REQUIEM FOR A DREAM

Etats-Unis – 2000
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Darren Aronofsky
Acteurs : Ellen Burstyn, Jared Leto, Jennifer Connelly, Marlon Wayans, Christopher McDonald, Keith David, Louise Lasser…
Musique : Clint Mansell
Image : 1.85 16/9
Son : Dolby Atmos Anglais, Dolby Audio True HD 7.1 Français
Sous-titres : Français
Durée : 108 minutes
Editeur : Bubbel Pop’Edition
Date de sortie : 16 avril 2025
LE PITCH
Harry Goldfarb est un toxicomane. Il passe ses journées en compagnie de sa petite amie Marion et de son copain Tyrone. La mère d’Harry, Sara, souffre d’une autre forme de dépendance : la télévision. Afin de satisfaire aux canons esthétiques, la veuve s’astreint à un régime draconien lorsqu’elle est invitée à participer à son jeu télévisé favori.
Very Very Bad Trip
Film choc absolu du tout début de millénaire, Requiem for a Dream a tout de l’œuvre traumatisante, plongée brutale, avec une main qui appuie sur la tête, dans le cauchemar éveillé de la dépendance. Une histoire de drogues, sous toute ses formes, de shoots, d’êtres en perdition, mais aussi d’une mécanique bien imprégnée dans la société contemporaine.
Après le très remarqué, hermétique mais déjà passionnant, Pi, Darren Aronofsky frappait plus fort encore avec son adaptation du roman Retour à Brooklyn (1972) d’Hubert Selby, chroniques implacable de quatre personnages, Sara Goldfarb, son fils, sa petite amie et son meilleur pote, tous plongés dans l’enfer des psychotropes et entrainés dans une spirale destructrice sans fin. Projeté dans l’Amérique au carrefour de l’année 2000, Requiem for a Dream y trouve presque plus de pertinence encore, s’arrachant d’un réalisme attendu, pour s’engouffrer à corps perdu dans une œuvre quasiment purement sensitive. Si bien entendu le scénario et les dialogues viennent évoquer les parcours distincts de chacun, leurs souffrances et en filigrane l’origine de leur dépendance à toutes les substances disponibles, le film travaille surtout un rapport organique à l’état mental et physique de ceux-ci. Usant de tous les effets de mise en scène et de montage disponibles, Aronosky étire les plans, multiplie les montages parallèles, les splits-screen, les ralentis et les accélérés, distord les cadres ou les ressert par ses variations d’optiques… Certains y avaient vu de l’esbroufe, il s’agit pourtant bel et bien là de faire ressentir par l’œil du spectateur, la douleur du manque, la satisfaction de la prise de dose, tout autant que la lente, mais inarrêtable, destruction du corps et de l’équilibre psychologique.
Chacun sa dose
Une avancée inéluctable vers le néant, rythmée par les cuivres obsédants et hantés de la magnifique partition désespérée de Clint Mansel, qui laisse d’ailleurs le spectateur K.O. après une ultime demi-heure particulièrement éprouvante et vertigineuse emmenant ses personnages jusqu’à l’avilissement terminal. Glaçant, cinématographiquement traumatisant, Requiem for a Dream ne fait effectivement pas dans la demi-mesure dans ses affeteries, multipliant les choix radicaux et répétant jusqu’à la lie sa structure crescendo en appuyant de plus en plus fort sur un maniérisme douloureux et violent. Un chemin de croix, une virée au purgatoire de la drogue, mais qui n’aurait certainement pas le même impact s’il n’était pas capable de s’arracher de se démonstration pour dessiner en arrière-plan le portrait transversal d’une société entière, perdue dans un mauvais trip hallucinogène, entièrement dévouée à la consommation et la marchandisation des drogues, légales ou illégales. Si coke et héroïne sont mises en exergues, la clope, l’alcool mais aussi le sexe, l’argent, la bouffe (le sucre), les médicaments et la télévision, l’opium du peuple, entrent rapidement dans la danse, placés sur un pied d’égalité par l’entrechoquement des valeurs de plans et des effets de montages. Les rêves de réussites, célébrés par la culture américaine et donc capitaliste, sont rapidement enterrés et en réalités inaccessibles, salissant toute forme de romantisme, d’amitié ou d’amour filiale à portée.
Un voyage nihiliste, un drame sans retour, une véritable épreuve au bord de la déshumanisation qui ne serait sans doute pas aussi viscérale sans l’implication admirable des quatre acteurs, fébriles, fragiles et intenses avec en particulier une Jennifer Connely tout en retenue et en fierté sacrifiée, et une fascinante Ellen Burstyn (L’Exorciste) véhicule absolue de souffrance et d’abnégation.
