SPIDER
Canada, Royaume-Uni – 2002
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : David Cronenberg
Acteurs : Ralph Fiennes, Miranda Richardson, Gabriel Byrne, Bradley Hall, Lynn Redgrave, John Neville…
Musique : Howard Shore
Image : 1.77 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 Anglais et Français
Sous-titres : Français
Durée : 98 minutes
Editeur : Metropolitan Film & Video
Date de sortie : 15 novembre 2024
LE PITCH
Après plusieurs années d’enfermement psychiatrique, Spider est transféré en foyer de réinsertion dans les faubourgs de l’Est londonien. C’est à quelques rues de là qu’enfant, il a vécu le drame qui a brisé sa vie. Aussi Spider va replonger dans ses souvenirs et mener une étrange enquête qui va lui révéler ce qui s’est vraiment passé.
Une araignée au plafond
Tourné entre l’ultime retour aux visualisations baroques de la fameuse « nouvelle chair » qu’était eXistenZ et A History of Violence, le premier film de la transformation vers un cinéma plus froid et cérébral, le « petit » Spider, portrait fragile d’un homme atteint de fort troubles psychiatriques, a souvent eu tendance à se faire oublier. Un regard pointu et sensible sur la folie qui aboutit pourtant à une superbe œuvre cinématographique et une performance impressionnante de Ralph Fiennes.
On pourra alors forcément y voir une simple œuvre de transition, encore marquée par les effluves d’un fantastique presque onirique jouant sur la perception et le point de vue du narrateur (c’est bien Spider lui-même qui « raconte » l’histoire), mais quettant déjà la rigueur, la froideur réflective et le « réalisme » des œuvres à venir. Spider, adapté du roman éponyme de Patrick McGrath, est pourtant dans la continuité logique et naturelle du cinéma de David Cronenberg, nouvelle exploration subjective de la folie (Vidéodrome, Faux-Semblants, Le Festin nu…) dont l’impact sur le monde à l’image n’apparait plus sous la forme d’excroissances organiques, mais par une symbolique omniprésente qui transfigure le récit lui-même. Spider suit donc son protagoniste lors de son retour dans le quartier où il a grandi, occasion pour lui de revivre son enfance et surtout de remonter le fil (ici littéralement) des évènements qui ont fait de lui l’être cabossé qu’il est aujourd’hui. Un petit monsieur renfermé, multipliant les couches de vêtements par sécurité, marmonnant sans cesse, notant des gribouillis dans un carnet qu’il cache sous le tapis, errant toujours seuls dans les rues vides d’un Londres en reconstruction. Il devient dès lors le propre témoin de ses souvenirs, apparaissant aux cotés de son moi enfant, assistant à nouveaux à ses bribes de souvenirs, à la vision d’une mère douce et aimante idéalisée, d’un père « à l’ancienne » et donc un peu rustre, et à l’arrivée d’une prostituée vulgaire qui va tout faire basculer.
Complexes
Quasiment un film d’enquête où avec ses obsessions, ses faiblesses et ses limites, Spider s’efforce de résoudre le meurtre primordial pour remonter à la source du trauma et découvrir enfin qui il est. Dix ans avant A Dangerous Method, David Cronenberg illustre déjà son grand intérêt pour les théories freudiennes et jungiennes, leurs offrant une illustration quasiment frontale, presque scolaire diront les mauvais esprits, mais absolument brillante justement dans cette manière très particulière d’en faire le socle même du film. Tout est glissant dans Spider, incertain, angoissant, constamment recrée et dévié par la pensée d’un personnage obsessionnel et paranoïaque. Toujours accompagné de son excellent directeur photo Patrick MacGrath, Cronenberg joue dès lors sur l’opposition entre le Londres ouvrier d’autrefois, presque nostalgique dans ses teintes chaudes (les briques rouges, l’herbe très verte) aux rives du conte, et son versant contemporain plus distant, aux plans architecturaux mettant en avant béton, espaces vides et surconstruits, industriels, soulignés par une lumière rasante et bleutée. Deux époques, mais surtout deux états de Spider, malade mental presque ordinaire, pathétique et profondément touchant. Un portrait admirablement porté aussi par l’acteur Ralph Fiennes, tout en minutie et en détails, qui nous évite les habituelles démonstrations trop théâtrales, par une modestie des plus efficaces. Si Gabriel Byrne dans le rôle du père est aussi d’une solidité à toute épreuve, c’est peut-être Miranda Richardson qui s’avère ici la plus impressionnante en objet d’un amour œdipien irraisonnée aux visages (et rôles) multiples.
Un film puzzle d’une formalité fascinante et une étude intellectuelle aussi brillante que minimaliste qui ne fait certainement pas de Spider le film le plus spectaculaire de son auteur. Il n’en est pas moins une très grande réussite, admirablement pensée et dotée d’une grande aura mélancolique et humaniste.
Image
En France, Spider n’avait été proposé qu’en 2003 et donc uniquement en DVD. Vingt ans plus tard, le voici à nouveau disponible et cette fois-ci directement dans un combo Bluray / UHD. Bonne surprise donc, surtout que la copie a été admirablement restaurée, certainement avec un scan 4K des négatifs, assurant des cadres extrêmement propres et stables. On remarque aussi une réharmonisation des couleurs, délimitant avec plus de finesse et de force les contrastes entre le temps présent et l’espace mental de Spider. La photographie n’a jamais été aussi belle, accompagnée à merveille par un piqué redoutable et un grain délicat et vibrant. Superbe.
Son
Une bande sonore d’apparence plutôt calme mais qui joue avec pertinence sur les ambiances oppressantes, sur les basculements d’un réalisme enveloppant aux lisières du cauchemar, qui déjà faisait forte impression dans son DTS d’origine. Ici avec le DTS HD Master Audio 5.1 les sensations sont plus fortes et riches aussi bien en français qu’en anglais.
Interactivité
Du coté de la section bonus, Metropolitan reprend directement tous les suppléments déjà proposés sur le (très) ancien DVD Collector, avec en premier lieu le petit défilé d’interviews promotionnelles mais très agréables à suivre, délivrant tout de même quelques informations sur la pre-production un peu compliquée, l’implication des acteurs ou le tournage des scènes marquantes, qui fait office de Making of. On retrouve aussi l’analyse de la symbolique de la scène centrale du meurtre de la mère et une Master Class tournée à l’époque en partenariat avec la Fnac et Studio, rendez-vous public toujours sympathique mais qui bien des fois, comme ici, ne propose pas vraiment de questions particulièrement pertinentes. Pour vraiment en découvrir plus sur la gestation du film, sa construction, ses choix esthétiques, il faut impérativement se tourner vers l’excellent commentaire audio du réalisateur, très calme, didactique et passionnant.
Les disques UHD et Bluray contiennent aussi le court métrage Camera, tourné en 2000, dans lequel un vieil acteur observe des enfants jouer avec une caméra trouvée chez lui. Une réflexion sur l’image et l’attrait de celle-ci tout autant que sur la dégradation du vieillissement.
Liste des bonus
Commentaire audio de David Cronenberg, Interview de David Cronenberg et des acteurs, Anatomie d’une scène, Master class de David Cronenberg, Court métrage : « Caméra » David Cronenberg (2000, 6’), Bandes-annonces.