SHIN GODZILLA
シン・ゴジラ – Japon – 2016
Support : UHD 4K, Bluray & DVD
Genre : Science-fiction, Catastrophe
Réalisateur : Hideaki Anno, Shinji Higuchi
Acteurs : Hiroki Hasegawa, Yutaka Takenouchi, Satomi Ishihara, Ren Osugi, Akira Emoto, Kengo Kora, Shinya Tsukamoto…
Musique : Shiro Sagisu
Image : 2.39 16/9
Son : Japonais DTS HD Master Audio 3.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 120 minutes
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 19 janvier 2024
LE PITCH
Une mystérieuse créature apparaît dans la baie de Tokyo. Démuni, le gouvernement japonais n’est pas en mesure d’arrêter le monstre lorsque celui-ci arrive sur la terre ferme. Rapidement, il évolue et atteint une taille gigantesque en ravageant les rues de la ville. L’armée est impuissante. Un groupe de scientifiques est formé pour tenter d’éliminer la créature de l’on nomme Godzilla.
Death & Rebirth
Sept ans avant Godzilla Minus One, le plus célèbre dinosaure cracheur de rayons atomiques s’offrait une spectaculaire résurrection avec Shin Godzilla, réinvention novatrice, surprenante et quasiment expérimentale qui connut même la consécration par l’obtention de six prix à l’équivalent des Césars japonais, dont celui de meilleur film. Certes Godzilla est là-bas une institution sacrée, mais cela reste une sacrée prouesse.
Et une sacrée prise de risque aussi, en particulier pour la Toho qui après plus de soixante ans acceptait de remettre en jeu la pérennité de leur célèbre mascotte en ratissant large dans sa longue et foisonnante carrière cinéma. Là où le précédent Godzilla Final Wars de Ryûhei Kitamura (Versus, Azumi…) jouait la carte de la compilation best of délirante et méga référentielle allant jusqu’au abord de la parodie en invoquant toutes les créatures apparues dans la filmographie du monstre, Shin Godzilla efface tout ou presque, s’efforçant de revenir au plus près de l’âme du premier film et en particulier de son aspect extrêmement effrayant. Exit le monsieur caché dans un costume, adieu les petits airs patauds et rigolos qui plaisent tant aux enfants, oubliée la pléthore de bestioles et leurs matchs de catch, retrouvant ses crocs, ses airs mauvais et son impitoyable force de destruction, Godzilla est à nouveau le roi des kaiju. Même plus, il devient une impitoyable force de la nature évoluant de scènes en scènes en une créature de plus en plus grande, imposante, dotée de capacités dévastatrices au-delà de l’échelle animale ou humaine, une personnifications de la fatalité, du jugement de la nature… un dieux à l’écran. L’idée est bien ainsi de rendre hommage au travail inoubliable d’Inoshiro Honda qui accoucha en 1954 d’un authentique chef d’œuvre, mais aussi d’une certaine façon de lui donner une nouvelle emphase.
Résurgence
Godzilla n’est plus simplement une mise en image du péril nucléaire et des conséquences de son utilisation au Japon, mais une réflexion plus vaste encore sur les tragédies naturelles ou non (comment ne pas penser non plus au réchauffement climatique) qui peuvent frapper l’humanité. Si les références au drame de Fukushima sont particulièrement limpides, en particulier dans la première partie, Shin Godzilla pousse constamment sa réflexion plus loin dans sa manière de construire toute sa dramaturgie en suivant pas à pas les coulisses d’un gouvernement japonais totalement dépassé par les évènements. Une « élite » censée protéger le peuple, totalement écrasée sous le poids d’une administration lourde et tentaculaire, d’un protocole laborieux, d’une tétanisante opinion publique et des rapports diplomatiques, particulièrement avec les USA, aussi complexes qu’archaïques. Shin Godzilla n’est ainsi plus raconté à hauteur d’hommes, mais à hauteur de bureaucratie, phénoménologie contemporaine d’une humanité constamment représentée à l’écran comme une multitude (d’êtres, d’objets, de points de vue) prête à être ensevelie par son propre immobilisme. Si l’ancien responsable des effets spéciaux de l’excellente trilogie Gamera des années 90 et réalisateur des films live de L’Attaque des titans Shinji Higuchi apporte tout son savoir faire en terme de grand spectacle, difficile de ne pas reconnaitre dans cette vision du réel, cette multiplicité symbolique et leur mise en image maniériste, toujours aux limites de la composition de plans d’un anime, la personnalité passionnante d’Hideaki Anno, créateur des séries culte GunBuster, Nadia et le Secret de l’eau bleu et bien entendu Evangelion.
La licence Godzilla revue et corrigée en film d’auteur, charge politique cruellement ironique proposant parmi les plus impressionnantes scènes de destruction jamais vu dans un opus de la franchise, Shin Godzilla atomise même en un simple plan, aussi beau que malin, de tuiles tremblant sous l’effet d’un pas du lézard ses homologues américains, et même son successeur, bien plus traditionnel Godzilla Minus One.
