STARMAN
États-Unis – 1984
Support : Blu-ray
Genre : Science-Fiction, Comédie romantique
Réalisateur : John Carpenter
Acteurs : Karen Allen, Jeff Bridges, Charles Martin Smith, Richard Jaeckel, Robert Phalen, Tony Edwards, …
Musique : Jack Nitzsche
Durée : 110 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Français, Anglais & Allemand Dolby True HD 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : Sony
Date de sortie : 5 avril 2023
LE PITCH
Un extra-terrestre est poursuivi par l’armée américaine. Il se réfugie chez une jeune veuve et prend l’apparence de son mari défunt. La jeune femme l’héberge et l’accompagne dans sa fuite…
La Piste aux étoiles
Deux ans après The Thing et son extra-terrestre invasif et protéiforme qui ne nous voulait pas que du bien, John Carpenter opère un virage à 180 degrés et illustre avec maestria et sensibilité la cavale à travers les États-Unis d’un nouveau messie venu des étoiles. Retour sur Starman, chef d’œuvre « 100% Big John », garanti sans additifs, ni colorants.
Au tout début des années 80, les pontes de la Columbia se retrouvent avec deux scripts prometteurs entre les mains et un choix à faire. D’un côté, Night Skies, proposé par Steven Spielberg et pour qui le studio a financé le très onéreux mais aussi très rentable Rencontres du Troisième Type. De l’autre, Starman, écrit par Bruce A. Evans (Un homme, une femme et une banque, avec Donald Sutherland) et que tente de mettre sur pied depuis quelques temps déjà l’acteur et producteur Michael Douglas. Dans les deux cas, il s’agit d’histoires de visiteurs de l’espace dont la noblesse d’âme ne les empêche pas de devenir des proies pour une bande de scientifiques et des militaires bornés. Mais le ton définitivement plus mature de Starman l’emporte auprès des exécutifs de la Columbia. Pas franchement démoralisé par ce refus, Spielberg prend le temps de revoir sa copie en embauchant la plume talentueuse de Melissa Mathison, change le titre (Night Skies devient – vous l’aurez deviné ! – E.T., The Extra-Terrestrial) et trouve preneur chez Universal. Non content de faire grincer des dents chez Columbia, le succès colossal d’E.T. accélère par le force des choses la mise en chantier de Starman que le réalisateur Mark Rydell (The Rose, avec Bette Midler) vient tout juste de laisser tomber. Commence alors la valse des noms (et les réécritures) avec des cinéastes importants tel que Tony Scott, Peter Hyams, Adrian Lyne ou John Badham et qui finissent tous par jeter l’éponge. Dernier d’une longue liste, John Carpenter emporte le morceau de justesse.
Dans le creux de la vague depuis l’échec de The Thing au box-office, le réalisateur d’Halloween tente à la fois de regagner la confiance d’Hollywood et de se diversifier. Adapté d’un best-seller de Stephen King, Christine (justement produit par la Columbia) lui permet de cocher la première case de sa liste en renouant avec le succès. Starman est alors pour « Big John » l’occasion de prouver au monde entier (et à tous ceux qui ont oublié le téléfilm Le Roman d’Elvis, un excellent biopic d’Elvis Priesley avec Kurt Russell dans le rôle-titre) qu’il n’est pas seulement un réalisateur de séries B d’horreur. Le tout, sans se renier ne serait-ce qu’une seule seconde.
