ROCKY I & II
États-Unis – 1976 / 1979
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame, Sport
Réalisateurs : John G. Avildsen, Sylvester Stallone
Acteurs : Sylvester Stallone, Talia Shire, Carl Weathers, Burgess Meredith, Burt Young, Joe Spinell
Musique : Bill Conti
Durée : 120 & 119 minutes
Image : 1.85
Son : DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0 Anglais, Dolby Digital 5.1 français, espagnol, allemand…
Sous-titres : Français, anglais, néerlandais, italien, allemand…
Distribution : Warner Bros. Home
Date de sortie : 08 mars 2023
LE PITCH
La trentaine passée, seul et paumé, employé des abattoirs de Philadelphie, Rocky Balboa arrondit ses fins de mois comme homme de main d’un petit voyou local et, à l’occasion, boxeur amateur. Jusqu’au jour où Apollo Creed, champion du monde à court de challengers et fin publicitaire, donne l’opportunité à cet adversaire improbable de le défier pour le titre.
Kairos
Pour les plus jeunes générations nées désormais avec la frange Creed comme porte-étendard d’une saga bientôt quinquagénaire, il faut rappeler l’événement qu’a été la sortie du premier Rocky en 1976, bouleversant son public, raflant l’oscar du meilleur film, entrant immédiatement dans l’imaginaire collectif et révélant enfin un acteur / auteur / bientôt réalisateur qui jouait là son va-tout après un long début de carrière anecdotique – remportant largement la mise ! Réalisateur, il voulait d’ailleurs le devenir immédiatement. La production du film ne lui permit pas d’accéder tout de suite à ce rêve de mainmise totale sur sa création originale et imposa, non sans génie, John G. Avildsen derrière la caméra. Il faudra attendre Paradise Alley, deux ans plus tard, pour que Sylvester Stallone fasse ses (très bons) premiers pas dans le domaine – mais il avait déjà gagné : ayant su vendre son script de Rocky et se battre pour décrocher le rôle-titre à la place des stars pressenties, il devint lui-même une icône en même temps que son personnage.
La recette-miracle de Rocky tient dans sa construction et dans ce mélange de classicisme et de modernité rugueuse qu’on a tendance à remarquer de moins en moins, le temps passant et Stallone étant devenu avant tout un marqueur important du film d’action durant la décennie suivante. La construction lui est toute entière imputable : Stallone scénariste prend le temps d’une odyssée complète avec ses adjuvants (Adrian et Mickey), ses opposants (Paulie et Apollo) et son parcours sinueux où le prix de la victoire sera l’effort constant, l’abnégation et le sens du kairos. Dès lors il est facile (ça a été fait maintes fois !) de plaquer sur le destin du boxeur fictif celui de Sylvester Stallone lui-même. La répartition remarquable des intentions du script entre les différents personnages secondaires dépasse de loin cette analyse biographique. Fort d’un symbolisme édifiant, le film représente finalement une seule âme luttant constamment contre elle-même, contre sa tendance à la dépression, au renoncement, à la défaite. La résignation inaugurale d’un Rocky s’arrangeant de petites victoires sans gloire trouve un écho frappant dans le personnage de Paulie (l’échec personnifié, tirant tout vers le bas) et une bouée de sauvetage dans celui de sa sœur Adrian (figuration d’un but, rêve d’une ataraxie retrouvée). Le marasme de son existence a pour point de fuite Apollo Creed, représentation canonique de tous les murs impossibles à franchir, desquels on n’ose même pas s’approcher ; mais Mickey l’entraîneur est là, tout disposé à enseigner comment, si l’on s’en donne la peine, on peut défoncer tous les murs ! La grandeur du récit et du casting idéal réuni pour l’occasion, c’est de ne pas faire de tous ces personnages de simples fonctions hiératiques mais des êtres complexes de chair et d’os, tout en nuances, qui charrient tous leur inépuisable histoire intime en filigrane.