Image
Avant cette édition signée Spectrum Films, seul le Japon avait eu les honneurs d’une sortie au format UHD. Un joli cadeau donc pour les cinéphiles français qui peuvent profiter d’emblée du master 4K, déjà particulièrement mis en valeur sur le disque Bluray, solide et précis. Mais bien entendu c’est sur cet autre support que le résultat est le plus probant, soulignant avec bien plus de vigueur les détails et la profondeur des images, accompagnant avec plus d’intensité une palette de couleurs relativement (et volontairement) éteinte sauf sur le corps de Godzilla dotés de rouges et de noirs profonds. Le disque UHD est surtout celui où les nombreuses sources numériques (même quelques plans en mini-DV) et les images de synthèses s’intègrent le plus naturellement au tableau final. Certes certaines textures sont toujours un peu justes, mais l’étalonnage plus riche et plus fluide fait admirablement passer la pilule.
Son
Choix curieux, presque nostalgique serions nous tentez de dire, le film a été mixé dans les salles en 3.1. Un caisson de basses généreux qui accompagne avec puissance le moindre pas ou acte de destruction de la créature, mais une spatialisation qui reste constamment concentrée sur les enceintes avants. Les dialogues sont bien clairs et profitent des latérales pour ajouter un peu de dynamique aux échanges, mais c’est finalement surtout la partition musicale de Shiro Sagisu (qui croise à la volée les thèmes mythiques d’Akira Fukube avec ses propres constructions héritées d’Evangelion) qui profite le plus ouvertement de l’ouverture des canaux. Très efficace, et rétro, au demeurant.
Interactivité
Attendu de pied ferme par les amateurs de kaiju français (et qui s’avèrent finalement bien plus nombreux qu’on le pensait) l’édition hexagonale de Shin Godzilla s’est transformé grâce à Spectrum Films en un coffret collector limité et numéroté en forme d’évènement. Un très bel objet au design très réussi pour un coffret en dur qui contient en plus d’un petit livret très anecdotique reprenant le contenu du livret de presse japonais (et donc en japonais uniquement…), le digipack permettant de réunir le disque UHD, le Bluray du film, un autre consacré uniquement au bonus et enfin un DVD pour les grands retardataires.
Et question contenu l’éditeur français a vu les choses en grands en reprenant les suppléments de l’édition japonaise (à contrario des éditions UK et US assez vides) proposant un bêtisier, une longue exploration sur les différentes étapes de créations des séquences à effets spéciaux (de la prévisualisation au produit fini) et un très long montage reprenant les conférences de presse et présentations du film en compagnie de l’équipe japonaise. Ce dernier n’évite bien entendu pas quelques redites et quelques moments de flottements, mais l’opportunité de voir Hideaki Anno jouer les animateurs geek ne se refuse pas (trop). Le plus intéressant par ici étant effectivement surtout le très bon making du film, restant constamment à une bonne distance de l’équipe de tournage, suivant la mise en boite de scènes, la préparation des acteurs, les essais de SFX (dont un superbe Godzilla en animatronics finalement abandonné) et même quelques moments passés avec des figurants ou autres personnalités de l’ombre.
Un programme déjà assez roboratif, mais auquel Spectrum a choisi d’ajouter une excellente interview de Shinji Higuchi revenant autant sur l’admiration liée au film original que la recherche de nouvelle voie, l’implication intense de Anno, le contenu politique et le succès considérable du film.
On retrouve aussi une longue présentation du film enregistrée en public par Stéphane Moissakis et Julien Dupuy de l’équipe de Capture Mag, qui décortiquent et analysent généreusement tous les particularismes du film, souligne avec passion ses nombreuses qualités (en particulier par rapport aux films US) avant de répondre à quelques questions.
Plus pointu et passionnant encore est le commentaire audio qui réunit Fabien Mauro (Kaiju, Envahisseurs et Apocalypse) et Nicolas Deneschau (L’Apocalypse selon Godzilla) décryptage extrêmement complet et incroyablement érudit du film mais aussi des carrières des deux réalisateurs, de la saga Godzilla et du kaiju en général.
Une édition on ne peut plus complète, rapidement épuisée dont le succès donnera, on l’espère, l’envie à Spectrum de proposer à terme une nouvelle édition du film afin de sécher quelques larmes.
Liste des bonus
Un livret (16 pages), Commentaire audio de Fabien Mauro et Nicolas Deneschau, Interview de Shinji Higuchi (28’), Bêtisier (15’), Présentation par l’équipe de Capture Mag (71’), Making of (30’), Modules sur les effets spéciaux (28’), Conférence de presse (112’), « Godzilla Project » by I:Cube (10’), Bandes-annonces.