REMORQUES
France – 1941
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Jean Grémillon
Acteurs : Michèle Morgan, Jean Gabin, Madeleine Renaud, Charles Blavette, Jean Marchat…
Musique : Roland Manuel
Image : 1.37 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Aucun
Durée : 84 minutes
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 20 février 2024
LE PITCH
André Laurent, capitaine du remorqueur le Cyclone, assiste avec son équipage à la noce d’un de ses marins avant d’être appelé en urgence pour secourir les passagers d’un cargo, dont Catherine, l’épouse du commandant. Alors que sa femme Yvonne lui dissimule sa maladie et le supplie de prendre sa retraite, André tombe follement amoureux de Catherine, avec laquelle il entame une liaison…
L’homme et la mer
Le couple mythique de Quai des brumes, Jean Gabin et Michele Morgan, se réunit à nouveau pour Jean Gremillon dans une ode à la passion amoureuse et au monde de la mer. Une romance aux lisières du documentaire mais enchantée par la poésie de Jacques Prévert.
Après Gueule d’amour où le soldat et séducteur Jean Gabin perdait pied face aux charmes de la belle Mireille Balin, Jean Gremillon poursuit sa déconstruction (déjà !) du mythe Gabin en s’attaquant avec délicatesse à son image de compagnons et de meneur d’homme. L’ouvrier, ici homme de la mer plus qu’homme de la terre, le fier capitaine qui comme tout prolo ne vit que pour son travail au grand damne de son épouse qui rêve de vacances au soleil, dont la vie bien organisée, bien réglée et, pensait-il immuable, va voler en éclat par sa rencontre avec Catherine. Une passion amoureuse qui n’éclot pas dans la tempête qui sert de longue ouverture, mais plutôt dans le calme d’une promenade sur la plage et la visite d’une maison lumineuse qu’André imaginait pourtant offrir à sa femme. Quelques regards aux loin, quelques mots échangés et l’évidence se fait quasiment hors champs. Une certaine pudeur par le jeu des acteurs, la mise en scène et le montage qui évite les échos les plus mélodramatiques même lorsque la femme délaissée, Yvonne (Madeleine Renaud) finit par succomber à cette maladie qu’elle appelait depuis longtemps : l’écho du cri déchirant de Jean Gabin suffit à évoquer à la fois sa peine de perdre une femme qu’il a longtemps aimé et le poids d’un destin qui semble le punir de son nouvel amour… Élan trop souligné d’ailleurs par un final christique un peu lourd.
Retour au port
La beauté de ce triangle amoureux plus moderne et complexe qu’il n’y parait doit énormément il faut l’avouer aux superbes dialogues de Jacques Prévert, qui toujours enjolive le langage sobre et clair d’un français d’alors avec un lyrisme délicat et discret. Mais si Remorques a laissé son emprunte dans l’histoire du cinéma français c’est sans doute tout autant pour sa peinture extrêmement riche et profonde de ce microcosme portuaire de Brest et le quotidien aussi dévorant qu’intense des remorqueurs de la mer entièrement dévoués à leur mission. Les séquences en mers où la houle a été reproduite avec quelques mécaniques et l’utilisation de fines maquettes, toutes deux particulièrement performantes pour l’époque, cohabitent avec d’authentiques plans capturés dans la réalité des lieux d’écrits, mêlant fiction et documentaire avec un amour profond pour ces hommes et ces paysages.
La bataille entre amours sentimentaux et amours du travail est bien entendu au cœur de Remorques, adaptation manifestement compliquée du roman de Roger Vercel (Capitaine Conan) qui connut déjà plusieurs versions à l’écriture (et celle choisie fut la plus éloignée du livre) et dont le tournage fut stoppé par la force de l’Histoire par deux fois : lorsque la Guerre fut déclarée et lors de l’invasion de la France par l’Allemagne. Le décorateur Alexandre Trauner et le producteur Joseph Lucachevitch, tous deux juifs quittèrent rapidement le pays et les deux têtes d’affiche firent de même quelques mois plus tard obligeant Grémillon à achever les prises de vue et le montage avec une équipe bien plus réduite. Entamé en 1939, Remorques ne sortit sur les écrans que deux plus tard, ce qui ne l’empêchera pas d’être le plus gros succès de son auteur.
Image
Carlotta offre ici la toute nouvelle restauration du film produite par MK2 et Arte au laboratoire Eclaire. Un scan 4K à la source pour un résultat éclatant assurant de superbes plans noir et blanc aux contrastes délicats et harmonieux, des cadres incroyablement propres et des argentiques renversants. En dehors de quelques rares segments plus abimés (une ou deux scènes « documentaire », un échange entre Gabin et Morgan) la copie est tout simplement parfaite.
Son
Le mono d’origine s’en sort plutôt très bien lui aussi, assurant un confort d’écoute inédit pour le film, désormais débarrassé de ses petits grésillements et chuintements d’autrefois. Les disparités de captation, avec des échanges plus ou moins audibles, ont tout logiquement été conservés.
Interactivité
Carlotta partenaire depuis quelques années de MK2 et de son catalogue reprend en ouverture de programme la très bonne présentation du film par Serge Toubiana déjà présente sur l’ancien DVD. Les multiples scénario, l’impact de la guerre sur le tournage, la grâce des acteurs et la poésie dramatique du film, beaucoup est dit en très peu de temps.
L’éditeur propose aussi en nouveauté une rencontre avec Tangui Perron qui a la double casquette d’être historien du cinéma et spécialiste du monde ouvrier. Il axe essentiellement son propos justement sur la peinture réaliste et historique du port de Brest et l’omniprésence de la question du travail de la mer. Un propos enthousiaste et forcément très intéressant.
Liste des bonus
Présentation du film par Serge Toubiana (5’), « L’Oeil du cyclone » : entretien inédit avec Tangui Perron, historien et spécialiste du monde ouvrier (23’), Bande-annonce.