POUR L’AMOUR DU CIEL
È più facile che un cammello… – France, Italie – 1950
Support : Bluray & DVD
Genre : Fantastique, Drame
Réalisateur : Luigi Zampa
Acteurs : Jean Gabin, Mariella Lotti, Antonella Lualdi, Julien Carette, Elli Parvo, Paola Borboni…
Musique : Nino Rota
Image : 1.37 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0, Audiovision
Sous-titres : Anglais, Français pour sourds et malentendants
Durée : 83 minutes
Editeur : Pathé
Date de sortie : 24 avril 2024
LE PITCH
Lorsqu’il se fait mortellement renverser par un camion, le riche industriel romain Carlo Bacchi se voit refuser l’entrée au paradis. Le juge céleste lui donne alors douze heures pour racheter ses fautes en faisant le bonheur de Santini, un de ses ouvriers qui a tenté de se suicider.
Petit purgatoire
Film peu célébré dans la longue carrière de Jean Gabin, Pour l’amour du ciel film franco-italien est le témoin d’une période moins glorieuse de sa carrière, celle de l’après-guerre où l’acteur, changé par le conflit, se cherchait encore… quitte à se perdre un peu.
Autrefois considéré comme le plus grand comédien d’Europe, star absolue du cinéma populaire et des œuvres d’auteurs, Jean Gabin revient de la guerre éprouvé et changé : les cheveux sont devenus blancs, la mine moins souriante et le corps plus lourd. Adieu donc les rôles de grands séducteurs et de jeunes ouvriers dans la force de l’âge. Si l’acteur ne cesse de tourner, il peine depuis l’échec de Martin Roumagnac et sa séparation avec Marlene Dietrich, à retrouver des productions à sa hauteur et plus généralement à trouver son nouveau « personnage ». Il tente alors l’aventure italienne et participe ici à l’une des premières grandes coproductions franco-italiennes d’envergure, répondant à une dynamique politique et économique très importante pour l’époque. Une grande collaboration entre les studios Pathé et Cines qui va tente à sa manière de concurrencer le cinéma anglo-saxons en marchant sur les platebandes de classiques comme La Vie est belle de Frank Capra, Le Ciel peut attendre d’Ernest Lubitsh ou Une Question de vie ou de mort de Powell et Pressburger. Un autre dispositif fantastique où le riche industriel Carlo Bacchi (Gabin donc) après avoir été renversé par un camion, est renvoyé sur terre pour douze heures seulement afin de racheter ses fautes et changer le destin d’un énigmatique Amedeo Santini (Julien Carette qui en fait des caisses), dont le but est surtout de livrer une grande fable morale, un mélodrame doucereux où les valeurs chrétiennes abondent jusqu’à son petit final bienpensant.
Repenti
Rédigé dans une première mouture par Henri Jeanson (Pépé le Moko, Hôtel du nord, La Nuit fantastique…) puis repris par des auteurs italiens pour être enfin retraduit en français, le scénario n’est malheureusement pas un modèle d’originalité ou de pertinence, et surtout aligne des dialogues qui manquent cruellement de mordant. Pourtant certaines situations, et en particulier toutes celles entourant le très détestable Amedeo, mauvaise âme dont on peine à comprendre pourquoi elle doit être sauvée, où la visite express d’une vaste demeure servant de bordel pour nanti, avaient énormément de potentiel. Le mélodrame à l’américaine et la farce à l’italienne cohabitent en effet assez difficilement, tout autant d’ailleurs que les séquences en décors classieux et les extérieurs très néo-réalistes, ou plus durement encore le casting français et italien. Chacun tournant dans sa propre langue, les acteurs italiens ont donc été postsynchronisés pour la version française mais cela ne peut dissimuler l’éloignement de Gabin semblant constamment seul, ou presque, au milieu des autres. Même un réalisateur chevronné comme Luigi Zampa (Les Coupables, La Belle romaine, Nous sommes tous coupables, Les Maitres) peine à se dépêtrer des lourdeurs de cette machine où personne ne semble vraiment y croire.
Mais finalement le principal souci du film, et sans doute les raisons de son échec commercial, est de ne jamais réussir véritablement à racheter ce grand patron incarné par Jean Gabin. Une figure de patriarche, d’autorité, qu’il ne va cesser de creuser par la suite, mais qui ici ne peut s’extraire de son caractère colérique, de son caractère infidèle, d’un certain égoïsme, presque antipathique et ce, malgré sa mission rédemptrice et son acceptation, in extremis, au paradis. Un Jean Gabin antipathique… oui, il fallait le faire.
Image
Pathé continue son grand travail de restauration de son patrimoine, même si parfois le travail est loin d’être facilité par des copies irrémédiablement abimées ou partielles comme se fut le cas ici. Les techniciens ont donc dû travailler avec un assemblage d’extraits de positifs et d’interpositifs première génération alliés à un scan 4K des négatifs originaux persistants. Le résultat final est forcément inégal avec des segments extrêmement pointus, délicats et dotés d’un grain organique, et d’autres plus troubles, moins creusés et à la définition moins solide. L’effort reste cependant plus que louable et l’ensemble affiche un noir et blanc homogène.
Son
Seule la version française du film est présente avec les voix de Jean Gabin et Julien Carette en prises réelles et les autres acteurs postsynchronisés. Là aussi le mélange peut parfois être un peu perturbant, autant dans le jeu que dans l’atmosphère sonore passant d’un écho plutôt naturel à un rendu plus plat. On note aussi parfois quelques grésillement ou souffles persistants et ce malgré le rafraichissement et nettoyage évident.
Interactivité
Comme pour Ces messieurs de la santé sorti à la même date, Pathé propose un excellent documentaire en supplément. Là non plus pas d’images d’archives existantes ou de témoins directs de l’époque mais trois interviews croisées qui se complètent avec Patrick Glâtre, auteur de plusieurs ouvrages sur Gabin, et les universitaires Paola Palma, s’intéressant aux mécaniques de la coproduction, et Aurore Renaut plus ciblée sur les éléments italiens du métrage. Retour donc sur une époque où la France et l’Italie entamaient de nombreux projets collaboratifs, ou Jean Gabin s’efforçait de retrouver son statut de star du cinéma européen et où le cinéma transalpin était habité par le néo-réalisme. Trois éléments qui explicitent justement à la fois l’intérêt que l’on peut porter à ce film tout en soulignant son échec relatif. Un propos clair et très intéressant.
Liste des bonus
« La Grande Désillusion » : Entretiens avec Patrick Glâtre, Paola Palma et Aurore Renaut (53’).