SE7EN

Etats-Unis – 1995
Support : 4K UHD & Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : David Fincher
Acteurs : Brad Pitt, Morgan Freeman, Gwyneth Paltrow, R. Lee Ermey, Richard Roundtree, Kevin Spacey, John C. McGinley, …
Musique : Howard Shore
Durée : 127 minutes
Image : 2.35 16/9ème
Son : Français Dolby Digital 5.1, Anglais DTS-HD 5.1, Espagnol Dolby Digital 5.1
Sous-titres : Français, Hollandais, Espagnol…
Editeur : Warner Bros Entertainment France
Date de sortie : 8 janvier 2025
LE PITCH
À une semaine d’une retraite prématurée, l’inspecteur vétéran Sommerset est forcé de faire équipe avec Mills, un jeune policier ambitieux et son remplaçant désigné. Malgré des relations tendues, les deux hommes doivent unir leurs forces pour mettre un terme aux agissements d’un psychopathe qui commet des meurtres en s’inspirant des sept péchés capitaux …
Noir c’est noir
1995. Un David Fincher avec une revanche à prendre sur Hollywood s’empare du script original d’un inconnu (Andrew Kevin Walker) et embarque Morgan Freeman et Brad Pitt dans une chasse au serial-killer qui suinte d’un désespoir contagieux. Un électrochoc, un chef d’œuvre empoisonné, un voyage au bout de la nuit qui s’achève dans la poussière et sous un soleil de plomb.
Le succès (et la postérité) de Se7en, ce n’est pas seulement une question de talent, c’est aussi une question de timing. Sacré meilleur film aux Oscars en mars 1992, Le Silence des Agneaux de Jonathan Demme offre un écrin luxueux mais sans concession à la figure ambiguë du serial-killer, personnifiée à l’écran par le duo Anthony Hopkins / Ted Levine, le cannibale intello et raffiné et le dépeceur des campagnes aux fantasmes transsexuels mal assumés. Contre toute attente, alors que le grand écran rechigne à affronter Hannibal Lecter et Buffalo Bill sur le terrain de l’horreur qui salit les âmes, c’est sur le petit écran que le sillon se creuse, dans une série nommée The X-Files. Quand ils ne sont pas les jouets d’une conspiration internationale tentaculaire à base de petits hommes gris et de sociétés secrètes ou lorsqu’ils ne se coltinent pas des mutants farfelus, les agents Mulder et Scully inscrivent à leur tableau de chasse quelques belles brochettes de tarés pour qui le meurtre est avant tout un art (macabre, ça va sans dire). Les deux parias du FBI, armés de leur intellect, de leurs différences et de puissantes lampes torches éclairent, épisode après épisode, un océan de ténèbres et mettent à jour les névroses terrifiantes de meurtriers fétichistes. Diffusé le 13 janvier 1995, l’épisode « Irresistible » réalisé par David Nutter (coupable, 18 ans plus tard, des noces sanglantes d’un épisode mémorable de Game Of Thrones) pousse les curseurs du malaise assez haut en mettant en scène un nécrophile terrifiant incarné par le patibulaire Nick Chinlund. Biberonné depuis bientôt trois ans à l’atmosphère angoissante de la série créée par Chris Carter, le public est fin prêt pour assister au jeu de piste sanglant de l’anonyme John Doe, tueur en série messianique et obsédé par les sept péchés capitaux. Plutôt sceptiques sur le destin au box-office du joyau monstrueux de David Fincher, les pontes de New Line seront alors les premiers (et sans doute les seuls) surpris du triomphe de Se7en.
Une semaine en enfer
En vérité, Se7en a tout d’un film miraculé. À deux doigts d’abandonner le cinéma au sortir de l’expérience éprouvante que fut Alien 3 (un grand film, quoi qu’en pense son auteur), David Fincher se voit remettre le script de Se7en par son agent au début de l’année 1994 et se passionne immédiatement pour cette histoire de meurtre et de fanatisme qui vient percuter le quotidien déjà passablement glauque de deux flics que tout oppose. Succédant à Jeremiah S. Chechik, Phil Joanou et même Guillermo Del Toro, tous intimidés par un projet aussi radical, le prodige du video-clip fait jeter à la poubelle une bonne dizaine de réécritures édulcorées pour revenir au traitement original et arrache à la New Line et au producteur Arnold Kopelson un contrôle créatif quasi-absolu contre un budget raisonnable. Gonflé à bloc, Fincher jubile à l’idée de traumatiser « à sec » les spectateurs avec la conclusion nihiliste imaginée par Andrew Kevin Walker et veut prouver aux exécutifs timorés d’Hollywood que le courage et une vision artistique peuvent bel et bien payer. Sans la pugnacité de David Fincher, Se7en aurait probablement fini par ressembler à l’un de ces thrillers lambda et conformiste dont Hollywood se gargarise alors au début des années 90. Une bonne série B, bien emballée et vite oubliée. Le futur réalisateur de Fight Club et de Zodiac dégoupille à la face du monde une grenade vénéneuse dont le formalisme poisseux et ciselé va vite devenir une référence esthétique incontournable et même comparable au Nosferatu de F.W. Murnau ou au Blade Runner de Ridley Scott.
