QUATRE MARIAGES ET UN ENTERREMENT
Four Weddings & A Funeral – Royaume-Uni – 1994
Genre : Comédie
Réalisateur : Mike Newell
Acteurs : Hugh Grant, Andie McDowell, Kristin Scott-Thomas, John Hannah, Simon Callow, James Fleet…
Musique : Richard Rodney Bennett
Durée : 117 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais & Français 5.1 PCM
Sous-titres : Français
Éditeur : BQHL Éditions
Date de sortie : 29 janvier 2024
LE PITCH
Célibataire endurci, Charles enchaîne les relations sans lendemain. Lors d’un mariage, il rencontre Carrie, une séduisante américaine. C’est le coup de foudre mais Charles refuse de l’admettre, au risque de laisser passer sa chance, …
Mariage mixte
Succès surprise de l’année 1994, Quatre mariages et un enterrement se paie une réédition en HD à l’occasion de son trentième anniversaire. Délicate attention de l’éditeur BQHL pour la comédie romantique de Mike Newell, chef d’œuvre so british d’un genre presque pourtant exclusivement dominé par les Américains. Une réussite qui doit beaucoup au scénario de Richard Curtis, oui, mais pas seulement.
Après deux décennies (ou presque) de vaches maigres, la comédie romantique s’offre une seconde jeunesse grâce au succès en 1989 de Quand Harry rencontre Sally de Rob Reiner. Au croisement de Capra, Lubitsch et Woody Allen, le script exemplaire de Nora Ephron fait alors école et essaime. Sur grand écran bien sûr, mais aussi à la télévision, des séries telles que Mad About You et plus tard Friends n’hésitant pas à émuler son style, où la comédie de mœurs vire au rose bonbon au gré de répliques ciselées. L’interprétation à la fois culottée et pleine de charme de Meg Ryan, immortalisée lors d’une scène dans un restaurant à base d’orgasme simulée plus vrai que nature, fait une très forte impression et l’actrice sert désormais de modèle absolu pour toutes les prétendantes au rôle de girl next door célibataire (de Jennifer Anniston à Renée Zellweger, même combat).
De l’autre côté de l’Atlantique, un inconnu du nom de Richard Curtis (il est de toutes les pitreries d’un certain Rowan Atkinson) sent le vent tourner et s’inspire de ses propres expériences pour écrire la comédie romantique ultime. Débutée en 1990, l’écriture de Quatre mariages et un enterrement ne s’achève qu’au bout de 19 réécritures, Curtis raffinant son manuscrit jusqu’à atteindre une minutie d’horloger dans son mélange d’humour, de romantisme et de drame. Un dosage qui oscille entre le respect des traditions (l’héritage de Capra, Hawks et Lubitsch est évident), un progressisme bienvenu (l’amour avant le mariage, un couple gay attachant et à mille lieux des clichés qui vont avec, un soupçon de féminisme) et une galerie de seconds rôles excentriques hérités des Ealing Comedies des années 50 et 60. Au travers du personnage de Carrie, la belle américaine sophistiquée qui mène la danse, Richard Curtis rend hommage à Katharine Hepburn et à Audrey Hepburn et à ses maîtres. Mais il englobe cet héritage dans un bonbon acidulé à l’humour typiquement anglais, entre flegme, élégance et absurdité magnifique. Avec Quatre mariages et un enterrement, c’est un peu comme si Richard Curtis venait de voler aux américains le secret de la potion magique.
Les noces rebelles
Il suffit pourtant de comparer Quatre mariages et un enterrement à Coup de foudre à Notting Hill et à Love Actually, deux autres réussites emblématiques de Richard Curtis, sorties en 1999 et en 2003 respectivement, pour se rendre compte de l’apport inestimable du cinéaste Mike Newell. Loin de s’effacer et de se contenter d’illustrer docilement un script de tout premier ordre, le réalisateur s’échine au contraire à en dissimuler la préciosité et à en extraire une spontanéité nouvelle. Naturaliste, distanciée, la mise en image de Newell injecte du réalisme à un récit qui aurait facilement pu se transformer en grosse farce meringuée.
