RAISED BY WOLVES SAISON 1
États-Unis – 2021
Support : Bluray
Genre : Science-Fiction
Réalisateurs : Ridley Scott, Luke Scott, Sergio Mimica-Gezzan, Alex Gabassi, James Hawes
Acteurs : Amanda Collin, Abubakar Salim, Travis Fimmel, Winta McGrath, Niamh Algar, Jordan Loughran, …
Musique : Marc Streitenfeld, Ben Frost
Durée : 450 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : DTS-HD Master Audio 5.1 Anglais, Dolby Audio 5.1 Français & Japonais
Sous-titres : Français, Anglais, Néerlandais, Japonais
Éditeur : Warner Bros Home Entertainment
Date de sortie : 22 juin 2022
LE PITCH
Le XXIIème siècle. Fuyant la Terre, ravagée par une guerre de religions, deux androïdes en possession d’embryons humains congelés rejoignent la planète Kepler 22-b pour y fonder une colonie pacifiste. Mais les enfants dont ils ont la charge meurent les uns après les autres d’un mal mystérieux, …
Les enfants prodigues
Auteur du mémorable scénario du Prisoners de Denis Villeneuve, Aaron Guzikowski est parvenu à attirer Sir Ridley Scott dans ses filets pour produire et réaliser les deux épisodes inauguraux de sa nouvelle création, Raised By Wolves. Soit une série de science-fiction ambitieuse où la religion et l’intelligence artificielle occupent une place centrale. Incorrigible, le papa d’Alien et de Blade Runner en a profité pour ajouter un nouveau personnage d’androïde psychotique à son tableau de chasse.
1979, le regretté Ian Holm prête ses traits à l’androïde Ash, agent infiltré de la compagnie Weyland-Yutani ne révélant sa véritable nature qu’à l’issue d’un pétage de plombs carabiné. Si le personnage permet surtout à Ridley Scott d’accentuer par un violent coup de théâtre la solitude et le désespoir des survivants du Nostromo, le cinéaste britannique se permet aussi de semer le trouble au détour d’un court dialogue et d’un énigmatique sourire final. Ash le traître aurait-il une âme ? Y a-t-il conflit entre sa loyauté à ses créateurs, son admiration pour le xénomorphe et sa « sympathie » pour l’équipage du vaisseau ? Des questions qui se posent à chaque nouvelle vision d’Alien. Trois ans plus tard, Blade Runner, un autre chef d’œuvre, confronte les Réplicants menés par Roy Batty (l’immense Rutger Hauer, également disparu) à un système qui les exploite et les traque pour les mettre hors service au moindre signe de rébellion comme de vulgaires objets qui auraient cessé de fonctionner correctement. Cette fois, pas de doutes possibles, les androïdes ont bel et bien une âme, des pulsions de vie et de mort, des états d’âmes et des rêves (de moutons électriques). Et alors que l’on pourrait croire que Scott a fait le tour du sujet, il revient à la science-fiction trente ans plus tard pour le diptyque controversé et inachevé Prometheus/Alien Covenant. Les humains et les monstres iconiques de H.R. Giger passent au second plan tandis que l’androïde David, incarné par un Michael Fassbender au sommet, fils putatif du génie mégalo Peter Weyland, devient le véritable héros de cette nouvelle odyssée spatiale. Héros mais aussi menace à l’échelle universelle. Frustré par l’imperfection de ses créateurs, David détruit une civilisation et met au point la bête de l’Apocalypse, le xénomorphe. La créature de Frankenstein a dépassé son maître et vogue vers la Terre Promise sur un air de Wagner, rêvant de nouveaux génocides.
Mother !
Lorsque le projet de Raised By Wolves lui est proposé une première fois, Ridley Scott refuse. L’épopée de « son » David étant condamnée par les studios à ne jamais connaître de suite ou de conclusion, le cinéaste estime en avoir fini avec les androïdes. À la lecture des scripts d’Aaron Guzikowski, Scott rétropédale et s’investit sans retenue dans cette nouvelle série. Et il est aisé de comprendre pourquoi. La foi religieuse et le fanatisme qui en découlent, la procréation, les mythes fondateurs, la violence innée de l’espèce humaine et l’hypocrisie qui tend à la justifier : toutes les thématiques chères au vétéran de 82 ans se bousculent au portillon. Mais on peut aussi parier qu’il s’est laissé séduire par le personnage de Mother, l’héroïne de Raised By Wolves opérant le mariage à l’écran entre l’image de la femme forte et celle de la machine tourmentée.
