SMITH LE TACITURNE
Whispering Smith – Etats-Unis – 1948
Support : Bluray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : Leslie Fenton
Acteurs : Alan Ladd, Robert Preston, Brenda Marshall, Donald Crisp, William Demarest, Fay Holden, …
Musique : Adolph Deutsch
Durée : 89 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 22 mars 2024
LE PITCH
Employé par une puissante compagnie de chemin de fer, le détective Luke Smith poursuit les frères Barton, coupables de plusieurs attaques de train. Ce faisant, il croise la route de Murray Sinclair, son ami d’enfance …
Un héros très discret
Produit sur mesure pour faire de l’acteur Alan Ladd une star du western en Technicolor, Smith le taciturne parvient assez miraculeusement à dépasser les clichés et les archétypes qui lui pendent au nez en mettant en avant un héros humble mais ambigu, tiraillé entre son devoir, sa légende et ses relations de plus en plus conflictuelles avec ses proches. Mais il aurait sans doute fallu mieux qu’un yes-man appliqué à la barre pour donner à cette série B de luxe la dimension tragique espérée.
Adaptation d’un roman de Frank H. Spearman (déjà porté à l’écran six fois à l’écran, entre 1916 et 1935), Smith le taciturne se base sur un personnage bien réel, Joe Lefors, un homme de loi au service de l’Union Pacific Railroad, devenu célèbre pour s’être confronté à Tom Horn et au gang de Butch Cassidy. De Lefors, Luke « Whispering » Smith conserve certains attributs, notamment son professionnalisme, son sang-froid presque surhumain et un tableau de chasse plus que respectable. Révélé aux côtés de Veronica Lake en 1942 dans le film noir Tueur à gages (This Gun For Hire) de Frank Tuttle, Alan Ladd se glisse dans la peau de Smith sans la moindre difficulté. Bel homme, respecté par ses amis et ses employeurs et craint par les criminels au point que ces derniers préfèrent systématiquement l’attaquer en traître, Luke Smith révèle pourtant des failles qui l’éloignent du redresseur de torts propre sur lui.
Charismatique en diable, Alan Ladd se garde en effet d’afficher un jeu flamboyant ou délibérément macho. Presque gêné par sa réputation et les compliments, Smith est guidé par un sens moral inflexible et s’efforce de ne rien laisser paraître, ou si peu. Quelques sourires en coin, un regard de tueur lorsqu’il s’agit de dégainer les colts et une tristesse évidente, portée en bandoulière. Luke Smith est un héros solitaire et malheureux. Malheureux en amour depuis qu’il a laissé la belle Marian (Brenda Marshall) lui échapper, malheureux en amitié lorsque son devoir le pousse à mettre un terme à la dérive criminelle de Murray, qu’il connaît depuis l’enfance. Bien davantage qu’un western classique où le héros poursuit un gang de malfaiteurs patibulaires, Smith le taciturne s’achemine avec une certaine mélancolie vers un duel fratricide dont l’issue est courue d’avance.
Frères ennemis
Doté d’un budget solide ayant permis la construction de décors imposants (lesquels seront recyclés pour la série Bonanza), d’une photographie très soignée signé Ray Rennahan (assistant d’Ernest Haller sur Autant en emporte le vent) et rythmé par des scènes d’actions efficaces et mises en images avec un savoir-faire redoutable, Smith le taciturne se repose pourtant un peu trop sur les épaules d’Alan Ladd et sa prestation qui annonce James Dean et Marlon Brando et sur une intrigue et un script surprenant mais réduit à sa plus simple expression.
Acteur de second plan chez John Ford, Raoul Walsh ou William Wellman, Leslie Fenton s’est reconverti au début des années 40 en cinéaste consciencieux, davantage zélé que vraiment talentueux et la mise en scène de Smith le taciturne manque cruellement d’ambition et ne laisse pas suffisamment respirer le triangle amoureux qui se dessine. Le film est carré, et ne perd pas une seule minute pour faire avancer son histoire. En un peu moins de 90 minutes, l’affaire est dans le sac. La galerie de personnages secondaires, indiscutablement variée et prometteuse, ne dépasse pas le stade de l’ébauche, surtout le duo de salopards campés par Donald Crisp et Frank Faylen. Fenton respecte à la lettre la note d’intention du projet (tailler dans le marbre le « produit » Alan Ladd) et laisse filer entre ses doigts un grand film en devenir. Entre les mains d’un King Vidor, nous tenions là un western aussi puissant qu’un Duel au soleil. Technicien solide, Leslie Fenton se coule dans le moule sereinement, emballe un divertissement honorable et encaisse son chèque sans demander son reste. En ce sens, le film finit par ressembler à son personnage principal. Cohérent, pour sûr.
Image
Visiblement restauré et nettoyé, même s’il ne peut pas cacher son âge, le master ici proposé affiche une colorimétrie timide (pour du Technicolor, c’est un peu dommage), un grain lissé sans abus et des contrastes parfois trop marqué. Fait assez rare, les scènes nocturnes affichent un meilleur rendu que les chevauchées et les fusillades au soleil.
Son
Un mono propre comme un sou neuf et à la dynamique agréable pour une seule piste en version originale. Et on n’en demande pas plus.
Interactivité
Construite autour d’Alan Ladd, l’interactivité explore la carrière de l’acteur sous tous les angles possibles. D’abord au travers d’une présentation concise du film par l’inoxydable Patrick Brion, avec quelques infos essentielles sur Leslie Fenton glissées au passage. Vient ensuite le portrait tout à fait subjectif et analytique proposé en voix-off par Jean-Claude Missiaen. Et on finit par un documentaire plus conventionnel sur la carrière de l’interprète de Shane. Ajoutez la petite bande-annonce d’époque qui va bien et vous avez entre les mains une galette joliment exhaustive.
Liste des bonus
Présentation du film par Patrick Brion, Documentaire sur Alan Ladd (50 minutes), Portrait d’Alan Ladd par Jean-Claude Missiaen (25 minutes), Bande-annonce.