Au-delà du glamour (discret) porté par le couple Hugh Grant / Andie McDowell, Mike Newell affiche une préférence marquée pour des visages ordinaires et des physiques du quotidien. Les mariages dont il met en scène les coulisses ne sont pas avares de fêtards lambda, épuisé par l’excès d’alcool, de tabac, de sexe et de danse et c’est tant mieux. Travaillée avec un soin presque maniaque, cette esthétique de la « banalité » installe une complicité immédiate avec le public, forcément familier de ces écarts indissociables de tout mariage qui se respecte.
Mais le cinéaste sait aussi manier les contrastes et les ruptures de ton et l’enchaînement entre des noces à l’écossaise (« It’s Brigadoon, it’s bloody Brigadoon ! », s’exclame un personnage, citant avec gourmandise la comédie musicale de Vincente Minelli) et des funérailles sous un ciel gris dans un paysage industriel est à deux doigts de faire basculer le film dans une tragédie sociale à la Ken Loach. L’éloge funèbre interprétée par un John Hannah à la voix tremblante est probablement la meilleure scène du film et elle porte en elle, dans son équilibre fragile entre le rire et les larmes, un autre genre qui s’apprête alors à faire fureur : la comédie sociale anglaise.
Drôle à en perdre haleine, toujours crédible malgré l’usage de ressorts dramatiques parfaitement prévisibles, Quatre mariages et un enterrement s’impose, hier, aujourd’hui et pour toujours, comme un idéal de comédie à l’anglaise, que l’on redécouvre à chaque nouveau visionnage.
Image
BQHL a visiblement hérité d’un master d’époque, brut de décoffrage. On ne compte donc plus les points blancs, les plans flous et les accrocs de pellicule. Mais l’éditeur s’en accommode mieux que prévu avec un mastering très solide. La compression, la définition et les couleurs sont très soignées et le rendu cinéma est plus que probant.
Son
Les deux pistes PCM ne font pas de miracles mais la propreté est de mise et la dynamique est à la fois subtile et redoutable, notamment lors du générique de fin lorsque retentit Love is all around de Wet Wet Wet. Inutile de vous préciser que la version française est une hérésie.
Interactivité
Les scènes coupées, la galerie de photos et les spots promotionnels du DVD collector et du blu-ray de 2011 n’ont pas fait le voyage pour cette nouvelle édition qui a au moins le bon goût de nous faire profiter des meilleurs bonus de ces éditions historiques. Riche en anecdotes, rythmée et bien argumentée, le commentaire audio assuré par Mike Newell, Richard Curtis et le producteur Duncan Kenworthy est un incontournable, malgré un effet de réverbération sonore qui perturbe l’écoute. Un peu promotionnel sur la forme, le making-of rétrospectif ne manque heureusement pas d’arguments en sa faveur puisqu’il se concentre pour l’essentiel sur l’aspect créatif plutôt que sur une enfilade de « c’était fabuleux, il était génial ». L’inédit, c’est tout d’abord un livret de 28 pages (que nous n’avons pas pu nous procurer, donc motus et bouche cousue sur le contenu) et une présentation du film par Marianne Levy, journaliste et spécialiste de la comédie romantique. Une intervention qui n’est pas sans intérêt mais qui part un peu dans tous les sens et qui transpire l’improvisation. Marianne Levy connaît manifestement son sujet mais il aurait fallu lui laisser un peu plus de préparation et une direction à suivre pour éviter les temps morts. En attendant un 4K UHD pour les 40 ans du film (on a bien le droit de rêver), cette nouvelle édition est un investissement tout à fait honorable.
Liste des bonus
Commentaire audio de Mike Newell, Duncan Kenworthy et Richard Curtis (VOSTF), « Richard Curtis, maître de la comédie romantique » par Marianne Levy, journaliste et auteur du livre « Les Comédies romantiques » (43 minutes), Le tournage du film, « Les Préparatifs des mariages », « Deux acteurs et un réalisateur ».