PLANÈTE B

France, Belgique – 2024
Support : Bluray
Genre : Science-fiction, Action
Réalisateur : Aude Léa Rapin
Acteurs : Adèle Exarchopoulos, Souheila Yacoub, Eliane Umuhire, India Hair, Marc Barbé, Paul Beaurepaire…
Musique : Bertrand Bonello
Durée : 118 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 5.1, Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Aucun
Editeur : Le Pacte
Date de sortie : 7 mai 2025
LE PITCH
France, 2039. Une nuit, des activistes traqués par l’Etat, disparaissent sans laisser aucune trace. Julia Bombarth se trouve parmi eux. A son réveil, elle se découvre enfermée dans un monde totalement inconnu : Planète B.
Ghost in the shell
Un film de science-fiction dystopique français, c’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de poser les yeux dessus. C’est pourtant le programme ambitieux proposé par la réalisatrice Aude Léa Rapin avec Planète B, un récit volontaire et engagé qui ressemble néanmoins à un gros ratage…
Né de l’esprit de sa réalisatrice et scénariste Aude Léa Rapin, Planète B, comme son titre semble l’indiquer, a la volonté affichée d’offrir une proposition de science-fiction dystopique à la française. Un challenge louable mais ardu, et qui ne saurait aboutir automatiquement à un échec si les moyens employés et surtout l’inspiration, l’esprit d’adaptation et de débrouillardise suivent. Le film plante son décor dans un avenir proche qui emprunte largement à la réalité actuelle. On y découvre une France sécuritaire, dont l’État policier utilise toutes les technologies à sa portée pour faire régner l’ordre. Quitte à tomber dans des excès de violence… Le personnage interprété par Adèle Exarchopoulos, Julia, fait partie d’un groupuscule d’activistes bien décidés à emmerder le pouvoir et la dictature en place. Suite à une opération qui vire au fiasco, elle est blessée, interpelée et incarcérée… dans une étrange prison. Elle se réveille aux côtés d’autres camarades, eux aussi survivants, dans un endroit en apparence idyllique, en bord de mer et ensoleillé, en contraste avec la grisaille parisienne. Le lieu se révèle être une prison virtuelle, au sein duquel les protagonistes vont être soumis à des tortures psychologiques de plus en plus létales. Cette première couche de récit est accompagnée d’une autre strate, qui suit en parallèle une autre protagoniste féminine, Nour, une migrante (Souheila Yacoub) sur le point de se faire expulser et qui doit s’employer par tous les moyens à s’acheter une légitimité de rester. Le lien entre les deux trames intervient par l’intermédiaire d’un objet, un casque de réalité virtuelle appartenant à l’armée, sur lequel Nour met la main, et qui lui permet de se plonger dans la « réalité » alternative des prisonniers pour finalement leur venir en aide, telle un fantôme dans la machine. De ce pitch au demeurant très ambitieux sur le papier, tant en termes narratifs et thématiques que formels, Aude Léa Rapin assume d’en faire un film de SF qui se situerait quelque part entre Ready Player One de Spielberg et Les Fils de l’Homme d’Alfonso Cuaron. Une note d’intention haut de gamme que le film, malheureusement, ne parvient jamais à faire exister. Si les ambitions sont louables, si la volonté de proposer un film en écho à la réalité actuelle des dérives sécuritaires françaises, est audacieux, le tout avec la motivation d’un enrobage qui pourrait assurer un statut de film d’entertainment populaire, force est de constater que Planète B est bien bien bien loin de tout ça…
Planète balbutiante
