PORTRAIT IN CRYSTAL, LEGEND OF THE FOX, THE BELLS OF DEATH
水晶人, 飛狐外傳, 奪魂鈴 – Hong-Kong – 1983 / 1980 / 1968
Support : Bluray
Genre : Arts Martiaux
Réalisateur : Shan Hua, Chang Cheh, Feng Yueh
Acteurs : Jason Piao Pai, Yu-Po Liu, Jung Wang, Siu-Ho Chin, Sheng Chiang, Linda Chu, Yi Chang, Ping Chin, Hsin-Yen Chao…
Musique : Chin-Yung Shing et Chen-Hou Su, Eddie Wang, Fu-Ling Wang…
Image : 2.35 16/9
Son : Mandarin et cantonnais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 77, 129 et 84 minutes
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 26 mars 2024
LE PITCH
Portrait In Crystal : La légende veut que si vous mettez du sang sur une statue de cristal pendant sa fabrication, elle prendra vie. Long Fei achève cette statue et verse du sang dessus pour voir ce qui se passe. Sa statue va disparaitre et une statue de cristal grandeur nature commence à tuer des gens. Principal suspect, il va chercher à découvrir ce qui se passe vraiment…
Legend of the Fox : Un jeune homme se croyant orphelin et élevé par un ancien serveur d’auberge sont contraints par une nuit de forte pluie, de chercher asile dans la demeure d’un riche citoyen. À peine installés, arrive un bandit, un chevalier et enfin, le frère de celui-ci. Très vite la tension monte entre tous ces hommes d’action, sous les yeux du jeune garçon qui ne sait encore qu’un lien tragique les unit…
The Bell of Death : Pour venger le meurtre de sa famille et l’enlèvement de sa sœur par trois brigands, un jeune homme entreprend une recherche acharnée tout en
perfectionnant ses talents de combattant.
Les trois diagrammes du Wu Xia
Spectrum films revient au catalogue de la grande maison Shaw Brothers avec cette fois-ci un triple programme réunissant trois productions plutôt méconnues du studio. Trois approches variées du Wu Xia (film de sabres chinois), marquées par leurs périodes respectives et les personnalités de leurs auteurs… mais toujours dans le cadre coloré et les riches décors historiques et fantaisistes du plus célèbre studio de Hong-Kong.
Débutant ce triptyque un peu cavalier, The Bells of Death est l’occasion de revenir au cœur de la grande époque de la Shaw Brothers mais aussi à un cinéaste chinois souvent encore trop peu évoqué par chez nous. Pourtant Yueh Feng a à son crédit 87 long métrages étalés sur près de 40 ans, de nombreux studios et de nombreux genres, et a connu de grands succès autant du coté de la Chine continentale (la première partie de sa carrière) et Hong-Kong (la seconde). Les spécialistes et les collègues cinéastes (dont Chang Cheh) ne tarissent pas d’éloges sur un réalisateur dont malheureusement bien peu d’œuvres nous sont parvenus proportionnellement. Profitons donc pleinement de ce pourtant modeste The Bells of Death. Modeste car loin des grandes productions de Chang Cheh ou de King Hu de la même période, le métrage en question n’entend certainement pas bouleverser la donne. Il s’inscrit totalement dans une longue tradition de récits de vengeance, ici un jeune homme qui traque sans relâche les assassins de sa famille, avec qui plus est un scénario dégraissé jusqu’à l’os ne s’encombrant que très peu des bases psychologiques des personnages et évacuant même ouvertement les habituelles longues séquences d’entrainement du gamin en surhomme martial. Une épure qui cela dit permet au film de résister très élégamment au temps et surtout de se donner des airs d’exercice de style extrêmement précis et maitrisé. Les cadres sont toujours superbes, les nombreuses séquences de combats alternants les armes (épées, haches ou poings) sont impeccablement mises en scènes, s’appuyant sur des changements d’environnement bien sentis (le duel dans la forêt de bambous est une merveille) et l’ambiance délétère fait le reste. Il faut dire que tourné en 1968 le métrage est particulièrement influencé par le nouveau western italien reprenant clairement certains de ses atours baroques, sa violence exacerbée, des échos de ses musiques morriconiennes et une certaine posture sèche et nihiliste, donnant un cachet tout particulier et un charme indéniable à The Bells of Death.
Le vieux mou-mou
Chang Cheh n’a lui plus besoin depuis longtemps de reconnaissance, mais à l’orée des années 80, tout comme la Shaw Brothers elle-même, la gloire semble loin derrière et les retrouvailles avec le public se font désirer. Il faut dire que l’auteur du chef d’œuvre (il y en a d’autres) Un Seul bras les tua tous, ne semble plus tout à fait avoir l’énergie d’autrefois et son style autant que le décorum classique ne sont clairement plus dans l’air du temps. Nouvelle adaptation d’un grand récit littéraire de Jin Yong (dit Louis Cha) bourré de péripéties, de rebondissements et de variations points de vue, Legend of the Fox peine effectivement à en retrouver la flamboyance. Le scénario semble constamment écrasé par les détails et par le nombre de ses personnages particulièrement bavards pour un wuxia pian, et le spectateur a souvent bien du mal à se remémorer les enjeux de chacun et à ne pas se noyer sous les flashbacks et les anecdotes très dispensables. Une adaptation qui à force de ne pas vouloir trancher le gras finit par se donner des airs de remontage maladroit d’un feuilleton qui ferait au moins le double de la durée (pourtant plus de deux heures déjà). Il y a bien un long flashback autour d’une grande amitié virile qui se noue entre deux combattants adverses qui rappelle l’âge d’or du cinéaste, ou une longue parenthèse autour d’une quête d’un maitre empoisonneur qui par sa simplicité et sa poésie presque fantastique, réveillent l’intérêt, mais dans l’ensemble Legend of the Fox manque cruellement de conviction et de rythme. Même les séquences d’arts martiaux, trop rares, s’avèrent certes soignées et agréables, mais vraiment trop classiques, trop datées. Clairement pas l’un des sommets de la vaste filmographie de Chang Cheh, en perte de vitesse, ou de la Shaw Brothers (pas mieux).
