SHANGHAI BLUES

上海之夜 – Hong-Kong – 1984
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Comédie romantique
Réalisateur : Tsui Hark
Acteurs : Kenny Bee, Sylvia Chang, Sally Yeh, Loletta Lee, Ken Boyle, Shing Fui-On…
Musique : James Wong
Image : 1.85 16/9
Son : DTS HD Master Audio 2.0 Cantonais, DTS HD Master Audio 5.1 Français
Sous-titres : Français
Durée : 103 minutes
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 28 mars 2025
LE PITCH
Durant la guerre sino-japonaise, Gwok-man et Aak-suk se promettent de se revoir après la fin du conflit. Dix ans plus tard, chacun vit sa vie à Shanghai. Malgré une cascade de rencontres manquées et de quiproquos, ils vivent l’un tout près de l’autre sans le savoir. Jusqu’à quand ?
Mélodie d’autrefois
Grand film de l’émancipation et première production de la toute nouvelle firme Film Workshop vouée à secouer l’industrie hongkongaise, Shanghai Blue n’est pas un film de sabre virevoltant ou une œuvre expérimentale nihiliste, mais bien une célébration vive et enjouée d’un cinéma fantaisiste, quelque part entre les réminiscences du vieil Hollywood et celles de l’âge d’or du cinéma de Shanghai des années 30. Un délice.
Après des débuts bien difficiles par des œuvres sans doute trop radicales pour leur époques comme Histoires de cannibales, L’Enfer des armes, mais aussi Zu d’une certaine façon, et une collaboration forcément étouffante avec la fructueuse Cinema City malgré le succès colossal de Mad Mission 3, Tsui Hark a rapidement a rapidement envisagé de prendre son indépendance en créant son propre studio. Ce sera la fulgurante Film Workshop où à la fois réalisateur, auteur et producteur (et pas des plus simples), le cinéaste va peu à peu donner le la de toute la production hongkongaise des années 80/90. Et la première pierre de cet édifice qui affichera à son palmarès la saga Le Syndicat du Crime, les Il était une fois en chine ou Histoires de fantômes chinois, est donc le charmant Shanghai Blues qui permit à son auteur de rendre hommage à une grand part du cinéma classique, mais populaire, qui l’a nourri, allant des comédies survoltées du muet aux screwballs délurées américains en passant par les grands mélodrames enchantés de la chine continentales et les comédies musicales désuètes (la partition de James Wong est vraiment très réussie d’ailleurs). Une rêverie douce et nostalgique qui peut alors se permettre de baigner dans des décors exotiques, un peu étriqués et kitchs, mais définitivement théâtraux, et d’embrasser généreusement tous les clichés attendus avec des acteurs en surjeux constant, un triangle amoureux à géométrie variable et une accumulation ininterrompue de situations alambiquées, de quiproquos poussifs et de numéros musicaux de boulevards…
Love is in the air
Ludique, Shanghai Blues pousse bien entendu souvent le curseur légèrement au-dessus de la bonne moyenne, comme lors de cette scène en chambre, ou entre roulé-boulé, cachettes dans le placards et portes qui ne cessent de s’ouvrir sur de nouveaux invités ne faisant que compliquer une situation déjà bien causasse, on n’est vraiment pas loin d’un sketch des Marx Brothers. Pas encore totalement gagné par l’hystérie créative qui peu parfois marquer ses réalisation, Tsui Hark ne laisse jamais faiblir le rythme, mais construit le tout avec une belle rigueur, une photographie éclatante et un sens du cadre qui met constamment en valeur les petits décors en studio, les costumes et la beauté ultra glamour de notre trio de tête : Kenny Bee, Sylvia Chang et Sally Yeh. Un lancement dans la bonne humeur donc pour la Film Workshop qui au passage enregistrait immédiatement son premier grand succès public et critique de son histoire, mais qui au-delà du joyeux divertissement laisse aussi transparaitre un regard sensiblement plus profond qu’il n’y parait. Tsui Hark s’y attarde effectivement sur une période incertaine de l’histoire de Shanghai, entre la fin de la guerre contre le Japon et la prise de pouvoir par le régime communiste, marquée par une grande crise économique, une paupérisation de la population et un mépris envers les vétérans, devant se contenter ici de survivre sous un pont… ou nos deux âmes romantiques s’étaient rencontrés en plein bombardement dans la première séquence du film. Ironie cruelle.