Concernant le second point, cet équilibre classique / moderne avec toutes les porosités que permettaient les années 1970, on a trop tendance à minimiser l’apport du réalisateur John Avildsen, à la carrière plus que passionnante mais bien souvent réduite à cet opus (dont l’éclat de Stallone, devenu star montante, l’aura un peu dépossédé) et à la trilogie Karaté Kid. C’est pourtant sa maîtrise de la narration fluide et d’une mise en scène « sur le vif » qui donne à l’œuvre sa patine et son atmosphère si poisseuse et si touchante à la fois. Répondant à la double-forme du mélodrame et de la fresque initiatique, le film s’attarde sur les bas quartiers et leur confère une profondeur épique : c’est un combat séculaire et universel qui se joue sous l’enveloppe d’un quotidien peu reluisant. De fait, l’ombre d’un cinéma américain moderne, dépouillé de son glamour, résonant comme un document d’époque filmé sans concessions, avec le rythme de la rue et, souvent, l’esthétique d’un reportage, est tout à fait présente mais n’efface pas la portée symboliste d’une grammaire classique en plein travail entre les lignes : les allers et venues ou l’immobilité du tramway et des wagons de marchandises toujours significatifs dans la profondeur de champ, la minutie des cadrages qui ne se contentent pas – même s’ils le font très bien – de traquer les émotions sur les visages, leur souci absolu de la bonne distance entre l’objectif de la caméra et le sujet du plan… Tout cela concourt, au moins autant que le personnage lui-même, à nous faire affirmer que, contre tous les pronostics, Rocky n’a vraiment pas volé ses trois oscars (meilleur film ; meilleure réalisation ; meilleur montage).
Les pleins pouvoirs
Après l’expérience Paradise Alley (moins risqué aux yeux des financeurs), Stallone semble en pleine possession de ses moyens pour maîtriser seul les prochaines aventures de Rocky Balboa. C’est peu dire que le résultat porte à 200% la signature d’un style immédiatement identifiable, fondé sur l’énergie de la bande-son décuplant celle des effets de montage décuplant celle, toute crue, des plans eux-mêmes. Ce style, on le retrouvera après diverses évolutions jusqu’aux Expendables. En clair, Stallone ne se contente absolument pas de démarquer la grammaire d’Avildsen. La façon dont il choisit d’ouvrir son Rocky II est subjuguante, prenant appui directement sur le grand final du film précédent en accentuant les effets sonores, poussant tous les curseurs et rappelant au public ce qui l’a scotché sur son siège trois ans plus tôt. On est toutefois loin de se douter de la déflagration à venir ! De même que l’image couramment admise de Rambo provient généralement (et c’est regrettable !) du deuxième et du troisième film de la saga, l’image que l’on conserve des combats de boxe « façon Rocky » ne provient pas du premier film mais bel et bien de celui-ci. Stallone n’a jamais fait dans la modernité – sinon par des mises en abîme qui sont devenues la norme. C’est un pur produit du classicisme hollywoodien. S’il se montre beaucoup plus académique qu’Avildsen dans sa peinture du couple et des tourments existentiels, le jeune cinéaste se déchaîne au-delà de toute limite dans sa façon de filmer la boxe comme un combat de titans issu du film biblique à la DeMille ou du péplum italien – grandiloquence revendiquée ; musique à l’avenant ; hémoglobine en sus !
