SATOSHI KON, L’ILLUSIONNISTE
France, Japon – 2021
Support : Bluray & DVD
Genre : Documentaire
Réalisateur : Pascal-Alex Vincent
Acteurs : Darren Aronofsky, Marc Caro, Jérémy Clapin, Megumi Hayashibara, Mamoru Hosoda, Mamoru Oshii. Masashi Ando, Junko Iwao…
Musique : Théo Chapira
Durée : 82 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français, anglais et Japonais DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 18 janvier 2022
LE PITCH
Le mangaka et cinéaste Satoshi Kon, considéré comme le Stanley Kubrick de l’animation, est mort brutalement en 2010, à l’âge de 46 ans. Il laisse une œuvre courte et inachevée, qui est pourtant parmi les plus diffusées et les plus influentes de l’histoire de la culture japonaise contemporaine. Dix ans après sa disparition, ses proches et ses collaborateurs s’expriment enfin sur son travail, tandis que ses héritiers, au Japon, en France et à Hollywood, reviennent sur son legs artistique.
Œuvre inachevée
Perfect Blue, Millenium Actress, Tokyo Godfathers, Paprika et la série Paranoïa Agent, la carrière de réalisateur de Satoshi Kon s’est arrêtée assez brutalement en août 2010 des suites d’un cancer foudroyant. Film hommage, tentative de révéler la force visuelle autant que thématique d’un cinéma d’animation visionnaire, Satoshi Kon L’illusionniste, est une introduction à une œuvre aussi courte que foisonnante.
Si le nom de Satoshi Kon possède une aura indéniable dans les milieux cinéphiles, il reste encore et toujours assez méconnu du côté du grand public. Il faut ainsi se rappeler qu’en dehors de Paprika qui eu un certain retentissement, ses autres réalisations durent en générale se contenter d’un succès d’estime. Des critiques souvent dithyrambiques certes, mais pas forcément en adéquation avec les résultats au box office… Pourtant l’influence de son cinéma est aujourd’hui indéniable, que ce soit dans la liberté ouverte à un cinéma d’animation plus adulte, pouvant prendre ses distances avec l’école Ghibli ou le divertissement sous licence, ou dans la reproduction renouvelée de visions inoubliables. Il n’est pas étonnant que Pascal-Alex Vincent (Donne-moi la main) offre rapidement la parole au cinéaste américain Darren Aronofsky dont on retrouve des hommages directs dans Requiem for A Dream et plus largement encore dans Black Swann (pourtant pas évoqué ici). Le génial Mamoru Hosoda (Les Enfants Loups, Belle), ou le très doué Jérémy Clapin viennent eux aussi souligner leur héritage, tandis que certains de ses anciens collaborateurs (le producteur de Madhouse, des animateurs, des doubleurs…) s’efforcent de brosser le portrait d’un artiste extrêmement exigeant, souvent complexe et particulièrement assuré de ses capacités. Mais, chapitré autour de ses cinq grandes réalisations, Satoshi Kon L’illusionniste ne se borne pas à énumérer les qualités de l’homme et de son œuvre, mais creuse aussi admirablement la nature même de ses créations. En particulier sa manière redoutable de marier le cadre réaliste avec les visions oniriques de ses personnages et d’intégrer le spectateur dans une dramatisation, tour à tour grave, enlevée, inquiétante ou excitante, presque comme un spectacle participatif.
Maison aux miroirs
De ses obsessions d’auteur à la finesse admirable de ses aspects graphiques et technique, le cinéma de Satoshi Kon retrouve ici la place qu’il mérite. L’homme lui, semble pourtant encore très en retrait. Comme si cette dualité, pourtant très présente à l’écran, entre l’identité visible et la personnalité profonde de la personne, échappait à la caméra. La mise en scène plutôt intéressante de Pascal-Alex Vincent, qui s’écarte heureusement des témoignages plan-plan en s’efforçant de multiplier les contextes de rencontres, les valeurs de cadres et les atmosphères, reste étrangement assez frileux sur certains points. Présenté avec un visage de plénitude sur l’affiche, Satoshi Kon n’était pas forcément un collaborateur facile, ni même un homme aisé dans ses relations à l’autre. Un aspect de sa personnalité à peine esquissée au détour d’une émotion de la part d’un de ses anciens animateurs ou de son premier producteur, ou plus frontalement par Mamoru Oshii (dont il a illustré le manga Seraphim), mais où manque par exemple les interventions de Katsuhiro Otomo, modèle avoué de Satoshi Kon avec qui les choses tournèrent court après quelques collaborations. Ces dernières sont d’ailleurs totalement absentes ici, ce qui est particulièrement dommageable concernant, Roujin Z ou le fabuleux sketch Magnetic Rose scénarisé pour l’anthologie Memories. Plus légèrement, pas une ligne sur ses débuts dans le monde de l’animation pourtant exercé sur des titres comme Patlabor 2 ou Jojo’s Bizarre Adventures, et un passage express sur ses pourtant fameux mangas (Kaikisen essentiellement) sans réel effort pour créer des liens, pourtant vibrants, avec ses longs métrages.
