme dans le milieu du cinéma dans les années 70/80 et une dernière partie de carrière plus commercialement viable grâce au succès de Wayne’s World, et clairement, il n’y a pas que ses films qui sont rock ’n’ roll ! A cela s’ajoute une intervention du critique Julien Sévéon certes plutôt intéressante mais qui souvent répète les informations délivrées de premières mains par Penelope Spheeris.
A noter aussi, en curiosité, la présence en option du film dans un format 1.78 longtemps exploité mais qui ne correspond pas en définitive au format initial.
Liste des bonus
Le film au format 1.78, Interview avec Penelope Spheeris (33 min), Entretien avec Julien Sévéon (20min), Bandes-annonces.