Il s’est certes assagi au cours des années, mais l’Albert Dupontel de Bernie et du Créateur n’a jamais totalement disparu. Certes la forme des films autrefois nerveuse, presque hystérique (à l’image de ses personnages) est peu à peu plus passée du coté des visions plus enchantées avec une mise en scène plus souple, fluide, glissant presque vers l’esthétique décalée d’un Jeunet, mais le regard acerbe est toujours bel et bien là. D’ailleurs la première partie de Second Tour le rappel avec un certain panache, décrivant la campagne présidentielle du concurrent star Pierre-Henry Mercier comme une vaste mascarade électorale, entièrement portée par le milieux industriel et célébré par des médias à la botte des actionnaires et défenseurs d’un système nauséabond. Le trait est à peine forcé lorsque les chaines infos bavent de contentement devant chaque sortie du monsieur et célèbrent systématiquement son impact positif sur le CAC40. Mercier est à lui seul le modèle absolu du politique pragmatique, dévoué aux systèmes financiers et à un modèle de réussite inégal. Un Macron ni plus ni moins, sur lequel une jeune journaliste trop grande gueule et impliquée, extirpée de sa retraite au service des sports, constamment accompagné de son caméraman footeux (mais à l’esprit pratique), va enquêter et découvrir quelques vérités dérangeantes.

Irréelle politique

Incarné par Cécile de France et Nicolas Marié, ce quasi duo comique aux dialogues irrésistibles, à la mécanique humoristique rodée et rythmiquement imparable et à l’entente évidente, emporte avec jubilation le récit dans un thriller politique proche de la bande-dessiné autant dans son univers volontairement stéréotypé, que dans son ton et son mélange de véracité de grands improbables. Dupontel vise juste, dépeint un milieu rance et dangereux à souhait et incarne au passage un homme politique froid et calculateur, maitrisant le discours politique moderne à l’excès et préparant un « coup d’état » des plus inhabituels, et embarque aisément le spectateur dans sa comédie noire. Un angle qu’il va pourtant délaisser rapidement dans la seconde moitié du film alors que Mlle Pove et Gus (les deux journalistes donc) passent au second plan et que la trame se resserre sur la (vraie) personnalité, les secrets et les drames de Mercier justement. La mise en scène y embrasse ouvertement la légèreté de la fable, le propos se fait clairement plus candide, plus porté sur l’émotion (un peu lourde parfois) et appauvrit effectivement quelques peu le propos, jusqu’à un final plein d’espoirs et de petites abeilles, qui certes reste touchant mais ne convainc qu’à moitié. Un film plutôt fragile et déséquilibré mais qui est indéniablement sincère, plein de convictions et qui apporte à sa manière, lyrique et décalée, un message on ne peut plus nécessaire.

Autrefois bourrins, brutaux voir inquiétants, ses personnages, tout comme son cinéma, ne changent plus le monde à coup de pelle, ils le font avec plus de sensibilité et sans doute d’intelligence. Après les petits bijou 9 mois ferme et Adieu les cons, on peut bien pardonner à Dupontel quelques faiblesses sentimentales non ?