Il ne faut pas longtemps pour rappeler que les meilleures intentions ne suffisent pas à concrétiser de bons films. Aussi élevée et sincère que soit l’ambition d’Aude Léa Rupin, la cinéaste, à qui l’on doit jusqu’alors des courts-métrages remarqués (Que vive l’Empereur) et un premier long-métrage (Les héros ne meurent jamais, en 2019), n’a jamais les épaules ni l’inspiration pour ne serait-ce qu’espérer approcher ses modèles. Le film traîne ainsi ses nombreux défauts comme des boulets… L’interprétation est défaillante à tous les étages, à commencer par sa tête d’affiche, Adèle Exarchopoulos qui surjoue son habituel personnage brut de décoffrage. Tous les seconds rôles, globalement mal dirigés, n’existent jamais. Marc Barbé (Paris Police 1900) n’a rien à jouer, l’habituellement excellente India Hair (Mandibules) est en surrégime permanent, et les seconds rôles s’agitent vainement à l’arrière-plan, créant des situations de comique bien involontaires et très souvent ridicules… Seule Souheila Yacoub (Climax, Dune) se démène comme elle peut dans la peau d’une migrante investie d’une mission qui la dépasse… La mise en scène d’Aude Léa Rapin manque d’ampleur et n’a pas grand-chose à proposer, si ce n’est d’interminables scènes de dialogues filmées en champs/contrechamps rapprochés. Une approche limitée qui ne s’extrait jamais des standards télévisuels. Dès lors, on n’accroche pas vraiment à cet univers, auquel on ne croit jamais, car il peine à se déployer, composé qu’il est de trois/quatre décors intérieurs et un bout de rue parisienne fréquentée par des SDF et des CRS en pleine charge. De même, quelques drones dans le ciel et deux trois néons sont sensés donner l’illusion d’un futur proche. La prison virtuelle, limitée à une villa en bord de falaise, cloisonnée par des murs invisibles, n’est pas mieux exploitée et achève de faire de Planète B un terrain de jeu bien trop étriqué pour l’ampleur affichée de son récit. Le film se prend les pieds dans le tapis d’un budget qu’on devine serré, trop pour l’ambition de la cinéaste, ce qui peut en partie expliquer le résultat. Enfin, le film souffre d’une durée de deux heures bien trop longues pour son propre bien alors que son pitch de série B l’aurait assurément vu trouver meilleur timing dans un récit resserré de 1h30, voire d’un court-métrage.
Dès lors, handicapé par un manque total de souffle, de tension, avec une direction artistique qui tente mais n’a pas les moyens de ses ambitions, une mise en forme trop timorée, une lumière quelconque et une interprétation brinquebalante, Planète B se rate sur à peu près tous les plans. Les bonnes intentions initiales sont noyées sous des couches de maladresses dans l’exécution pour livrer un résultat finalement assez catastrophique, qui rend même pénible la vision de l’ensemble. Tout juste sauvera-t-on le concept initial, qui partait effectivement d’une idée assez sympa. Mais le film se perd dans son discours politique et social. On aimerait voir le verre à moitié plein et célébrer l’audace du projet, mais l’exécution finit d’alimenter la déception d’un film qu’on aurait aimé défendre.
Image
Le Bluray du film ne transige pas sur la qualité de son image, partagée essentiellement entre deux ambiances : les couleurs froides du monde réel et les teintes plus chaleureuses de la réalité virtuelle. Les contrastes sont particulièrement convaincants lors des séquences sombres alors que la vivacité des couleurs s’avère exemplaire. On est sur un très bon niveau de détail et techniquement, il n’y a pas grand-chose à reprocher à cette édition sur le plan visuel.
Son
Au niveau du son, la piste DTS HD Master Audio 5.1 s’avère riche, bien répartie et assez immersive. L’univers du film trouve d’ailleurs matière à s’assumer en tant que tel par ses sonorités hors-champ, bien plus travaillées que le visuel, avec un sound design assez poussé qui trouve ici un bel écrin.
Interactivité
Un entretien avec la réalisatrice et ses deux comédiennes principales revient avec un franc parler sympathique et notable sur les origines du projet et l’implication de chacune. L’honnêteté qui se dégage de ces échanges rend d’autant plus dommageable le sentiment de ratage total du film. Bon point à mettre au crédit de l’éditeur, on peut également découvrir le court-métrage d’Aude Léa Rapin : Que vive l’Empereur.
Liste des bonus
Entretien avec Adèle Exarchopoulos, Souheila Yacoub et Aude Léa Rapin (16’) ; Court métrage : « Que vive l’Empereur » de Aude Léa Rapin (26’).