Non exhaustif, Satoshi Kon L’illusionniste souffre sans doute de sa durée finalement assez restreinte et n’arrive jamais vraiment à percer la coquille du personnage. En revanche là où le film réussit parfaitement son entreprise c’est dans sa présentation élégante et accessible d’un univers filmique unique et inoubliable.
Image
En dehors de l’interview d’archive de Satoshi Kon, enregistrée en vidéo et forcément restituée du mieux possible, le film délivre une image numérique pointilleuse, léchée et on ne peut plus propre. Les changements d’intervenants et de lieux géographiques, l’alternance avec les différents extraits d’animés ou de films modèles (des bandes annonces un poil plus fatiguées) se fait avec beaucoup de naturel et maintient une définition parfaitement solide.
Son
DTS HD Master Audio 2.0 pour les petites installations. DTS HD Master Audio 5.1 pour les équipements plus confortables, avec même quelques légers effets fluides et dynamiques en sus, dans tous les cas le son est toujours clair et équilibré. Bien entendu au vu de la nature du documentaire, on passe en fonction des intervenants du français, à l’anglais et au japonais avec les sous-titres qui font bien.
Interactivité
Cette collection d’Edition Prestige s’était ouverte en 2018 avec un autre documentaire consacré à un grand cinéaste : De Palma. Satoshi Kon L’illusionniste y trouve donc aisément sa place, profitant au passage d’une superbe affiche dessinée mise en valeur par le mini-coffret collector. A l’intérieur une reproduction grande taille de ladite affiche, ainsi que quatre reproductions d’images du documentaire et cinq reproductions des programmes japonais des films de Satoshi Kon. Voilà pour les goodies.
Sur les disques proprement dit, on retrouve quelques extensions du film à commencer par une interview inédite du réalisateur par un journaliste américain lors d’une présentation de Paprika. Un document pas forcément en grande forme, mais qui permet d’entendre à nouveau Kon s’exprimer sur quelques détails de sa méthode de travail et la réflexion récurrente autour de la force des rêves. On y découvre aussi l’évocation par Pascal-Alex Vincent et le producteur Masao Maruyama d’un autre projet « à venir » autour d’une figure de Robin des bois de la culture nippone. Suivent la célèbre doubleuse Megumi Hayashibara qui revient sur son travail dans Paprika, l’animateur Masashi Ando qui raconte sa transition de l’école Ghibli à ses collaborations, plus libres stylistiquement, avec Kon et le romancier Yasutaka Tsutsui qui souligne à nouveau les liens entre son œuvre et celle du metteur en scène. Cette suite de courtes interventions supplémentaires, s’achèvent par une rapide analyse des techniques narratives et des effets de montages de Kon par le réalisateur de J’ai perdu mon corps.
Liste des bonus
Un jeu de 4 cartes collector, 5 fac-similés de « eiga chirashi » (programmes de cinéma japonais), l’affiche du film (40 x 60), « Satoshi Kon, l’interview inédite » par le journaliste Simon Abrams (11’), « Maruyama et Kon, le dernier projet » (4’), « Megumi Hayashibara, la voix de Paprika » (6’), « Masashi Ando, de Hayao Miyazaki à Satoshi Kon » (5’), « Yasutaka Tsutsui, l’écrivain par qui tout est arrivé » (3’), « Jérémy Clapin, un cinéma participatif » (4’), Bande-annonce originale.