Image
Lors de la restauration du film sous le contrôle du directeur photo Matthew Libatique, le choix a été fait de préserver quoi qu’il advienne les choix esthétiques initiaux. Soit effectivement des séquences assez hétérogènes entre elles avec bien entendu de fortes variations chromatiques entre les quatre saisons, mais aussi des sources vidéos très présentes et initialement en basse définition, et même dans l’ensemble une alternance de plans ultra définis et d’autres beaucoup plus doux, voir granuleux, presque bruités. Cela n’empêche certainement pas cette prestation 4K d’être une grande réussite, profitant d’un nettoyage et d’une stabilisation des cadres particulièrement appréciable, d’un approfondissement considérable du piqué et des sensations de volumes, tout en révélant des reflets argentiques et des matières que l’on ne faisait que deviner jusque-là. Et le Dolby Vision vient aussi considérablement étoffer le traitement des couleurs, plus profond, plus tranchant et plus fin.
Son
Requiem for a Dream se dote désormais d’une piste sonore originale en Dolby Atmos. Un standard sonore qui permet de constamment développer les intentions du film, d’y accentuer fortement la spatialisation d’atmosphères envahissantes et angoissantes, d’appuyer sur certaines sonorités récurrentes tout en jouant sur une dynamique omniprésente, soutenue, mais jamais véritablement en quête de naturalisme. Le mixage accentue l’aspect irréel du film, presque horrifique, mais aussi la force dévastatrice du score de Clint Mansell.
La version française, au doublage assez plat, il faut bien le dire, passe à un Dolby Audio True HD 7.1 tout à fait convaincant dans ses intentions, presque aussi ample et riche. Malheureusement ce dernier est marqué par un décalage très désagréable avec l’image. Dommage.
Interactivité
Après Stay Hungry et Recherche Susan désespérément, Bubble Pop’ confirme son amour des belles éditions et des beaux objets avec Requiem for a Dream qui se présente sous la forme d’un coffret en carton dur contenant en plus du digipack où sont rangés les disques Bluray et DVD, un excellent livret de 88 pages. Celui contient une longue interview de Darren Aronofsky par Samuel Blumenfeld qui revient sur les débuts du cinéaste et les tournages de Pi et Requiem for a Dream, suivi par une longue et passionnante analyse du film par Jacques Demange. L’édition est aussi accompagnée de quatre cartes cartonnées reproduisant des photogrammes du film mais étrangement ces dernières ne rentrent pas dans le boitier.
Pas de suppléments sur la galette UHD, ceux-ci sont intégralement concentrés sur le disque Bluray et reprennent quelques documents d’archives avec le petit reportage d’époque relativement promo sur le tournage du film et une série de scènes coupées loin d’être inintéressantes, montrant une vaine tentative de résister à la drogue pour nos trois jeunes gens (en splitscreen forcément) ou une tentative d’alerte de la mère alors que son fils l’appel en coup de vent d’une cabine téléphonique. Pas de trace malheureusement de l’ancien making of de 35 minutes ou des commentaires audios.
Du coté des nouveautés, l’éditeur français reprend la rencontre enregistrée en 2020 avec l’actrice Elen Burstyn qui revient sur son implication pour le projet, la difficulté de tourner avec des prothèses, sa perte de poids, le travail autour du personnage et la méthode Aronofsky. On poursuit avec une interview du compositeur du film qui évoque ses débuts de musiciens et son passage à la musique du film, traversant ses souvenirs mais aussi le processus créatif qui a donné naissance aux BO de Pi et Requiem for a Dream.
L’édition plutôt conséquente s’achève par deux interventions françaises. Caroline Vié effectue une présentation très complète du film, soulignant ses thèmes, sa mise en scène, ses effets mais aussi l’impact considérable du film en 2001, tandis que Gérard Delorme étend la réflexion plus largement à l’ensemble de l’œuvre d’Aronofsky. Si quelques propos se répètent forcément, les deux interventions sont tout à fait intéressantes.
Liste des bonus
Un livre entretien exclusif avec Darren Aronofsky (88 pages), 4 cartes postales, Elen Burstyn sur Requiem for a Dream (16’), Sur le tournage en 1999 (6’), Moments Transcendants : la bande son de Requiem for a Dream (17′), , « Le Travail de Darren Aronofsky » : Interview de Gérard Delorme (26’), « Requiem, un film choc » : Interview de Caroline Vié (21’), Scènes coupées (11’).