Le jeune fou-fou
Sorti cinq ans plus tard, un film comme Portrait of Crystal témoigne pour sa part de la manière dont la Shaw Brothers essayait alors de se raccrocher aux désirs des spectateurs contemporains. Le film part ainsi de la même impulsion qui nourrissait des productions comme Buddha’s Palm et Holy Flame of the Martial World, nées de la volontés de concurrencer un certain Zu Les Guerriers de la montagne magique, mettant en avant des effets spéciaux visuels psychédéliques (et aujourd’hui très kitchs) totalement novateurs pour Hong-kong, et abordant le wu xia comme un vaste continent fantastique peuplé de héros et de créatures volantes, de paysages féeriques et de super-pouvoirs délirants. Un gros fourre-tout auquel le réalisateur Hua Shan, ancien grand chef opérateur ayant œuvré sur, par exemple, le colossal Les 14 amazones, n’hésite pas à ajouter gracieusement une bonne dose de comédie (lourde), des éléments de films d’horreurs (gothiques mais aussi plus gores) et même un érotisme frontal détonnant aux accents bondage. Déjà auteur d’un très recommandable Bloody Parott et surtout du très culte Super Inframan, réponse chinoise improbables aux sentai nippons, le réalisateur offre un spectacle total multipliant les idées et visions les plus délirantes les unes des autres – d’une combattante en cristal aux airs de boule à facette à une cage-thoracique en guide de lyre, d’une jolie demoiselle qui décroche littéralement la lune à des ventres qui explosent façon Alien – égrenés à un rythme frénétique emporté par une mise en scènes virevoltante et un montage parfois à la lisière de l’hystérie. S’il faut reconnaitre que l’on ne comprend pas toujours les tenants et les aboutissants d’un récit très décousu autour d’une statuette en cristal rendue à la vie et quelques sectes d’assassins qui se tirent dans les pattes, l’accumulation constante de concepts pulp, comme cette caverne bourrée de pièges entre Indiana Jones et les jeux vidéo, et de combats bondissants où les épées prennent feu grâce à la puissance du soleil, finissent forcément par faire tomber les résistances cartésiennes. On pense ici souvent aux films du camarade Tony Liu (Bastard Swordman, Demon of the Lute) mais en plus énervé, en plus déviant… parfois même pas si loin des futurs titre de la Catégorie III.
Image
Comme tous les éditeurs du monde, Spectrum Films a accès aux masters HD fournis par Celestial Picutres qui avait entrepris une vaste et couteuse restauration de l’intégralité du catalogue de la Shaw Brothers au début des années 2000. Les trois films en présence attestent du sérieux et du soin apporté à ce travail, offrant à nouveau des cadres parfaitement nettoyés et stabilisés et des couleurs fidèles aux volontés initiales. Les prestations sont lumineuses et pimpantes, célébrant tous les excès visuels du studio, mais ne peuvent totalement cacher non plus les petites limites de restaurations « ancienne génération » avec une définition toujours un poil douce et des séquences sombres parfois presque laiteuses et marquées par l’apparition d’amas d’artefacts.
Son
Vénérable Shaw Brothers oblige, ce sont les pistes Mandarin qui dominent jusqu’au plus tardifs Portrait in Crystal où l’option cantonaise apparait. Dans tous les cas les pistes sont proposées en DTS HD Master Audio 2.0 et offrent des prestations tout à fait satisfaisantes avec un son clair et efficace sans de perditions notables.
Interactivité
Répartis sur trois bluray distincts, remisés dans un boitier scanavo triple (avec fourreau cartonné en prime), les films sont tous accompagnés en premier lieu de leurs indispensables présentations signées Arnaud Lanuque. Comme toujours l’intervenant s’efforce de replacer les films dans leurs contextes (ici celui des évolutions de la Shaw mais aussi des modes du cinéma HK), de conter les grandes lignes de la filmographie du réalisateur, de souligner la présence des grandes stars ou particularités des métrages et de délivrer quelques clefs culturelles (par exemple les sources littéraires) pour mieux appréhender le métrage.
On retrouve aussi un autre grand habitué de Spectrum Films, Frédéric Ambroisine qui se fend pour Portrait in crystal d’un long portrait, plus historique que stylistique, du réalisateur Hua Shan, et pour Legend of the Fox d’une grande interview de l’acteur Chin Siu-Ho qui y revient brièvement sur ses débuts puis beaucoup plus largement sur ses souvenirs de tournage et sa collaboration avec Chang Che. Enfin sur The Bells of Death il es aussi possible de visionner le film accompagné du commentaire audio très documenté du critique anglais James Mudge ou de retracer le cinéma très méconnu de Griffin Yueh Feng grâce à l’intervention du passionné Paul Fonoroff, critique qui fait depuis longtemps autorité à Hong-Kong.
Liste des bonus
The Bells of Death : Commentaire audio de James Mudge, Griffin Yueh Feng par Paul Fonoroff (17’), Présentation d’Arnaud Lanuque (12’).
Legend of the Fox : Présentation d’Arnaud Lanuque (12’), Interview de Chin Siu-Ho (21’), Bande annonce.
Portrait in Crystal : Présentation d’Arnaud Lanuque (9’), Le cinéma fou de Hua Shan par Frédéric Ambroisine (11’), Bande annonce.