POULET AU VINAIGRE / INSPECTEUR LAVARDIN
France – 1984, 1986
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Claude Chabrol
Acteurs : Jean Poiret, Stéphane Audran, Michel Bouquet, Jean Topart, Lucas Belvaux, Pauline Lafont, Caroline Cellier, Jean-Claude Brialy, Bernadette Lafont, Jean-Luc Bideau…
Musique : Matthieu Chabrol
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres :
Durée : 110 et 100 minutes
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 16 janvier 2024
LE PITCH
Poulet au vinaigre : Prenez trois notables bien saignants, choisis de préférence pour leur goût prononcé à magouiller dans l’immobilier. Faites-les revenir à feu doux en y ajoutant leur victime, un postier nerveux et sa maison convoitée. Couvrir, faire mijoter. Vous saupoudrez le tout de quelques morts mystérieuses et vous obtenez un beau poulet au vinaigre…
Inspecteur Lavardin : Le repas familial d’un écrivain catholique, Raoul Mons, est interrompu par une délégation de la ville qui veut faire interdire une pièce de théâtre blasphématoire. Il promet de s’en occuper. La pièce n’aura pas lieu. Peu de temps après, Raoul Mons est retrouvé mort, nu, sur la plage. L’inspecteur Lavardin est appelé sur les lieux. Il va enquêter…
Entrée et plat du jour
Quelque peu en perte de vitesse après, entre autres, l’expérience américaine Le Sang des autres, Claude Chabrol se découvre un nouveau producteur en la personne de Marin Karmitz et un nouveau souffle avec un flic arrivé là presque par hasard : l’inspecteur Lavardin. Un flic aux méthodes et à l’humour tous personnels marqué par la personnalité irrésistible de Jean Poiret.
De prime abord dans ce Poulet au vinaigre adapté du roman « Un mort de trop » de Dominique Roulet, il n’y a pas grand-chose de changé pour le cinéaste qui renoue pleinement avec sa description acerbe de la bonne bourgeoisie française provinciale, propre sur elle mais définitivement malade, mal intentionnée et prête à toutes les immoralités pour arriver à ses fins. Ici mettre la main sur la grande demeure vétuste d’un jeune postier et sa mère paraplégique, dérangée et castratrice. Mais forcément à force de se menacer, de se filocher et de se tendre des pièges, une femme disparait et un boucher trop brutal meurt dans un accident de voiture. Tout sens ici le renfermé, cet entre-soi destructeur tout en jalousie, en amertume et en avidité jusqu’à ce que débarque l’inspecteur dépêché pour l’affaire. Quarante minutes après le début du film, voici donc Jean Poiret, véritable créateur du rôle (le personnage était au départ beaucoup moins coloré) à qui il offre son ironie mordante, son œil pétillant (mais un poil inquiétant) et ses répliques assassines. Un flic aux méthodes parfois bien vachardes, calme et souriant, mais n’hésitant jamais à décalotter quelques torgnoles ou à envoyer bouler les hauts placés pour faire appliquer sa vision de la loi. Et clairement après les atmosphère presque feutrées et la chape de plomb qui semble écraser la ville sous son poids, la franchise et le culot imparable du personnage déménage tout sur son passage. Un vrai petit jeu de massacre, pointu et vachard, qui révèle à merveille toute l’aliénation du tableau, dont seuls peut-être les deux jeunes Lucas Belvaux et surtout la solaire et tentatrice Pauline Lafont peuvent s’échapper. Avec le contre-point Lavardin, Claude Chabrol peut se livrer ainsi à ses petits jeux préférés : plonger dans une sombre affaire policière bien retorse, explorer une galerie de personnages relativement cintrés tout en se moquant ouvertement de ce milieux bien mis dans lequel il a grandi.
Une sale affaire
Une rencontre avec un personnage et un acteur, et des retrouvailles avec le public tant qu’à faire, qui forcément donne quelques idées pour la suite. Là encore, Lavardin arrive presque comme un sauveur puisque le scénario initial de ce qui va devenir Inspecteur Lavardin, le film, n’avait jamais vraiment satisfait Chabrol avant qu’il y infiltre ce dernier. Une histoire trop sentimentale selon lui, trop déséquilibrée, et qui s’appuie désormais justement sur le personnage du début à la fin. C’est que la famille dans laquelle il arrive pour enquêter sur la mort du patriarche, auteur célébré et grand catholique moralisateur, il la connait bien. Une manière d’approfondir plus avant les caractéristiques de ce Jean Lavardin, voir même de le laisser aller à quelques rares émotions, mais aussi et surtout d’en user comme d’un agitateur, un perturbateur, tour à tour odieux ou charmeur, surtout moqueur, manipulateur, ne tombant ô jamais dans le piège de la sensiblerie. Jean Carmet n’a que trop rarement eu un rôle aussi éclatant à l’écran, et L’Inspecteur Lavardin réussit même à faire mieux que Poulet au vinaigre en croisant presque deux affaires en une : d’un coté l’habituel et embarrassant secret de famille et de l’autre une trame de film noir sur fond de drogue et de détournement de mineure. Avec sa mise en scène extrêmement précise et solidement construite, Chabrol dirige lentement son protagoniste et le spectateur vers un final éclatant reposant justement énormément sur sa mise en image. Brillant, drôle et toujours mordant, servi sur un plateau par des seconds rôles aussi impeccables que Bernadette Lafont, Jean-Claude Brialy ou Jean-Luc Bideau, L’Inspecteur Lavardin ne pouvait être la fin de… l’inspecteur Lavardin.
Le personnage reviendra ainsi dès 1988 pour une série de téléfilms chapeautée (et réalisée pour les deux premiers) par Chabrol en personne. Malheureusement l’arrêt cardiaque soudain et la disparition de Jean Poiret mettront logiquement fin au programme au bout de seulement quatre épisodes.
Image
Les deux films sont proposés ici dans leurs toutes nouvelles copies restaurées par le labo Eclair à partir de scan 4K des négatifs 35mm. Et une fois encore le résultat est très impressionnant avec des masters désormais débarrassés de la moindre imperfection, de la moindre scorie des années, au rendu pointu, constamment précis, mais rehaussé d’une grande délicatesse dans la restitution. Le grain, les matières, la profondeur de la pellicule sont parfaitement révélés pour un résultat organique et vibrant. Même la légère platine plus vaporeuse d’Inspecteur Lavardin est admirablement négociée.
Son
Les deux bandes sonores restent dans leur mono d’origine mais avec un traitement plus clair en DTS HD Master Audio. Là aussi la restauration est appréciable avec un équilibre bien posé et pas une ombre de scorie à l’horizon.
Interactivité
Carlotta reprend ici directement les suppléments déjà proposés pour l’ancien coffret DVD de MK2 à savoir les deux courtes présentations signées Joël Magny et surtout les deux séances de séquences commentées par Claude Chabrol en personnage. De vraies petites leçons de cinéma dans lesquels il souligne justement les choix de placements de caméra et les angles usités (parfois pour des raisons symboliques, parfois purement pratique), l’utilisation de la musique, les déplacements des acteurs, l’atmosphère recherchées… On y apprend comme à chaque fois beaucoup de chose.
Pas de supplément inédit par contre, et surtout toujours aucune trace des quatre épisodes de la série Les Dossiers de l’Inspecteur Lavardin invisibles depuis des lustres…
Liste des bonus
Poulet au vinaigre : Présentation du film par Joël Magny (3’), Commentaires de Claude Chabrol (21’), Bande Annonce.
Inspecteur Lavardin : Présentation du film par Joël Magny (3’), Commentaires de Claude Chabrol (33’), Bande Annonce.