RUE DES CASCADES
aka Un Gosse de la bute – France – 1964
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Maurice Delbez
Acteurs : Madeleine Robinson, Serge Nubret, Daniel Jacquinot, René Lefevre, Lucienne Bogaert…
Musique : André Hodeir
Durée : 92 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Éditeur : Coin de mire
Date de sortie : 18 mars 2022
LE PITCH
1960, Ménilmontant. Dans une épicerie buvette de la rue des cascades, Hélène la patronne vit seule avec son fils de dix ans, Alain, un véritable « gosse de la butte ». Un jour Hélène s’éprend de Vincent, un homme visiblement beaucoup plus jeune qu’elle et noir. Alain le déteste pour sa couleur et sa différence. Vincent tente alors de sortir l’enfant de son quartier. Il l’emmène dans les salles de boxe, lui fait découvrir Paris et les cabarets où jouent ses amis. Alain est définitivement conquis au grand étonnement de ses camarades de classe…
Le bon vieux temps ?
Dernier film cinéma de Maurice Delbez, Rue des cascades, re-titré alors Un Gosse de la bute, lui couta tout simplement sa carrière. Non pas à cause d’un quelconque échec artistique mais bien par son sujet : la rencontre entre un gosse et le nouvel amant de sa mère, un homme noir. Précurseur et charmant.
Après avoir fait ses premières armes en reprenant en cours les commandes de La Roue et connu un joli petit succès populaire avec son premier vrai film la comédie A pied, à cheval et en voiture avec Noël-Noël, Maurice Delbez connait surtout l’échec et lui-même reconnait que les projets suivants ne sont pas franchement à la hauteur de ses attentes. Jusqu’à sa découverte du roman de Robert Sabatier, Alain le nègre, dans lequel il retrouve une évocation de sa propre enfance comme gosse des rues et fils de propriétaire de bar du quartier, mais aussi avec lequel il partage les valeurs d’universalité et de célébration de la différence. Mais cette histoire d’amour entre une femme et un bel antillais (Serge Nubret était un célèbre culturiste) plus jeune de vingt ans, est encore à peine accepté (dans le meilleur des cas) dans la vie et surtout loin d’être chose commune sur les grands écrans. Un sujet encore tabou que le film couple qui plus est avec une évocation sensible et troublante de la condition féminine dans cette France d’après-guerre, en particulier de ses sentiments et ses désirs. La tenancière du café, admirable Madeleine Robinson, qui craint la solitude mais pas les préjugés des autres, mais aussi sa voisine et amie, qui s’éprend de son jeune neveu par alliance ou une ancienne pensionnaire de maison close refroidie par la vie et la gente masculine.
Noir et blanc
Quatre ans avant mai 1968, les justes dialogues de Jean Cosmos (La Fille de d’Artagnan, Le Bossu…) ouvre une parole à la foi totalement ancrée dans son époque par son phrasé et extrêmement moderne dans sa liberté. Si on note quelques fragilités parfois dans le volontarisme du message et dans des interprétations un peu rigides, Rue des cascades séduit, touche, par sa constante sincérité et sa tendre simplicité transmises par le regard franc et naïf du petit Alain. Un gosse du coin qui avec sa bande vit milles aventures dans les rues du Ménilmontant ouvrier, découvre le sexe féminin en tombant sur une curieuse petite brune un poil aguicheuse, et qui va grandir d’un bond au contact de ce grand monsieur en apprenant à aller au-delà des apparences. Car en plus d’un Œdipe évident, il y a aussi cette frontière de l’autre, de l’étranger, qui doit être traversée, le gamin se méfiant ouvertement de ce « nègre » qui vient lui ravir sa mère, déversant avec ses copains toutes les insanités et images racistes qu’on lui a inculqué au comptoir. La petite œuvre de Maurice Delbez montre bien que c’est en faisant l’effort d’aller à la rencontre de l’autre, sa réalité, sa culture (en l’occurrence la boxe) et son imaginaire (ici un joyeux safari urbain où les grues et pelleteuses se transforment en girafes et éléphants) que l’on se découvre soit même.
Entre classicisme à la française et amorces d’un cinéma vérité s’inscrivant dans la fameuse Nouvelle Vague naissante, Rue des cascades est à la fois le témoin d’une décennie lointaine et une adorable chronique moderne, pleine de bienveillance.
Image
Longtemps oublié sur une étagère, les négatifs du film avaient terriblement vieilli lorsqu’ils furent retrouvés. Il fallut l’association du CNC, du Forum des images et d’un groupe de donateurs réunis sur Celluloid Angels, pour enclencher une restauration minutieuse et admirable qui a littéralement sauvé un film marqué par de nombreuses griffures, altérations du cadre et même des taches de moisissures. Le résultat est là avec un noir et blanc éclatant, aux contrastes appuyés, aux superbes reflets argentiques et au grain de pellicule harmonieux et naturel. Les cadres sont parfaitement propres et profitent d’une définition pointue. Une vraie résurrection.
Son
Un même soin a été apporté à la piste mono d’origine. Le son y est désormais parfaitement clair, équilibré et bien posé, excepté la petite chanson de Vincent à l’écho plus lointain.
Interactivité
Nouvel opus de la très belle collection Le Coin de mire, Rue des cascades est disposé dans un toujours aussi élégant Mediabook au design noir et blanc réhaussé de lettres dorées. A l’intérieur un livret piqué dans la reliure proposant quelques reproductions de documents d’époque avec livret de presse, retours de journalistes ou extraits du scénario, associés dans deux petites pochettes dédiées à un fac-similé de l’affiche du film et des reproductions de photos d’exploitations. Sur les DVD et Bluray, on retrouve aussi l’indispensable séance complète avec la possibilité de visionner en préprogramme les actualités de cette fin d’année 64 avec préparation de Noël, naufrage d’un pétrolier au large de New York et révolution sanglante au Congo, suivies de la bande annonce La Chasse à l’homme et d’une joyeuse sélection de réclames (Bonux à Saint Tropez, Pépsi, bonbons Krema…) tous restaurés avec soin.
A tout cela s’ajoute deux documents produits en 2017, année de la restauration du film, à commencer par la longue rencontre avec le metteur en scène. Quelques interventions des jeunes acteurs du film viennent illustrer certains passages, mais c’est bien Maurice Delbez qui est à l’honneur ici, retraçant sa découverte du cinéma, ses débuts dans le métier, sa première réussite et ses échecs jusqu’à Rue des cascades qu’il considère comme le film de sa vie. Il y est alors autant question de souvenirs chaleureux du tournage que d’un retour sur l’abandon de l’un des producteurs et le refus des distributeurs de sortir le film à cause de son sujet, avant que la Columbia ne le diffuse en express pour des questions de quotas. Suit un autre petit moment plein d’émotion avec les retrouvailles surprises du réalisateur et de certains de ses jeunes acteurs dans un café parisiens, occasion de nombreux échanges et de tendres souvenirs.
Liste des bonus
La séance complète avec actualités Pathé, réclames publicitaires et bandes-annonces d’époque, un livret reproduisant des documents d’époque (24 pages), 10 reproductions de photos d’exploitations (14,5 x 11,5 cm), la reproduction de l’affiche d’époque (29 x 23 cm), Retour sur « Rue des cascades » (8’), Entretiens avec Maurice Delbez (42’).