C’est que, prenant une direction typique de la manière hollywoodienne (mais que lui-même goûtera assez peu par la suite), Stallone choisit le rapprochement christique le plus frontal comme guide de son histoire, multipliant les crucifix et les moments de prière, filmant le parcours d’Adrian comme une résurrection, et la rencontre sur le ring comme un chemin de croix. Les plaies sont des stigmates, les coups et les blessures des maux inévitables, et la victoire n’est plus seulement contre soi-même mais face au monde, dans une forme de révélation consciente d’elle-même, canonique, inspirante, qui permettra par ailleurs toutes les réitérations possibles et donnera lieu à Rocky III (film sur la réussite sociale et la colère qui, le premier, investira les codes du film d’action), à Rocky IV (qui prêchera curieusement sur le terrain de la politique internationale), avant de revenir pour Rocky V à une forme de confession publique d’apparence plus intime et plus aventureuse – la tentative commençant par le retour de John G. Avildsen derrière la caméra…
Rocky, on ne se lassera pas de le réaffirmer, est un grand, un très grand film, mais également une grande saga dont le deuxième opus est sans doute le plus innovant en termes de mise en scène, peut-être aussi le plus lyrique. Sa force de frappe ayant marqué durablement l’imaginaire, on retrouvera des citations de ses ralentis jusque dans Le Roi Lion des studios Disney. Une façon extrême et décomplexée de filmer le sport était née, grossissant les enjeux, embrassant le spectaculaire, assumant tous les artifices propres à générer l’immersion totale. De Raging Bull à Tokyo Fist, les représentations les plus fougueuses voire débridées de l’univers de la boxe doivent toutes une fière chandelle à Sylvester Stallone. C’est également à cause de lui qu’aux yeux du profane très tôt exposé à ses films, un véritable match de boxe, filmé à bonne distance et platement retransmis sur les écrans, ne peut, aussi brillant soit-il, que distiller l’ennui le plus profond.
Image
Même si la restauration 4K du premier Rocky avait déjà fait son petit effet en Bluray depuis son apparition en 2016, sa redécouverte aujourd’hui en UHD et avec l’apport notable d’un Dolby Vision particulièrement subtile et délicat, n’en reste pas moins parfaitement appréciable. En particulier parce qu’en plus d’une restauration chaleureuse et minutieuse, le choix de préserver harmonieusement les caractéristiques esthétiques particulière du film (support granuleux, teintes grisâtres ou terreuses) donne au master une saveur unique, historique même que l’on retrouve enfin pleinement dans Rocky II. Très proche encore dans son esthétique générale et son atmosphère presque modeste, proche de la rue, le film de Stallone gagne enfin un transfert à sa hauteur, lui aussi restauré avec discernement et respect du film et de son époque. Superbe dans les deux cas.
Son
De nouveau un triste constat pour les puristes qui espéraient enfin retrouver ici les pistes monos d’origine restaurées pour l’occasion. Occasion manquée en l’occurrence puisque les DTS HD Master Audio 2.0 sont bien marqués par quelques effets latéraux légèrement remaniés et que les DTS HD Master Audio 5.1 tendent bien entendus vers le spectacle plus généreux des suites à venir. Le travail n’en est pas moins assez agréable avec des atmosphères enveloppantes relativement rares, ou en tout cas réservées aux séquences stratégiques. Attention aux plus pointus, le mixage VO de Rocky II souffre d’une étrange baisse de tonalité par rapport à la piste présente sur les anciens Blurays.
Interactivité
Pas de trace pour l’instant en France du nouveau coffret 4K « The Knockout Collection » qui comportait justement un cinquième disque Bluray entièrement dédié aux bonus anciens et inédits (dont le making of du nouveau montage de Rocky vs. Drago), les deux premiers Rocky nous parviennent dans de très élégants steelbook mais sans matériel autre que les trois commentaires audios déjà connus pour le premier film, parmi lesquels celui de Stallone en solo reste un incontournable pour les fans. Étrange tout de même que l’éditeur n’ait toujours pas investi dans une véritable suite de documentaires d’ampleur sur tout la saga…
Liste des bonus
Rocky : Commentaires audio de Sylvester Stallone, Commentaire audio des légendes de la boxe Lou Duva et Bert Sugar, commentaire audio de John G. Avildsen, des producteurs Irwin Winkler, Robert Chartoff, des acteurs Talia Shire, Carl Weathers, Burt Young, et de l’inventeur du Steadicam, Garrett Brown.
Rocky II : Aucun.