SPECIAL EFFECTS
États-Unis – 1984
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Larry Cohen
Acteurs : Zoë Lund, Eric Bogosian, Brad Rijn, Kevin O’Connar, Bill Oland…
Musique : Michael Minard
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 106 minutes
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 30 juin 2023
LE PITCH
Actrice en herbe originaire de Dallas, Mary Jean Waterman part à New York pour faire carrière, abandonnant son mari, Keefe, et son petit garçon. Bien qu’elle ait changé d’identité pour s’appeler désormais Andrea Wilcox, Keefe finit par la retrouver lors d’une séance de shooting de photos de nu qu’il abrège pour la traquer dans les rues de New York. Elle parvient toutefois à se réfugier chez Christopher Neville, metteur en scène mégalomane qui lui a promis un rôle dans son prochain film. En réalité, la jeune femme s’est jetée dans la gueule du loup…
La Doublure
Véritable légende du ciné bis, pas très loin du patron Roger Corman, Larry Cohen gagne a être reconnu et redécouvert. Ça tombe bien nos éditeurs se tournent à nouveau du coté de sa filmo. Après Meurtres sous contrôle chez Rimini et L’Ambulance chez Extralucid c’est au tour de l’ambitieux Special Effects de faire sa place du coté du Chat qui fume. Silence… Action !
Créateur de la série Les Envahisseurs et surtout grand pape de la série B durant les années 70/80, Larry Cohen s’est indéniablement imposé pour la teneur maline et originale de ses concepts et de ses scripts. Du premier film de blacksploitation avec Black Caesar à son dérivé de Rosemary’s Baby avec Le Monstre est vivant, sans oublier l’invasion de la ville par un ptérodactyle géant (Épouvante sur New York), un yaourt transformant ses victimes en zombies (The Stuff) et l’anti-messie poussant ses ouailles au meurtre (Meurtres sous contrôle), le réalisateur débrouillard marrie les concepts les plus étonnants et souvent bizarroïdes avec une capture frappante de l’air du temps et de réalités peu reluisantes. Peu de moyens, une production à l’économie, une mise en image parfois maladroite ou étriquée, pourtant comme pour ses meilleures propositions, Special Effets s’enfonce allègrement dans un monde inquiétant, habité d’êtres dévoyés, malades, pervers voir carrément dangereux. Bienvenu dans le joyeux monde du cinéma. Une bonne trentaine d’année avant l’affaire Weinstein et autres révélations sordides, Larry Cohen décrivait les coulisses du rêve hollywoodien comme un pur traquenard pour les rêveurs et les êtres sensibles, et comme un appât aux névrosés et aux opportunistes.
Caméra cachée
Pas ou peu de personnages qui attirent vraiment la sympathie ici (à la rigueur un peu d’indulgence), la caméra semblant toujours révéler le pire d’eux-mêmes. Comme pour Body Double de Brian de Palma sorti à quelques semaines d’écarts, l’objectif de l’outil permet de tisser un lien avec les références Le Voyeur de Michael Powell et Vertigo d’Hitchcock (la première version du scénario fut d’ailleurs imaginée pour lui) et de venir souligner l’omniprésence de la figure des doubles et des reflets trompeurs dans une mise en abyme parfois vertigineuse. Réalisateur d’envergure mais en perte de vitesse obsédée par le réalisme à l’écran et citant comme modèle le meurtre de Kennedy capturé par Zapruder, Christopher Neville (Eric Bogosian excellent dans Talk Radio) décide de perpétuer son assassinat filmé d’une pin-up en engageant le maris de cette dernière et une actrice lui ressemblant comme deux gouttes d’eau (jouées toutes deux par Zoë Lund inoubliable Ange de la vengeance pour Abel Ferrara) pour rejouer le drame à sa façon sous le regard complaisant de la police.
Le film dans le film, lui-même dans le film, où le metteur en scène obsessionnel reconstruit le réel et pousse ses interprètes / victimes aux troubles identitaires et à la folie pour assouvir ses pulsions sadiques et sa fixation quasi-nécrophile de la mort figée sur pellicule. Un thriller malsain, perturbant qui réussit, malgré une fois encore le cadre limité de la série B, à passer littéralement de l’autre coté du miroir… sans tain.
Image
Special Effects profite d’une excellente copie HD (presque) entièrement restaurée. Quelques petites scories persistent parfois à l’image et des plans sombres peuvent être marqués par des instabilités sur les bords, mais force est de reconnaitre que les cadres sont particulièrement propres, lumineux et accompagnés par une définition aux petits oignons qui n’empêche jamais le grain de pellicule d’affleurer. On garde toutes les saveurs filmiques des 80’s mais avec la précision d’aujourd’hui.
Son
Le mixage de la version doublée française est très détaché et plaqué écrasant souvent musiques et effets. La version originale est beaucoup plus agréable et naturelle avec un équilibre plus fluide entre les voix et les atmosphères, même si on sent là aussi parfois le manque de budget du film dans la froideur de la restitution.
Interactivité
Outre la reproduction petit format de trois photos d’exploitation glissées dans le boitier Amaray, Le Chat qui fume propose comme unique supplément une nouvelle rencontre avec le journaliste Christophe Lemaire, vétéran du Bis et signature incontournable de Starfix. Comme toujours le gaillard partage avec nous ses souvenirs de la belle époque, son intérêt pour Larry Cohen et sa rencontre avec le metteur en scène. On s’échappe souvent pour quelques digressions mais on revient toujours à l’essentiel avec quelques anecdotes autour du tournage de Special Effets et en particulier la personnalité très particulière de Zoë Lund, ou la relation entre Cohen et William Lustig. Informatif et amusant.
Liste des bonus
Souvenirs de Christophe Lemaire (36’), Bande-annonce.