J’ai épousé un extraterrestre
Par sa bienveillance, son humanisme, son humour très léger et son romantisme à fleur de peau, Starman est souvent abordé comme un projet atypique dans la filmographie de son réalisateur. Presque une anomalie, et à coup sûr une œuvre parfaitement commerciale. Un tel angle d’attaque est parfaitement erroné. D’une part car, s’il a construit l’essentiel de son œuvre en creusant les genres pour certains très cloisonnés du fantastique, de l’horreur et de la science-fiction, John Carpenter a toujours fait preuve d’une grande liberté de ton, a toujours soigné ses personnages féminins (voir, à ce titre, The Fog et le passionnant trio formé par Adrienne Barbeau, Jamie Lee Curtis et Janet Leigh) et ne s’est jamais enfermé dans une posture nihiliste ou cynique, teintant même The Thing, pourtant son opus le plus sombre et désespéré, d’un humour noir ô combien jouissif. D’autre part, si John Carpenter a beau être considéré comme un auteur de ce côté-ci de l’Atlantique, le bonhomme persiste à se définir comme un héritier des cinéastes de l’âge d’or, un artisan profondément capitaliste et libertaire ayant totalement intégré la notion de succès et de rentabilité dans son approche du 7ème Art.
Faire de Starman un film de studio classique, un mélodrame de science-fiction avec pour cœur de cible le public féminin est donc loin d’être une contrainte pour John Carpenter qui prouve ici à quel point il peut être doué pour marier grand spectacle à l’ancienne et intimisme bouleversant. Dans le plus beau rôle de sa carrière, Karen Allen apporte une infinité de nuances à son personnage de jeune veuve embarquée malgré elle dans une course folle à travers le pays. Elle domine de la tête et des épaules un casting où se distingue pourtant Jeff Bridges (drôle et touchant) et le trop rare Charles Martin Smith, très attachant en scientifique passionné mais naïf. Outre sa direction d’acteurs et sa mise en scène d’une fluidité et d’une lisibilité inégalables, John Carpenter démontre une fois encore sa grande maîtrise du cinémascope et signe un road movie aux accents de western dont la classe formelle laisse souvent sans voix. Et le cinéaste d’en profiter aussi pour recycler discrètement des motifs et des effets de style de ses précédents films, comme le compte-à rebours que l’homme des étoiles doit déjouer pour parvenir à « s’évader » de la planète Terre en vie (coucou New York 1997!) ou cette caméra subjective qui épouse le regard de l’extra-terrestre en pleine phase d’observation et avant qu’il ne trouve forme humaine (remember le plan séquence d’ouverture d’Halloween?). Des exemples de ce type, il y en a toute une liste, renforçant sans jamais en faire des caisses l’importance et l’authenticité de la voix de John Carpenter.
Mais la plus belle métaphore, en fin de compte, c’est de se dire que pour parvenir à réaliser l’exact opposé de The Thing, le cinéaste n’a pas pu s’empêcher de filmer à nouveau un alien qui, pour passer inaperçu dans son nouvel environnement, décide de « copier » un être humain existant et d’usurper son identité. Chairs déformées congelées dans le froid polaire ou boule de lumière flottant gracieusement au-dessus d’un lac du Wyoming, la méthode reste la même. Seules les intentions diffèrent.
Image
La précédente édition bluray datant de 2009 ne nécessitait pas forcément de mise à jour et on se retrouve ici avec le même master irréprochable. Les défauts sont presque inexistants (un ou deux points blancs fugitifs de ci, de là), les couleurs et la définition restituent la source argentique avec un naturel bluffant et, à part un passage par la case UHD 4K, on ne voit pas vraiment comment Sony pourrait faire mieux.
Son
Comme pour l’image, on se retrouve avec le même tiercé de mixages Dolby True HD que pour la galette de 2009. Trois pistes équivalentes, propres et dynamiques, mais qui manquent un peu de muscle et de présence avec des effets qui se laissent bouffer par la musique et les dialogues au fur et à mesure que le film progresse jusqu’à un climax qui n’a pas la puissance acoustique attendue (des hélicos, des missiles, une planète géante et … basses trop timides, voire inexistantes). Standard et soigné mais aussi très perfectible.
Interactivité
C’était le point sur lequel cette réédition aurait pu se distinguer mais non. Malheureusement. Les suppléments du DVD de 2003 (commentaire audio de John Carpenter et Jeff Bridges, making-of, clip musical gentiment kitsch) brillent à nouveau par leur absence. Ne reste qu’une bande-annonce et un lien BD-Live obsolète. Rageant.
Liste des bonus
Bande-annonce.