PRÉPAREZ VOS MOUCHOIRS
France, Belgique – 1978
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Comédie
Réalisateur : Bertrand Blier
Acteurs : Gérard Depardieu, Patrick Dewaere, Carole Laure, Michel Serrault, Riton Liebman, Eléonore Hirt, Jean Rougerie…
Musique : Georges Delerue
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Aucun
Durée : 109 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 mars 2024
LE PITCH
Raoul est préoccupé par le fait que sa femme Solange soit déprimée. Il pense qu’elle a besoin d’un autre homme pour lui redonner le sourire. Stéphane entre alors dans leur vie. Cependant Solange ne se déride pas plus en sa compagnie qu’avec son mari. Jusqu’à sa rencontre avec Christian, un surdoué de 13 ans.
Mais qu’avez-vous à Solange ?
Quatre ans après le chef d’œuvre anticonformiste Les Valseuses, Bertrand Blier retrouve son duo Gérard Depardieu / Patrick Deware pour un nouveau grand numéro d’équilibriste où l’on cause Mozart, où l’on ne comprend rien aux femmes (ici Carole Laure), où on réinvente l’amour sans jamais se questionner sur les limites du bon goût. Plus tendre, Blier ferait même presque ici dans le mélo.
Après deux essais particulièrement provocateurs comme Les Valseuses et Calmos, croisant avec un humour ravageur les élans libertaires post-soixante-huitard, un humour Harakiri et une misogynie de surface (souvent plus minable qu’autre chose), Bertrand Blier n’allait pas franchement calmer ses ardeurs. En reprenant les deux monstres Gérard Depardieu et Patrick Deware, dans un duo à nouveau gargantuesque, il s’inscrit d’ailleurs bien évidemment dans la continuité de son premier grand succès. Si Miou-Miou a jeté l’éponge ne voulant plus passer son temps à montrer ses nichons, Carole Laure la remplace parfaitement en pole magnétique féminin, toujours là, vaguement éteinte, concentré sur ses aiguilles de tricot, éternelle insatisfaite (« elle ne serait pas tout simplement con ? » se demande Dewaere), souvent boudeuse, souffrant de vapeurs incompréhensibles, disponible soit mais sans plaisir. C’est d’ailleurs pour la voir sourire que son mari, Raoul / Depardieu, trouve l’idée lors d’un repas au restaurant de lui offrir un quidam, Stéphane / Dewaere éternel suivant mais ici mélomane, comme amant.
Mystères féminins
Las, après un grand numéro théâtrale réjouissant dans les lieux, il faut se rendre à l’évidence, ça ne suffit pas. Les voici donc tous deux, désormais amoureux mais aussi dans leur propre bromedy, investis de cette mission de lui offrir un bonheur qu’elle n’a même pas l’impression de demander. Le voisin ronchon, admirablement interprété par Michel Serrault, sera un temps de la partie mais, désirs d’enfant enfin assouvis ou recherche d’innocence et de virilité beaucoup plus éteinte, c’est finalement dans les bras d’un petit surdoué de 13 ans qu’elle trouvera l’épanouissement. On est ici encore très loin du drame trouble Beau-père, mais forcément Préparez vos mouchoirs titille les interdits. Mais il le fait avec un naturel désarmant. La scène centrale où le très jeune homme (joué par la révélation Riton Liebman que l’on retrouvera par la suite chez Boisset et plein d’autres) demande à la belle Solange de se mettre nue devant lui, n’a rien de vulgaire mais pencherait plutôt vers cette fibre délicate et poétique que le cinéaste peut parfois montrer. On ne peut cependant ici s’empêcher de suspecter un peu de mauvaise esprit de sa part en annonçant ironiquement un « Préparez vos mouchoirs » avant d’aller s’amuser sur les plates-bandes des grands drames d’amours interdits à l’image d’un certain Mourir d’aimer, grand succès et faux scandale de 1971.
Forcément Blier va beaucoup plus loin, toujours avec le bon mot à la bouche (les dialogues sont imparables comme toujours), une pelleté de personnages névrosés et à coté de la plaque, une méchante envie de foutre par terre la petite bourgeoisie française, et une écriture aux airs de cadavre exquis qui part un peu dans tous les sens. Les épidermiques à son cinéma risquent de souffrir comme souvent, les autres se régalent tout simplement.
Image
L’ancien DVD de StudioCanal étant épuisé depuis des lustres, une ressortie de Préparez vos mouchoirs, d’autant plus chez Le Chat qui fume est une sacrément bonne nouvelle. Mieux encore, l’éditeur ne se contente pas d’un Bluray mais passe directement à l’UHD. A la clef une toute nouvelle copie opérée à partir d’un scan 4K des négatifs avec traitement HDR10 et Dolby Vision royal en plus du nettoyage éprouvé et du réétalonnage de luxe. A l’arrivée, l’image est riche et éclatante, la photographie étonnement chaude, la définition renversante et l’ensemble supporte fidèlement le grain de la pellicule et ses jolis reflets argentiques. Superbe.
Son
La piste mono d’origine est proposée dans un DTS HD Master Audio 2.0 naturellement sobre et frontale, mais les dialogues, la musique et les effets y sont toujours mêlés avec clarté sans un début de défaut audible.
Interactivité
Préparez vos mouchoirs est proposé dans le même format de Digibook déjà éprouvé sur le Lune froide de Bouchitey avec un cahier de photo d’exploitations de 40 pages piqué dans la reliure. Le disque UHD est bien logé dans son socle là où le Bluray est un peu plus tristement disposé dans une pochette papier qui se promène. C’est d’ailleurs sur ce dernier que sont logés les suppléments de l’édition.
Ceux-ci s’ouvrent sur un reportage tourné dans les coulisses du film en 1978 pour la télévision belge. Si les questions de la journaliste ne sont pas toujours des plus pertinentes, les réponses le sont bien plus et dessinent la motivation du projet et l’identité du film, mais l’intérêt principal ici est véritablement d’accéder à quelques images de tournage et d’observer le travail de Blier avec ses acteurs.
Autre document d’archive, mais beaucoup plus proche, l’interview du réalisateur fut tournée en 2019 pour le programme d’Olivier Père sur Arte, et revient sur ses souvenirs entourant les origines du film (écrits partiellement pendant une cure de musique et de puzzle dans un chalet en bois), le choix de Carole Laure et surtout la recherche du jeune interprète avant de revenir sur la carrière internationale du film et sa présentation au Golden Globe (le prix sera le Sonate d’Automne d’Ingmar Bergman, ce qui parait on ne peut plus logique pour Blier) et son Oscar du meilleur film étranger.
Le troisième bonus est lui inédit. Il s’agit d’une rencontre avec l’ancien jeune interprète Riton Liebman qui retrace son arrivée presque hasardeuse au fameux casting, les réticences de sa mère, la rencontre avec les deux grandes gueules Depardieu (« un ouragan ! ») et Deware qui ne parlaient que de cul sur le plateau, la gentillesse de Carole Laure, l’émotion naturelle pour le tournage de la « fameuses scène » et les tonnes de petits suisse pris dans la tronche. Il y a ici aussi beaucoup de lucidité sur la place des enfants révélés trop tôt dans le cinéma, l’attente du grand public et quelques réalités professionnelles du milieu.
Liste des bonus
Un livret collé de photos d’exploitation du film (40 pages), Tournage du film avec interviews de Carole Laure, Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Bertrand Blier (9’), Interview de Bertrand Blier par Olivier Père (12’), « Souvenirs de Riton Liebman » : Interview avec l’acteur (22’), Bande-annonce.