Si la chanteuse a déjà sorti un premier album intitulé sobrement Madonna et si on a pu la croiser quelques années plutôt, durant ses années de vache maigre, dans le petit drame ado et urbain A Certain Sacrifice, elle n’était certainement pas encore une star lorsque la réalisatrice Susan Seidelman flashe sur sa personnalité et son style et voit en elle une Susan parfaite. L’image de la nouvelle jeune femme des années 80, échappée de l’ère punk et se vautrant dans la culture pop, assumant, non sans une pointe de vulgarité assumée, sa liberté sexuelle et autres. Ici Madonna ne fait rien d’autre qu’être Madonna, de bousculer tout ceux qu’elle croise, subjuguer et encanailler les hommes tout en fascinant les autres femmes. Sauf que c’est bien durant le tournage du film que va sortir son second album Like a Virgin et que la Madonnamania va littéralement exploser.  A tel point que d’un petit projet plutôt modeste et tourné en toute tranquillité (dont des scènes de rue capturées sans effet de foule), Recherche Susan désespérément va devenir une production sous haute surveillance, avec service de sécurité à la clef, et surtout attente par des hordes de fans comme la concrétisation de cette iconisation fulgurante. Un sacré coup de pub, affirmé par le nouveau tube inédit Into The Groove uniquement disponible en single ou sur la nouvelle édition de l’album. Pourtant Madonna n’est pas le rôle principal de Recherche Susan désespérément mais plus concrètement son MacGuffin, celle après qui tous semblent courir.

Femmes fatales

Un tueur commandité par un réseau de recèle d’antiquités pour un soupçon de thriller, très mal négocié, un amoureux transis qui ne cesse de la rappeler dans ses petites annonces publiées dans le journal et surtout Roberta petit épouse bourgeoise qui étouffe dans sa banlieue, son confort matériel et la condescendance de son époux. C’est qui elle qui franchit le Manhattan Bridges en quête d’un nouveau monde, d’une nouvelle personnalité et d’une émancipation nécessaire. Un sujet pas si fréquent en cette décennie obnubilée par les buddymovies plus virils, mais que malheureusement le scénario un peu cafouilleux de Leora Barish (Basic Instinct 2… outch) et la mise en scène nonchalante de Susan Seidelman (She Devil) ne semble vouloir traiter que sous la forme d’un petit divertissement léger, entre comédie douce et chronique d’une sororité naissante. Entre policier, comédie romantique et manifeste timide, Recherche Susan désespérément louvoie avec un manque d’énergie et de mordant flagrant, heureusement toujours sauvé par le charme candide et lumineux de Rosanna Arquette, elle aussi en pleine éclosion entre Vol d’enfer aux cotés de Christopher Reeves, le After Hours de Scorsese, l’excellent Silverado et un Grand bleu à venir. Tête d’affiche du film, elle réussit à résister à la tornade Madonna et à s’imposer comme un reflet plus complexe et changeant que celle-ci, obtenant à l’arrivée un duo très réussi et marquant même s’il ne se croisera que pour la dernière scène et une affiche mythique.

Un véritable produit de son époque avec ses qualités et ses défauts, qui ne résiste finalement au temps que pour son aspect de témoin, capturant les dernières images du New York inapprivoisé et cosmopolite d’alors, illustrant la bascule entre la culture post-punk et la glorification de la pop acidulée, et bien entendu l’avènement de la papesse Madonna, que certains alors ne voyaient que comme une étoile filante. Elle n’aura eu de cesse de leur donner tort.