SANS PEUR ET SANS REPROCHE
Espagne– 1988
Support : Bluray & DVD
Genre : Comédie
Réalisateur : Gérard Jugnot
Acteurs : Gérard Jugnot, Rémi Martin, Patrick Timsit, Anémone, Gérard Darmon, Victoria Abril, Roland Giraud, Ticky Holgado, Martin Lamotte, Josiane Balasko, Michel Blanc, Bruno Carette
Musique : Yves de Bujadoux
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Aucun
Durée : 97 minutes
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 02 mai 2023
LE PITCH
À la fin du XVe siècle, les armées du roi de France traversent l’Italie pour aller conquérir le royaume de Naples. Bellabre, un des capitaines français, est vaincu et ridiculisé dans un tournoi par un jeune inconnu, Pierre Terrail de Bayard. Il le prend alors sous sa coupe et espère se venger en lui faisant connaître la dure réalité de la guerre.
Bayard ce joyeux drille
Après la police de proximité et les joies du scoutisme, Gérard Jugnot s’écarte de la comédie du quotidien avec Sans peur et sans reproche, aventure médiévale entre réalisme crasseux et paillardises franchouillardes. Ambitieux et casse-gueule.
Risqué en effet puisque pour sa troisième réalisation Gérard Jugnot ne choisit jamais la facilité ni de la grosse farce pocharde, ni de la parodie pure. Quelque part entre les deux certainement, mais aussi et avant tout avec une sincère envie d’illustrer un décorum médiéval documenté, précis et crédible. Quelque chose justement de cette école anglaise (Sacré Graal, Jabberwooky, Les Trois Mousquetaires…) qui n’hésite jamais à combiner des reconstitutions luxueuses avec un regard toujours acéré, appuyant sur la cruelle réalité de l’époque. Dans Sans peur et sans reproche, Jugnot prend donc un malin plaisir à revisiter les apparats du genre mais toujours en insistant sur les aspects les pus ridicules et les plus triviaux, comme lorsqu’il rappelle que le brave Charles XIII (hilarant Timsit) décéda après avoir malencontreusement glissé sur les déjections de ses sujets. La fameuse joute qui ouvre le film, avec ses pauvres chevaliers prisonniers de leurs armures de dix tonnes et d’une souplesse toute relative, tourne forcément à la prouesse lamentable, tandis que les costumes des nobles semblent déjà bien élimés, autant que leurs visages sont cradingues, gras et peu ragoutants.
Pourfendre l’armure
La renaissance approche doucement… mais alors très doucement, dans cette réinterprétation des prouesses héroïques de Pierre Terrail de Bayard contées dans La très joyeuse et très plaisante histoire du gentil seigneur de Bayart, le bon chevalier sans peur et sans reproche, qui fit de lui le modèle du sentiment chevaleresque à la française. Ici un gamin romantique, naïf, rentre dedans et profondément tête à claques (le jeune interprète Remi Martin, agaçant, y est aussi pour quelque chose), uniquement motivé par son amour (enfin surtout ses pulsions hormonales) pour la jolie Blanche, qui s’attire rapidement l’antipathie de ses compagnons d’armes eux beaucoup plus habitués aux longues journées de marches vers l’Italie, aux batailles barbares et aux nombreux pillages et viols promis à chaque étape. La guerre n’a jamais rien de noble, l’honneur n’est qu’un conte de jeune fille et la chevalerie est une horde de rufians. Bien entendu Jugnot s’octroie le rôle du camarade Bellabre, vétéran médiocre et jaloux qui finira par s’attendrir aux contact du jeune fougueux, dirigeant le métrage vers un pseudo happy end doucereux, mais il surprend aussi par son mauvais goût assumé (Darmon en poète grande folle, les outrages subits par ces dames tournés en rigolades…) et une grande propension à l’humour très noirs parsemé de quelques effets presque gores. Malgré la participation de nombreux camarades et collègues (une bonne partie du Splendid, Roland Giraud, Victoria Abril…), il n’est pas forcément étonnant que ce mélange de tonalités et que ce petit jeu d’équilibrisme entre gags grand publique et références parfois très poussées, n’ait pas trouvé son public en France, pays plus habitués aux comédies pleine de bons sentiments ou à la grosse artillerie pesante façon Les Visiteurs.
Malgré quelques faiblesses de rythme dans sa second partie et quelques blagues qui tombent un peu à plat, Sans peur et sans reproche reste cependant une tentative atypique dans le paysage de la bonne comédie française : inconvenante, parfois scabreuse, mais constamment rehaussée par un second degré et une ironie plutôt savante.
Image
Comme pour Pinot simple flic, Sans peur et sans reproche a connu ici une remasterisation et non une restauration. La source est donc sans doute toujours la même que celle des anciens DVD mais avec un travail de nettoyage et de stabilisation éprouvé. Les cadres affichent effectivement une netteté inédite et un traitement plutôt homogène du grain et des matières. Les couleurs aussi retrouvent un peu de chaleur tout en gardant leurs accents mais c’est forcément la définition qui manque un peu de profondeur et de ciselé.
Son
Rien à redire à la piste stéréo d’origine transférée ici en DTS HD Master Audio avec un son clair, sobre mais équilibré. Les dialogues affirment une bonne présence, tout comme certains bruitages d’ambiances.
Interactivité
Second titre de la collection dédiée à Gérard Jugnot par Rimini Editions, Sans peur et sans reproche reprend donc tout logiquement la seconde partie du documentaire « Gérard Jugnot, artisan réalisateur » consacré en grande partie au film en présence aussi, mais aussi avec quelques évocations des bandes originales de sa filmographie et des mécaniques de mise en scène de la comédie. C’est encore une fois passionnant, sans langue de bois et creuse avec beaucoup de sincérité le récit d’un tournage particulièrement fructueux et créatif et l’échec de la sortie en salle.
On trouve aussi la version brute et complète des images du tournage capturées en vidéo, aperçues pour illustrer l’interview, avec les essais d’armes et d’armures, la mise en place de la chute de cheval et un peu de détente à la cantine en compagne de Ticky Holgado.
Liste des bonus
Reportage sur le tournage (1988, 22’), « Gérard Jugnot, artisan réalisateur – Partie 2 » (2013, 20’), Bande-annonce.