SEX IS COMEDY

France, Portugal – 2002
Support : Bluray
Genre : Comédie
Réalisateur : Catherine Breillat
Acteurs : Anne Parillaud, Grégoire Colin, Roxane Mesquida, Ashley Wanninger, Dominique Colladant, Bart Binnema…
Musique : Aucune
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Aucun
Durée : 95 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : Décembre 2024
LE PITCH
Jeanne travaille sur un long métrage intitulé Scènes intimes et se trouve confrontée à une tâche délicate : diriger une scène d’amour entre ses deux acteurs principaux. Pour aborder cette scène complexe, elle s’efforce de naviguer entre les émotions de son équipe, soutenue par son assistant réalisateur qui lui sert également de confident. Toutefois, des tensions surgissent car les acteurs ne montrent aucun signe de complicité, et l’acteur principal résiste à suivre ses directives.
Anatomie d’un plan
Le cinéma de Catherine Breillat est constamment habité par la figure de l’autoportrait. Des souvenirs d’adolescence et de passage à l’âge adulte, ainsi que des portraits de réalisatrices seules contre tous, comme dans Tapage nocturne, le tout récent Abus de faiblesse avec Isabelle Huppert. Mais aucune sans doute ne ressemble autant à Catherine Breillat qu’Anne Parillaud dans Sex is comedy.
Les yeux bleus à la fois froids et toujours émus, la coupe de cheveu qui finit inévitablement en bataille, les grands gestes qui soulignent l’exaspération continue, l’énergie qui passe de la colère à la tendresse, Anne Parrillaud s’appelle ici Jeanne, mais elle est définitivement Catherine Breillat. Une réalisatrice prête à tout pour mener son film à bon port, efficace, énergique, mais qui perd parfois son équipage en envoyant paitre ses collaborateurs, renvoyant les figurants sur un coup de tête ou évacuant le plateau pendant plus d’une heure pour réinventer la scène avec son assistant. C’est aussi un personnage qui parle, beaucoup, comme toujours chez Breillat, et s’embarque dans de longues tirades sur le métier de cinéaste, sa quête du sublime, de l’émotion volée et de cette relation particulière avec les acteurs, à la fois adorés et honnis, indispensables mais si accessoires. La réalisatrice se livre ici comme jamais, met à nu sa méthode, ses exigences et ses travers, mais aussi cette indéniable ambigüité qui habite l’ensemble de ses films et qui manifestement nait dans le hors champs des coulisses.
Mon double et moi
Elle qui dans les interviews se plaint presque systématiquement du comportement machiste et idiot de ses acteurs masculins, avoue tout autant les choisir pour leur charme viril, leur beauté plastique et finalement une certaine connerie caricaturale. Ici Jeanne se montre tour à tour cajoleuse, séductrice, caressante, amicale, carrément enjôleuse avec son acteur (Grégoire Colin), avant de l’humilier durant le tournage des scènes, lui interdisant toute initiative, toute volonté personnelle. Une bataille parfois frontale, souvent stratégique, qui ne prend jamais la voie d’un cinéma réalité ou de l’évocation enchantée façon François Truffaut, préférant nettement le désenchantement, la crudité et un humour cynique qui démystifie constamment la magie et le glamour possible d’un plateau de cinéma. On pourrait même dire que celui présenté ici est certainement celui du film précédent de la réalisatrice, A ma sœur, avec la même Roxane Mesquida, dont la scène de défloraison centrale fut elle aussi le théâtre de prises de becs et de longues négociations. La mise à nue physique et mentale, le choix des détails pour obtenir la crudité sans tomber dans la vulgarité, et surtout ce besoin insatiable d’obtenir la vérité, l’intimité, étalée dans le cadre, habitée par les personnages et le cinéma de son autrice. Amusant et un peu méchant, Sex is comedy aurait pu sembler un peu vain, s’il n’aboutissait pas à cette superbe image finale, dépassant la séquence tant redoutée, d’un état de grâce atteint communément par l’actrice et sa metteuse en scène.
Véritable trésor pour les fans de l’œuvre de Breillat par son auto-analyse imagée, Sex is comedy est aussi ironiquement l’un de ses films les plus facilement abordables et appréhendables. Du fait de son humour forcément, son regard franc sur le petit monde du cinéma, mais aussi par cette étrange et désarmante honnêteté qui brosse le portrait d’une auteur qui doute, qui agace, qui amuse, qui crée comme elle peut et avec ce qu’elle est.
Image
A contrario d’Une Vraie jeune fille et 36 Fillette, Sex is comedy repose comme Anatomie de l’enfer sur un master préexistant, et pas forcément aussi éclatant que des restaurations éprouvées à partir des négatifs originaux. On voit d’ailleurs encore apparaitre ici ou là des restes de longues griffures verticales et le générique est marqué par un grain floconneux. Le reste s’avère cependant très correcte avec des cadres assez stables et plutôt propres, une définition appuyée et des teintes froides et naturelles bien tenues, mais la définition sera toujours un peu en retrait, un peu trop douce.
Son
La restitution sonore est relativement sobre avec un DTS HD Master Audio 2.0 qui laisse la part belle aux silences et aux dialogues. Les atmosphères extérieures sont plus que discrètes et la musique quasi-absente. Bizarrement il y a tout de même quelques échanges, quelques mots ou bribes de phrases où il faut tendre l’oreille pour tout bien entendre.
Interactivité
Quatrième titre de la collection Catherine Breillat chez Le Chat qui fume, Sex is comedy se présente donc avec le même boitier Bluray classique et sa jaquette sans écriture relevée d’une surjaquette sur la tranche contenant toutes les informations factuelles.
A l’intérieur, la journaliste Murielle Joudet du Monde nous propose dans un petit livret de huit pages une nouvelle analyse du film, toujours aussi joliment écrite et finement analysée, tandis que la réalisatrice poursuit en vidéo sa série d’interviews exclusives en se consacrant tout naturellement au film en question ici. Quelques souvenirs de tournage, le retour sur la naissance de l’idée du film, ses rapports aux acteurs, au métier de réalisatrice, l’effet miroir provoqué par l’interprétation d’Anne Parillaud… Comme toujours pas une once de langue de bois, des errances verbales et un certain sens de l’auto-analyse.
Liste des bonus
Un livret signé Murielle Joudet, « Sex is comedy » par Catherine Breillat (32’), Bande-annonce.