PORTIER DE NUIT
Il Portiere di notte – Italie – 1974
Support : Bluray
Genre : Drame, Histoire
Réalisateur : Liliana Cavani
Acteurs : Dirk Bogarde, Charlotte Rampling, Philippe Leroy, Gabriele Ferzetti, Isa Miranda…
Musique : Daniele Paris
Durée : 113 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 4 juin 2024
LE PITCH
Vienne, 1957. Max travaille comme portier de nuit dans un grand hôtel. Un jour débarque Lucia, en voyage avec son mari chef d’orchestre. Lorsque leurs regards se croisent, les souvenirs remontent immédiatement à la surface : ancien officier S.S., Max a entretenu avec Lucia une relation sadomasochiste alors qu’elle était prisonnière dans un camp de concentration. Entre l’ancien bourreau et sa victime, la passion va bientôt ressurgir…
Tous les chats sont verts de gris
Énorme scandale dans la plupart des pays où il fut projeté. Retiré des salles en Italie, classé X aux USA, Le Portier de nuit fait partie de ces films à scandale qui aura nourri des pages et des pages de débats dans Les Cahiers du cinéma et autres revue cinéphiles. 50 ans après sa sortie pas sûr qu’il provoque encore la même émotion.
Documentariste reconnue pour son travail de témoignage et de reconnaissance de l’Holocauste, Liliana Cavani (La Peau, Berlin Affair) a marqué les esprits à la fin des années 60 par la justesse de son montage et une recherche constante d’objectivité. Des années de recherche autour du 3eme Reich et les origines du fascisme qui vont devenir la masse nourricière d’un long métrage de fiction bien plus subjectif : Portier de nuit. Un drame qui au premier abord semble s’intéresser aux retrouvailles effroyables entre un ancien général Nazi repentit et reconvertit en maitre d’hôtel, et l’une de ses victimes. Leurs regards se croisent, et la réalisatrice accompagne leur trouble, voir leurs peurs respectives, par des flashbacks qui amènent peu à peu au revirement du film : si l’une était effectivement la victime de l’un, ils étaient aussi amant. Et cette passion mortifère, pas très loin du syndrome de Stockholm, nourrie plus ou moins de pulsions sadomasochistes, de renaitre au grand dam d’un groupe d’ex-nazi travaillant à l’oubli total de leurs agissements. Le couple se referme sur lui-même moins par peur que par besoin de s’autodétruire.
La jeune fille et la mort
Cavani filme là une déconstruction appliquée, presque médicale, des fonctionnements de l’être dans la société fasciste, de la nature humaine mise à nue. Comme elle l’exprime dans ses interviews : les uns deviennent les bourreaux, les autres les victimes, mais ce n’est que dans certaines conditions particulières que ces traits se révèlent. L’idée justement de montrer cela sous la forme d’une force sexuelle (qui aboutira involontairement d’ailleurs à l’avènement de la nazisploitation), d’une dépendance tragique est sans doute ce qu’il y a de plus impressionnant dans le film. Sans doute plus justement que sa mise en scène, soignée, élégante, mais aussi froide, voir glaciale, et incapable de faire vivre au spectateur cette flamme qui touche au sordide. Pas de quoi le troubler donc, lui qui reste constamment à distance… à distance de dialogues verbeux et trop écrits, d’une mise en scène qui tombe dans la démonstration, d’une photographie verdâtre rappelant les couleurs préférés des SS, ou des yeux bleu iceberg d’une Charlotte Rampling magistrale… Mais que l’on ne connait pas vraiment pour sa capacité à communiquer avec l’autre coté de l’écran.
Une analyse chirurgicale donc, qui peut s’avérer particulièrement intéressante et respectable, mais qui à force de cérébralité poussive, devient repoussante.
Image
Après des années de quasi-invisibilité et de transferts épuisés, le film avait connu une première renaissance il y a une petite quinzaine d’année grâce à une première restauration numérique. Le master présenté ici est totalement inédit en France, car reconstitué à partir d’un scan 4K des négatifs originaux. Réétalonné (et donc moins monochrome qu’autrefois), restabilisé, rééquilibré, le film retrouve surtout une intensité plus profonde grâce à une définition d’une grande finesse et une forte profondeur qui s’appuie élégamment sur le grain organique de la pellicule et sur ses argentiques. Superbe.
Son
La version originale anglaise et la version doublée français sont désormais disponibles dans des DTS HD Master Audio qui préservent les sensations monos initiales. Mais bien entendu avec une clarté et un équilibre beaucoup plus ferme qu’autrefois. Les petits défauts des années (chuintement, saturations…) ont été joliment gommées pour un résultat toujours aussi frontal, mais plus confortable que jamais.
Interactivité
Autrefois distribué en vidéo par Wild Side, Portier de nuit passe désormais entre les mains de Carlotta Films. Un peu dommage tout de même de perdre en cours de route le terrible film documentaire La Femme dans la résistance dont la préparation avait effectivement nourrie la gestation du film en question. Heureusement la nouvelle interview de la réalisatrice (uniquement en audio) revient longuement sur ses recherches documentaires, avant de revenir sur la trame et les thèmes de Portier de nuit, sur l’ambiguïté recherchée et le regard porté sur l’un des moments les plus terribles de notre histoire. Elle évoque aussi sa rencontre avec Rampling, ses relations avec ses acteurs, avant de s’amuser comme à chaque fois de la réception du film par les différents publics européens et par la censure.
Cette rencontre est complétée par celle enregistrée avec Charlotte Rampling qui avoue son intérêt constant pour les projets compliqués de ce type, fouillant la part sombre de l’âme humaine, donnant naissance à des personnages complexes. Au-delà de son respect toujours aussi évident pour le film, elle revient aussi beaucoup sur son admiration pour son partenaire Dirk Bogarde et l’intensité de leurs nombreuses scènes communes.
Liste des bonus
« Le Portier de nuit » : Entretien avec Liliana Cavani (37’), « La Réalité des émotions » : Entretien avec Charlotte Rampling (30’), Bande-annonce italienne.