Reprogrammée par Campion Sturges, l’un des leaders de la résistance athéiste (!), Mother est avant tout une arme redoutable, une Necromancer, des androïdes survolant les champs de bataille et faisant exploser les chairs par la simple force d’un cri strident. Des pouvoirs indispensables à la protection des enfants censés devenir le point de départ d’une nouvelle civilisation sur l’astre lointain de Kepler 22-b. Le fléau des guerres du futur devient ainsi la mère féroce d’une espèce désormais en voie d’extinction. Sur le papier, Guzikowski fait référence à Maria, la Machinenmensch de Metropolis, à la vierge Marie et à la Louve capitoline, la protectrice de Rémus et Romulus, fondateurs de Rome. Ridley Scott s’approprie Mother en y injectant le fameux sang blanc qui coule dans les veines des androïdes de la franchise Alien mais aussi une bonne ration de David, l’épisode pilote se concluant par un massacre aux proportions bibliques semblable à cette fameuse scène d’Alien Covenant où les Ingénieurs extra-terrestres se voyaient décimés en quelques minutes par une peste noire tombée du ciel.
Le rôle est confié à la danoise Amanda Collin dont le physique androgyne, quelque part entre Annie Lennox et David Bowie, convient à merveille à un personnage sans cesse sur le fil, dédiée à son rôle de mère bienveillante et d’ange exterminateur des reliques d’une humanité corrompue par la religion. Mother est à la fois l’attraction principale du show, son point d’ancrage émotionnel et la synthèse presque parfaite de quatre décennies d’héroïnes selon Saint Ridley. Ce qui, convenons-en, n’est pas rien.
Loup, y es-tu ?
Reconnaissable entre mille, l’identité visuelle très affirmée de Ridley Scott donne forcément le la d’une série pourtant très austère, baignant le plus souvent dans une lumière blafarde et poussiéreuse et écrasée par le score anxiogène et abrasif de Marc Streitenfeld et Ben Frost. Entre lignes épurées des vaisseaux spatiaux et de leurs intérieurs et uniformes militaires s’inspirant des tenues des Croisés du Moyen-Âge, la direction artistique joue des contrastes pour abolir les frontières entre le passé et le présent. S’ils sont loin d’avoir le talent du réalisateur de Gladiator et de La chute du Faucon Noir, Luke Scott (le fils de), Sergio Mimica-Gezzan, Alex Gabassi et James Hawes marchent dans ses pas avec application et maintiennent un haut niveau d’exigence pour une série jonglant avec des concepts passionnants, ressuscitant le culte de Mithra comme religion terrestre dominante et multipliant les mystères de tous poils et jusqu’à un double twist final plutôt tordu. Un regret toutefois, le plan final du dernier épisode se distinguant par des images de synthèse hideuses et un créature design raté.
Malgré un récit vampirisé par les états d’âmes, les accès meurtriers et les hésitations de Mother, Raised By Wolves parvient à faire exister sa petite troupe d’antagonistes au fil des alliances et des trahisons. Abubakar Salim témoigne d’une belle présence dans la combinaison moulante de l’androïde Father, un modèle de service vivant un authentique chemin de croix lorsqu’il ne tente pas de détendre l’atmosphère à grand renfort de blagues Carambars. Star de la série Vikings, Travis Fimmel joue moins qu’à l’accoutumée de son charisme viril et de ses sourires mais reste dans la partition confortable du leader illuminé sacrifiant son amour et sa famille de substitution à une crise de foi carabinée.
Reste à savoir où cette lutte pour la survie d’une humanité qui semble condamnée à répéter ses erreurs au grand dam de leurs créatures artificiels nous mènera. HBO Max venant de renoncer à la mise en chantier d’une troisième saison, il se pourrait bien que les belles promesses de Raised By Wolves restent sans lendemain.
Image
Fidèle collaborateur de Ridley Scott, le polonais Dariusz Wolski impose une photographie le plus souvent monochromatique (teintes sépia, grises ou bleues) au milieu de nuages de poussières et de fumée, de forêts brumeuses et de flocons de neige. Malgré ces choix extrêmes, la définition demeure pointue avec des textures presque palpables et une belle profondeur de champ. Certaines scènes en simulation virtuelle sont même assez saisissantes.
Son
Peu d’ouverture malgré des pistes Dolby Audio puisque la musique en forme de sound design semble gronder en permanence et laisse s’abattre une chape de plomb sur tous les canaux. Les dialogues, les coups de feu, les cris de Mother et quelques rares effets atmosphériques apportent un semblant de variété à un mixage généralement oppressant, quel que soit le doublage choisi.
Interactivité
Quatre featurettes express pour moins de dix minutes de visionnage où il est recommandé de ne pas cligner des yeux pour ne pas rater un bout d’image de tournage ou de tendre l’oreille pour saisir 1/10 de seconde de propos vaguement informatif. Le summum du foutage de gueule.
Liste des bonus
« Le Monde de Ridley Scott » (2 minutes) / « Décodé » (2 minutes) / « Devenir un Nécromancien » (2 minutes) / « De l’esquisse à l’écran » (3 minutes).