SEULS LES ANGES ONT DES AILES
Only Angels Have Wings – Etats-Unis – 1939
Support : Bluray & DVD
Genre : Aventure
Réalisateur : Howard Hawks
Acteurs : Cary Grant, Jean Arthur, Richard Barthelmess, Rita Hayworth, Thomas Mitchell, Allyn Joslyn, …
Musique : Dimitri Tiomkin
Durée : 121 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Editeur : Wild Side Video
Date de sortie : 7 juillet 2021
LE PITCH
Lors d’une escale dans un port d’Amérique du Sud, la pianiste Bonnie Lee rencontrent des aviateurs chargés de transporter le courrier par-delà la Cordillère des Andes, une mission des plus dangereuses…
Tant qu’il y aura des hommes
Toujours à la pointe d’une cinéphilie exigeante, Wild Side déroule le tapis rouge à l’immense Howard Hawks et à son chef d’œuvre Seuls les anges ont des ailes, mélodrame moite, viril et aérien où le stoïcisme de Cary Grant est mis à rude épreuve par la féminité triomphante de Jean Arthur et de la volcanique Rita Hayworth. Gare à l’atterrissage !
Quelle place donner aux aventures de Geoff Carter et de ses audacieux fous volants dans la longue filmographie du réalisateur de Rio Bravo ? Seuls les anges ont des ailes est déjà le vingt et unième long-métrage de Hawks et ce n’est pas son premier grand film. Scarface, Train de luxe et Les Chemins de la gloire ont déjà apporté la preuve du talent et de la versatilité du bonhomme. Ce n’est pas non plus son premier film à traiter d’aviateurs puisque le sujet l’obsède depuis un bout de temps comme en atteste Les rois de l’air, son premier long-métrage parlant, et son amitié avec un certain Howard Hughes. Enfin, il ne s’agit pas là non plus de sa première collaboration avec Cary Grant. Le cinéaste vient en effet de diriger la star dans L’impossible Mr Bébé et s’apprêtait à remettre le couvert pour Gunga Din avant d’être remercié par la RKO.
S’il ne s’inscrit dans aucun courant en particulier et ne change en rien son approche du cinéma, Seuls les anges ont des ailes porte en revanche la « formule » Hawks jusqu’à son point de perfection absolue. Comédie, drame, grand spectacle, direction d’acteurs, gestion du cadre et du rythme : Howard Hawks est en pleine possession de ses moyens. Il ne lui faut que quelques plans pour imposer sa vision de l’intrépide mâle américain. Un trou perdu, un bar, du tabac et de l’alcool, un paquet de non-dits et l’entrée en scène de Cary Grant, chapeau panama vissé sur le crâne, en plan américain (justement !), une contre plongée imperceptible validant sa position incontestée de chef de meute. Imparable.
Ce que femme veut
Tout iconique que puisse être l’homo americanus selon Howard Hawks, il n’en reste pas moins faillible et même totalement vulnérable face à la gent féminine. Or, chez le cinéaste, les femmes sont aussi belles qu’intelligentes, indépendantes et redoutables. Le personnage de Cary Grant les considère d’ailleurs comme une menace pour son autorité et la vie de ses pilotes. Cruel, tout à fait indélicat, il fait directement porter la responsabilité du crash et de la mort horrible d’un de ses hommes à une Jean Arthur déjà horrifiée et attristée par la violence de la tragédie. « J’aurais bien voulu le sauver mais un arbre un peu trop haut en a voulu autrement. » La métaphore n’a rien de cryptique. Une érection mal contrôlée a coupé les ailes du pilote.
Jean Arthur, parlons-en justement. Malgré un tournage conflictuel avec Hawks, l’actrice fétiche de Frank Capra entre parfaitement dans le moule de la femme « hawksienne ». C’est au travers de son personnage, Bonnie Lee, que le cinéaste nous entraîne dans le monde fictif de Barranca, bourgade portuaire écrasée par la chaleur et l’humidité, coincée entre des montagnes impénétrables et la brume maritime, rythmée par la musique et les accidents d’avion. Bonnie Lee voyage seule, pianiste et meneuse de revue, et elle sait tenir à distance les hommes trop entreprenants. Elle est une chasseuse d’hommes et une sorte de paradoxe comme elle le souligne elle-même par une réplique mémorable (qu’Hawks réutilisera dans Le Port de l’angoisse) : « Je ne suis pas une femme facile, Geoff, il suffit de me demander. » Le défi que représente Bonnie Lee pour l’indéboulonnable Geoff Carter est encore soulignée par l’ajout d’un second personnage féminin confié à une toute jeune Rita Hayworth, l’ex de l’aviateur en chef et désormais une femme mariée. Là encore, une femme qui sait parfaitement ce qu’elle veut et qui ne s’en laisse pas conter mais à la sexualité encore plus affichée. Chez Hawks, le sexe faible n’existe pas ! D’où une exagération peut être troublante mais assurément savoureuse de l’amitié masculine.
Rythmé par des séquences aériennes spectaculaires où se mélangent effets miniatures et prises de vue réelles (essentiellement le sauvetage périlleux dans un ranch perché sur un plateaux rocheux) et enrichi par une galerie de seconds rôles impeccables où se distinguent Thomas Mitchell et Richard Barthelmess, Seuls les anges ont des ailes n’a presque pas pris une ride et continue d’enchanter et de charmer, modèle d’émotion et de caractérisation. On n’a pas fait mieux depuis.
Image
Une restauration de toute première bourre, à la fois respectueuse du grain argentique et d’une photographie volontairement assombrie et nettoyée avec soin. Il faut sortir la loupe pour trouver le moindre point blanc ou accident de pellicule. Pour un film de plus de 90 ans, le résultat est donc bluffant. Pour autant, la propreté de la copie ne saurait faire oublier une définition un peu en retrait sur les scènes les plus chahutées par la météo capricieuse de Barranca.
Son
Étouffée et plate, incapable de retranscrire le rythme de la parole tel qu’Howard Hawks le concevait, la piste française n’est là que pour satisfaire les complétistes et les francophones. La version originale se révèle infiniment plus satisfaisante avec une propreté de tous les instants et des basses judicieuses lors des séquences aériennes.
Interactivité
Outre un livret analytique et contextuel, riche en photos, et rédigé par Doug Headline, Wild Side articule son interactivité autour d’un double entretien très vivant et passionnant avec l’historien du cinéma Noël Simsolo. Avec une gouaille et une passion contagieuse, le vieux cinéphile dresse un portrait érudit d’Howard Hawks, cinéaste indépendant, talentueux et un peu mythomane sur les bords, et livre une analyse indispensable de Seuls les anges ont des ailes, sans oublier un sous-texte pessimiste et même homosexuel. On peut regretter l’absence de suppléments d’archives (hormis la bande annonce) ou de propos contradictoires mais la matière fournie par ces deux modules est telle qu’il est impossible de ne pas se sentir rassasié. Sometimes, less is more, comme dirait l’autre.
Liste des bonus
« Les invalides » (22 minutes) : survol du film par Noël Simsolo, « Orgueil et indépendance » (31 minutes) : portrait de Howard Hawks à travers ses films, par Noël Simsolo, Bande-annonce, livret de 50 pages, « Anges et mauvais garçons », écrit spécialement par Doug Headline et illustré de photos d’archives.