SANTOSH
Inde, Royaume-Uni, Allemagne, France – 2024
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisatrice : Sandhya Suri
Acteurs : Shahana Goswami, Sanjay Bishnoi, Sunita Rajwar, Kushal Dubey, Shashi Beniwal, …
Musique : Luisa Gerstein
Durée : 128 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Hindi DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : Blaq Out
Date de sortie : 3 décembre 2024
LE PITCH
Jeune veuve d’un policier tué lors d’une émeute, Santosh fait une demande de « recrutement compassionnel » et hérite de l’emploi de son défunt mari. Après des débuts difficiles au sein d’une équipe corrompue et sexiste, elle se retrouve au cœur d’une enquête sur le meurtre et le viol d’une jeune fille dalit, de la caste dite des « intouchables »…
Hindi Cop Movie
Pour son premier long-métrage de fiction, la documentariste Sandhya Suri mêle féminisme, polar et cinéma social. Ambitieux et maîtrisé de bout en bout, Santosh dresse le constat peu reluisant d’un pays vérolé de l’intérieur par des traditions archaïques et s’offre au passage un portrait de femme étouffant, captivant, précieux de bout en bout.
Les premières minutes de Santosh annoncent sans détour la couleur du drame qui va suivre. Ayant appris la nouvelle du décès de son mari, une jeune femme se précipite hors de son appartement pour plonger, dans l’indifférence générale, dans le tumulte de la nuit, au beau milieu de la circulation et des passants. Pas de musique tire-larmes, pas d’effets, juste une caméra à l’épaule qui colle aux basques de l’héroïne mais en maintenant souvent une bonne distance, profitant du format large du Scope pour nous écraser sous l’ambiance d’une ville qui, même en pleine nuit, ne reprends jamais son souffle.
Tout en maintenant un rythme plutôt soutenu, la réalisatrice Sandhya Suri observe la société indienne, hors du temps, écrasée par une atmosphère pesante. Une société qui trempe dans un air vicié. On assiste d’abord à la méchanceté ordinaire d’une belle-famille qui ne veut pas entendre parler de la jeune veuve. Puis, dans la foulée, vient la compassion apathique de la police qui offre à Santosh de reprendre l’uniforme à la suite de son mari. Viennent enfin le racisme (anti-musulman, notamment), le sexisme, l’amateurisme de la police et sa violence, tant morale que physique, et l’injustice d’un système qui ne réclame pas d’états d’âmes.
Impossible de ne pas penser au Memories of murder de Bong Joon-Ho tant l’intrigue de Santosh évolue dans les mêmes eaux troubles d’un crime haineux dont on craint fort qu’il ne reste impuni. Comme le cinéaste coréen, Sandhya Suri use du genre policier pour disserter sur l’état pour le moins désastreux des institutions de son pays, bouffé par la corruption et des pensées d’un autre âge (l’ignoble système de castes). Mais le regard de la réalisatrice est ici plus épuré et cruel, moins poétique et référencé. En révélant l’identité du coupable au détour d’un échange glaçant et chargé de menaces, Sandhya Suri fait tout simplement le constat de l’impuissance de son héroïne à changer la donne.
Memories of murder
Frustrant (à dessein) et suffocant, Santosh est une œuvre d’une grande précision. Bien plus travaillé qu’elle n’en a l’air à la première vision, l’approche naturaliste de la cinéaste permet une immersion totale et surprenante. La photographie sépulcrale et moite du néerlandais Lennert Hillege ainsi qu’un mixage sonore remarquable servent à merveille le propos de Sandhya Suri, son formalisme discret se refermant sur le spectateur comme un piège. On regrettera seulement que l’émotion ne fasse pas ici jeu égal avec les sens et la réflexion. En filmant son personnage principal le plus souvent de dos et de profil et en refusant la facilité d’une empathie appuyée, la réalisatrice livre un objet d’une cohérence remarquable mais aussi un peu froid et distant. Non, Santosh n’est pas vraiment un film aimable. Et c’est tout à son honneur.
Bien épaulée par l’excellente Sunita Rajwar dans un rôle de mentor aux motivations pour le moins ambiguës, Shahana Goswani brille dans le rôle-titre de Santosh. Ni ambitieuse, ni engagée, Santosh est une jeune femme discrète, qui parle peu et qui réfléchit beaucoup. C’est une protagoniste aux milles contradictions, qui semble abattue et voûtée mais qui sait tenir tête, une femme qui ne sait pas où aller mais qui ne cesse pourtant d’avancer, à son rythme, sans éclats et sans lâcheté mais non sans craintes. À travers le parcours étrange de cette jeune femme en quête de justice, Sandhya Suri cherche indiscutablement à exprimer une colère sourde, une rage qui ne sait pas comment s’exprimer, ni même si elle y parviendra un jour. Avec un naturel saisissant et un charisme discret, Shahana Goswani abat ici un boulot de titan et s’approprie un rôle qui sort totalement des sentiers battus.
Un peu passée sous les radars malgré son passage à Cannes, Santosh est assurément l’une des plus belles découvertes de 2024 et l’on a désormais hâte de découvrir la suite du programme pour la réalisatrice Sandhya Suri et son actrice principale Shahana Goswani.
Image
Éditeur rare, Blaq Out ne transige pas sur la qualité et nous propose une copie HD de très haute tenue. Les noirs sont profonds, la compression est en béton armé et le naturel de la colorimétrie souligne le réalisme de la photographie. Du haut niveau pour le support.
Son
Pas de version française mais un mixage original d’une richesse et d’une profondeur qui donne parfois le vertige. Tous les canaux sont sollicités avec des ambiances si crédibles que l’on se demande parfois si on n’est pas en train de visionner le film au milieu des personnages. Même les silences ont une incroyable densité.
Interactivité
Présenté dans des conditions techniques impeccables, The Field est un condensé passionnant du travail de la cinéaste. Histoire d’une brève passion adultère s’achevant à l’issue d’une récolte et sous la pression du devoir familial, The Field est une sorte de mélo intimiste rappelant le cinéma de Terrence Malick, les voix-off en moins. C’est à la fois beau et cruel, simple et infiniment complexe dans son déroulement. Un bel ajout pour découvrir l’univers de la réalisatrice mais qui ne parvient pas non plus à nous faire regretter l’absence d’un entretien, d’un commentaire audio ou d’une analyse.
Liste des bonus
Court-métrage « The Field » de Sandhya Suri (2018, 19′).