SALVATORE GIULIANO
Italie – 1962
Support : Bluray & DVD
Genre : Politique, Historique
Réalisateur : Francesco Rosi
Acteurs : Salvo Randone, Frank Wolff, Sennuccio Benelli, Giuseppe Calandra, Pietro Cammarata
Musique : Piero Piccioni
Image : 1.85 16/9
Son : Italien DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 124 minutes
Éditeur : Studiocanal
Date de sortie : 31 mai 2023
LE PITCH
Juillet 1950. Le cadavre du bandit sicilien Salvatore Giuliano est découvert dans la cour d’une maison de Castelvetrano. Un commissaire y dresse un bref constat, des journalistes recueillent quelques renseignements. Plus tard, son corps est exposé à Montelepre, sa commune natale ; la foule vient s’y recueillir, sa mère le pleure…
Chronique d’une mort annoncée
Sous couvert de s’intéresser à la figure « héroïque » de Salvatore Giuliano, Francesco Rosi (Lucky Luciano, Cadavres Exquis…) décortique la fabrique d’une légende populaire italienne et surtout décrit avec précision et âpreté la réalité socio-politique de la Sicile d’après-guerre, empêtrée entre traditions, ambitions nationalistes et omniprésence de la mafia. Portait d’un système.
De jeune paysan sans grande éduction devenu bandit de grand chemin, Salvatore Giuliano sera devenu l’un des moteurs de la bataille de la Sicile pour son indépendance. Un modèle pour ses compatriotes rapidement devenu un outil de propagande pour des alliés militaires (vive la CIA), politique et mafieux, qui auront tôt fait de l’abandonner plus ou moins à son sort une fois la bataille achevée. De Robin des bois moderne à épouvantail assassiné à Castelvetrano comme n’importe quel truand, la réalité du personnage aura rapidement été effacée derrière la rumeur, la célébration populaire, faisant de lui un martyr quasi-christique. C’est cette voie que choisira d’ailleurs Michael Cimino en 1987 avec Le Sicilien. C’est cette voie que refusait déjà catégoriquement Franceso Rosi en 1962 pour son quatrième film, sobrement intitulé Salvator Giuliano presque par défi puisque c’est surtout son absence qui charpente le métrage. Du jeune meneur d’homme fougueux, on n’apercevra finalement qu’une ombre bien anonyme entraperçue brièvement lors de quelques épisodes, et surtout un cadavre, abruptement au centre du premier plan du film et dont la frontalité, la froideur et l’imparable morbidité hantera tout le reste du film.
Le monstre dans l’île
En refusant au spectateur la célébration attendue, voir même le portrait alors souhaité, le cinéaste oblige le spectateur à fouiller les cadres, l’image et à constamment réfléchir sur l’enquête que mène le film. Non pas celle du véritable Salvatore Giulino (car Rosi sait que c’est impossible) mais celle d’un fantoche, construit, manipulé et utilisé jusqu’à la fin par un réseau mafieux qui a fait main basse depuis longtemps sur la belle île. C’est d’ailleurs un véritable portrait, pas toujours tendre, de celle-ci et de ses habitants. Tout est constamment remis en question, âprement discuté, douté, contredit au cours d’un incessant va et vient entre les époques. Le film ne suit pas un simple fil chronologique mais s’organise par connexions logiques, par échos, passant souvent sèchement d’une décennie à une autre, d’un avant à un après, comme pour souligner que « plus les choses changent, plus elles restent les même ». Dans la même veine, le métrage refuse toute forme de sensationnalisme et malgré une mise en scène souvent savamment composée (les cadrages, les séquences nocturnes toutes en ombres…) se rapproche surtout d’une esthétique du documentaire où la symbolique bataille avec la véracité. Une narration d’une grande modernité, et carrément avant-gardiste alors, qui marqua durablement le monde du cinéma, devenant en l’occurrence une influence majeur sur une nouvelle garde à venir du cinéma dossier, et un certain Oliver Stone en particulier.
Mais là où le JFK de celui-ci n’hésitait pas à faire appel aux stars de son époque et à combiner un montage éclaté, chaotique, avec un lyrisme convaincu, Rosi se place définitivement à distance, presque comme un journaliste qui n’aborderait le problème que d’un point de vue intellectuel. L’exercice est ainsi effectivement brillamment ambigu, complexe et esthétique maitrisé, mais l’émotion de la pellicule nous y semble un peu tristement interdit.
Image
Studiocanal propose ici une toute nouvelle restauration du film effectuée à partir d’un scan 4K des négatifs, complété par quelques sources inter et positive lorsque la source était trop abimée. Un travail vraiment considérable de nettoyage, de stabilisation qui impose désormais une image extrêmement propre et un noir et blanc puissant, rigoureux, aux ravissants reflets argentiques. Le grain d’origine a été traité avec autant de déférence et redevient organique et naturel, aidant à sculpter les superbes paysages, les rues de la ville et un témoignage historique unique. Magnifique.
Son
Pas de trace d’une version française qui de toute façon amoindrirait l’aspect réaliste du métrage. La version italienne en DTS HD Master Audio 2.0 transmet avec sobriété et clarté le mono d’origine qui ne laisse échapper que de très rares chuintements sans doute dus à la captation d’origine.
Interactivité
S’intégrant parfaitement à la collection Make My Day de Jean-Baptiste Thoret, Salvatore Giuliano est donc introduit à son tour avec une grande efficacité par le directeur de collection, qui résume tous les enjeux et les caractéristiques uniques du film. Il laisse ainsi la place pendant 45 minutes au critique Michel Ciment qui pour le coup développe beaucoup plus le propos que ce soit en resituant quelques points d’histoire, faisant les liens avec la filmographie de Francesco Rosi, l’impact de l’œuvre sur le cinéma international et en explorant avec précision certaines des scènes les plus marquante. Le cinéaste lui même est présent via une interview d’archive dans laquelle, avec quelques difficultés, il argumente son optique esthétique et sa quête d’une « émotion de la vérité ».
Liste des bonus
Préfaces de Jean-Baptiste Thoret (8’), Salvatore Giuliano revu par Michel Ciment (43’), Francesco Rosi à propos de Salvatore Giuliano (12’).