Derrière l’émerveillement, le désenchantement pointe déjà, faisant directement écho à la situation de Hong-Kong dont la déclaration définitive de rétrocession sera signée à la fin de la même d’année. Deux ans plus tard avec le film frère Pekin Opera Blues (toujours inédit chez nous), Tsui Hark démultipliera le mélange des genres en ajoutant à la recette une bonne dose d’action et des considérations historiques et politiques plus limpides encore.
Image
Spectrum nous offre la toute nouvelle restauration 4K projeté au Festival de Cannes l’année dernière dans le cadre du programme Cannes Classics. Un travail d’autant plus admirable que les productions HK, et en particulier celles de Tsui Hark, sont souvent marquées par des ruptures esthétiques, de grandes variations de sources et des effets optiques effectués à même les négatifs. Ce fut le cas ici avec quelques trucages très visibles obligeant à un adoucissement du piqué, et quelques séquences manifestement homogénéisées avec le renfort d’outils numériques bien visibles (effets bruités). Des petites baisses de régime qui n’éclipsent heureusement pas tous les efforts puisque pour le reste c’est une sacrée cure de jouvence avec des cadres particulièrement propres et stables sur les bords, une définition bien pointue qui affirme le relief des décors et de nombreux détails redécouverts, et surtout une colorimétrie largement rehaussée, chaude, vive et contrastée, qui rapproche plus que jamais Shanghai Blues de ses ambitions « Technicolor ».
Son
Le film retrouve son doublage français, découvert il y a bien longtemps du coté de HK Vidéo, avec un DTS HD Master Audio 5.1 plutôt agréable et relativement sobre, mais qui ne peut totalement cacher les voix assez plates du doublage. La version originale Cantonnaise reste elle en stéréo avec un DTS HD Master Audio 2.0 bien posé et très fidèle aux sensations d’origines, petites saturations et légères ruptures de surcroit. A noter que l’édition propose un nouveau mixage cantonnais voulu par Tsui Hark où les occidentaux (français, anglais…) parlent désormais dans leurs propres langues. Pourquoi pas, mais le rendu n’est quand même pas toujours très convaincant.
Interactivité
Présenté dans un boitier scanavo triple avec un fourreau cartonné au superbe visuel, l’édition de Spectrum Film propose le film en 4K sur son disque UHD, mais aussi sur support Bluray avec cette fois-ci les différents bonus attendus. On ne peut passer à coté de la présentation toujours aussi précise et pertinente d’Arnaud Lanuque qui revient sur l’acte d’émancipation de Tsui Hark et le lancement de la fameuse Film Workshop, tout autant que son intérêt pour la comédie et les personnages féminins. Suit une rencontre inédite avec le cinéaste en personne qui va justement creuser ces sujets-là, se remémorer quelques grands moments du tournage et s’amuser de sa représentation (très simplifiée) de Shanghai. Assistant réalisateur sur le film, O Sing Pui évoque justement ce poste sous la direction de Tsui Hark, et se souvient de cette grande époque de fébrilité créative (les chef op qui passaient d’un film à un autre en urgence), mais aussi délivre quelques petites anecdotes, dont une scène de noyade qui aurait pu mal tourner.
Aimant à faire découvrir des œuvres à l’éclairage moins évident, Spectrum dispose sur un Bluray supplémentaire le très joli A Light Never Goes Out dans une copie d’excellente qualité accompagnée d’une piste son DTS HD Master Audio 5.1. Une comédie dramatique étonnement légère où se mêle le deuil d’une épouse et la nostalgie d’un Hong-Kong habillé par ses multiples néons. Beaucoup de délicatesse et de tendresse pour ce premier film de la réalisatrice Anastasia Tsang.
Sur le disque on profite aussi d’une nouvelle présentation d’Arnaud Lanuque et d’une longue rencontre avec une interview de la réalisatrice, permettant dans les deux cas de revenir sur l’aide allouée par l’état aux premières œuvres, l’apparition d’une nouvelle génération de cinéaste, et les thèmes principaux du film : la vie sans l’autre et l’art artisanal des néons publicitaires si symptomatique de l’esthétique hongkongaise.
Liste des bonus
Présentation d’Arnaud Lanuque (14’), Présentation du film par Tsui Hark (25’), Entretien avec O Sing Pui (18’), Scène coupée (2’), Bandes-annonces.
Le Blu-ray du film « A Light Never Goes Out » de Anastasia Tsang (« Dang fo laan saan », 2022, 103’), Présentation d’Arnaud Lanuque (10’), Interview d’Anastasia Tsang (34’).