SANS FILTRE
Triangle of Sadness – Suède, France, Royaume-Uni, Turquie, Grèce, USA, Danemark, Suisse, Mexique – 2022
Support : Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Ruben Östlund
Acteurs : Woody Harrelson, Harris Dickinson, Charlbi Dean, Zlatko Burić, Dolly de Leon
Musique : Mikkel Maltha, Leslie Ming
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais Dolby Atmos True HD 7.1, Français DTS-HD Master audio 5.1 et 2.0
Sous-titre : Français
Durée : 147 minutes
Distributeur : M6 Vidéo
Date de sortie : 26 janvier 2023
LE PITCH
Après la Fashion Week, Carl et Yaya, couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s’inversent lorsqu’une tempête se lève et met en danger le confort des passagers.
Cons de riches
Cinq ans après avoir reçu la Palme d’Or à Cannes pour The Square, Ruben Östlund revenait en 2022 avec son nouveau film, Sans Filtre (Triangle of Sadness en VO), et remportait à nouveau la récompense suprême du festival cannois, ce qui le place dans le cercle fermé des cinéastes doublement palmés. Ce nouveau film poursuit le travail du réalisateur en continuant à proposer un cinéma contestataire et mal élevé, qui expose l’âme humaine dans ses pires travers.
Après avoir bien défoncé le milieu de l’art contemporain dans The Square, le réalisateur suédois élargit son spectre pour s’attaquer aux grands bourgeois dans leur ensemble, aux nantis de la société, aux influenceurs à la vacuité transcendantale érigeant l’apparat comme religion. Mais pas seulement… Sans Filtre est découpé en trois tableaux qui se succèdent avec en fil rouge, deux personnages : Carl et Yaya, un couple de jeunes mannequins influenceurs dont les discussions et les disputes sont globalement motivées par la jalousie, la mesquinerie et la convoitise. Leur trajectoire les mène des studios photo à la table d’un restaurant chicos (première partie), sur un yacht pour une croisière de luxe à destination des ultra-riches (deuxième partie), avant de se conclure sur une île déserte après un naufrage (troisième partie). Des environnements très différents au sein desquels les deux protagonistes évoluent entourés de toute une galerie de personnages globalement assez abjectes. Tel un laboratoire sociétal, le film ausculte ce microcosme de nantis qui brillent par leur déconnexion de la réalité, l’opulence de leurs moyens et de leurs goûts, face au petit personnel représentant les classes inférieures. Sans filtre est une nouvelle charge contre le train de vie dispendieux des ultra-riches, une ogive contre le politiquement correct et les dérives d’une caste de bourgeois prisonniers de leurs convictions pourries à la moelle. Cette satire sociale chargée à bloc illustre une fois de plus une (petite) lutte des classes au sein de laquelle la cruauté règne et frappe de manière inouïe, opposant marxistes et capitalistes, hommes et femmes, beaux et moches. Les personnages apparaissent plus imbuvables les uns que les autres et agissent en suivant les réflexes de pensée de leur condition.
Rire jaune
Sans Filtre confronte la déliquescence de l’âme humaine à l’éclat d’une image des plus lumineuses. Dans son entreprise de destruction massive des valeurs de l’ultra bourgeoisie, des apparats vains, le film est amusant, voire drôle de temps à autre. Il atteint son zénith dans sa fameuse scène centrale, alors que le navire subit les effets d’une violente tempête, et que ses prestigieux occupants, alors à table pour s’enquiller toute une série de mets sophistiqués, tombent malades les uns après les autres, perdant toute trace de dignité, vomissant leurs tripes dans un mélange de dégueuli, de champagne et de merde. Une longue séquence malaisante, comme un point d’orgue avant la bascule de la dernière partie, où les rôles et les statuts s’inversent, rebattant les cartes du pouvoir, laissant penser à une nouvelle dynamique narrative. Malheureusement, le film finit par se heurter aux propres limites d’une mécanique de la satire et de la caricature dont le trait devient de plus en plus grossier, finissant par tourner en rond et se répéter, le film se délite progressivement, sans trouver non plus de conclusion satisfaisante à sa démonstration. Pire, il tombe dans une morale droitarde assez peu ragoûtante, qui laisserait entrevoir qu’une prise de pouvoir par les pauvres ne serait pas plus salutaire que la domination sociale des nantis. On regrettera donc un manque de subtilité, une approche quelque peu binaire et simpliste (les personnages n’évoluent jamais réellement, ne se départissant jamais de leur trait de caractère dominant), qui n’offre pas suffisamment de nuances pour n’être autre chose qu’un geste grotesque qui se réclamerait anarchiste.
Sans Filtre apparaît finalement comme une caricature de catalogue, l’acte quelque peu cynique d’un réalisateur qui fait de gros doigts aux nantis (du festival de Cannes), tout en se barrant la Palme d’or sous le bras, et pas mécontent de son braquage.
Image
La copie proposée par M6 Vidéo est absolument splendide, bénéficiant d’un piqué d’image à tomber par terre et d’une définition infaillible. L’image numérique affiche une très belle luminosité et des couleurs et contrastes saisissants, par ailleurs riche en détails. Voilà réellement une édition au transfert de très grande qualité.
Son
Le film dispose d’une bande-sonore globalement assez riche entre les musiques et les sons d’ambiance. Et ils sont très notablement restitués grâce à la puissance et la précision d’une version originale très autoritaire, proposée en Dolby Atmos True HD 7.1. Équilibre et puissance sont les maîtres-mots de cette piste extrêmement convaincante qui prend toute son ampleur lors de la scène centrale de tempête. A noter deux pistes pour la version française : l’une en DTS-HD Master audio 5.1, elle aussi très recommandable et sa petite sœur en DTS-HD Master Audio 2.0 qui fait le job.
Interactivité
Section bonus globalement assez chiche puisqu’il faudra se contenter d’un double interview de Dolly de Leon, qui joue le rôle de la femme de chambre qui prend le pouvoir dans la dernière partie du film, et du réalisateur Ruben Östlund. Tous deux reviennent sur les différents aspects du film. Une série de scènes coupées assez anecdotiques complètent l’interactivité.
Liste des bonus
Entretien avec la comédienne Dolly de Leon et le réalisateur Ruben Östlund lors de leur passage à Cannes (19′) ; Scènes coupées (13′).