On ne compte plus, depuis déjà 30 ans, les films de serial-killer « s’inspirant » (pour rester poli) de Se7en, film matriciel où se mélangent dans un tout homogène, un cadre urbain pourrissant, des indices cryptiques, des références littéraires, musicales et picturales d’une érudition certaine, un tueur insaisissable qui a toujours un tour d’avance sur la police, des scènes de crimes filmées comme autant de tableaux témoignant d’un esprit pervers et particulièrement dérangé, une cruauté froide, un twist final qui dépote et des policiers brillants mais pourtant dépassés par les événements. Avec Se7en, le tueur en série n’est plus seulement un monstre, c’est une divinité. Les démons sont des amateurs, adressez-vous plutôt à Lucifer en personne.
Sympathy for the Devil
Revoir Se7en en 2025, même au bout de la 1236ème fois, même en connaissant la saveur et l’amertume d’un cliffhanger à en perdre la tête, voilà qui permet encore et toujours de s’approcher d’un certain idéal de perfection sur pellicule. En s’appuyant sur un script linéaire et diablement efficace qui porte fièrement son concept en étendard (sept jours, un meurtre par jour, un meurtre par pêché, deux flics, un tueur et pas d’issues), David Fincher enfile des perles et multiplie des choix d’une évidence diabolique.
Qui d’autre que le franco-iranien Darius Khondji pour triturer la lumière et la pellicule, sculptant la pluie et les ténèbres comme un artiste de la Renaissance ?
Qui d’autre que Morgan Freeman, son regard de vieux briscard et son timbre de voix inimitable pour incarner William Sommerset, détective fatigué mais tenace, frôlant l’indigestion d’horreur et de violence ?
Qui d’autre que Brad Pitt, alors en pleine ascension, sex-symbol hollywoodien pour l’éternité, pour aller se fracasser dans la tragédie de David Mills, le presque alter-ego d’un David Fincher aux ambitions féroces ?
Qui d’autre que Kevin Spacey – Keyzer Söze en personne, nom d’une pipe ! – pour jouer l’invité surprise et offrir sa silhouette, d’une banalité sordide, au « pas-si-humain-que-ça » John Doe ?
Qui d’autre que Gwyneth Paltrow pour nous offrir un regard (et des larmes) qui pourrait nous hanter jusqu’à la fin des temps ?
Qui d’autre qu’Howard Shore, le fidèle de David Cronenberg, le compositeur du Silence des Agneaux, pour coller sur nos cauchemars des notes qui résonnent comme la mélodie du malheur ?
Se7en, c’est le bad trip du siècle dernier et de pleins d’autres à venir, l’équivalent cinématographique d’une soupe de seum agrémentées de chicots pourris et servie par le plus suave, le plus classe et le plus cynique des maîtres d’hôtels. Si vous y trouvez le moindre défaut, faîtes nous signe.
Image
Un anniversaire, ça vaut bien un nouveau master. Attendue comme le messie, cette galette 4K supervisée par David Fincher himself propose une restauration grand luxe dont la plus-value, comparée au blu-ray de 2011, est bien visible. Parfaitement adaptée aux nouveaux standards qualitatifs d’image, cette mise à jour booste les sources de lumière, affine les zones sombres et enrichit la colorimétrie et la définition à des niveaux surprenants. Certains accusent pourtant le cinéaste d’un révisionnisme assisté par intelligence artificielle, semblable à celui opéré par James Cameron les dernières rééditions 4K de ses films. Un constat sans doute excessif qui s’appuie sur des changements de teintes et des ajouts de détails (ici un lampadaire, là un encadrement de porte) dans le cadre, des bidouillages qui, en dépit de leur discrétion, ont le don d’agacer les puristes. Les uns apprécieront le lustre remarquable de cette nouvelle copie tandis que les autres pourront toujours s’en retourner vers l’ancienne galette haute-définition que Warner a eu la bonne idée d’inclure dans son steelbook. Pas de jaloux.
Son
Il faudrait avoir l’ouïe fine pour remarquer une quelconque différence entre ces nouveaux mixages en 5.1 et ceux disponibles en 7.1 sur le bluray d’époque. Malgré les canaux en moins, on ne constate aucune perte, tant dans la dynamique que dans l’ouverture sur les côtés et à l’arrière. Belle ampleur des dialogues pour une acoustique très enveloppante à la précision redoutable. Warner oblige, des pistes espagnoles et allemandes viennent tenir compagnie aux pistes françaises et anglaises.
Interactivité
Le gros point faible de cette édition. Pour les trente ans du film, on pouvait clairement s’attendre à mieux. Certes, tous les bonus (passionnants) des précédentes éditions répondent à l’appel mais l’absence du moindre inédit est profondément frustrant et, pire encore, les commentaires pourtant précieux sur le film et ses scènes coupées ont perdu leurs sous-titres. Un vrai faux-pas qui pousse le cinéphile à se réfugier sur le blu-ray de 2011. Ajoutez à ce triste constat des menus interactifs d’une tristesse graphique désolante et un steelbook au design pas franchement excitant et vous obtenez une réédition qui souffle le chaud et le froid et qui se révèle bien moins définitive que ses aînés en DVD et en blu-ray. Personne n’a donc prévenu Warner du danger de pécher par avarice ?
Liste des bonus
4 Commentaires audio du réalisateur David Fincher, des acteurs Brad Pitt et Morgan Freeman ainsi que de plusieurs membres de l’équipe du film (VO sur le 4K UHD, VOSTF sur le blu-ray), Scènes coupées avec commentaire audio optionnel de David Fincher, Fin alternative, Dessins de productions, Galerie de photos, Création des carnets de John Doe, Analyse détaillée du générique d’ouverture, Analyse de la restauration avec 3 scènes en multi-angles.