PIXOTE, LA LOI DU PLUS FAIBLE
Pixote : A Lei do Mais Fraco – Brésil – 1981
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Héctor Babenco
Acteurs : Fernando Ramos Da Silva, Jorge Juliào, Gilberto Moura, Edilson Lino, Zenildo Oliveira Santos…
Musique : John Neschling
Image : 1.85 16/9
Son : Portugais et français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 127 minutes
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 17 septembre 2024
LE PITCH
Livrée à la misère, une bande de gamins erre dans les rues de São Paulo, multipliant les petits larcins. Jusqu’au jour où la police débarque pour effectuer une grande rafle et emmène les jeunes vers des centres de redressement. Pixote est l’un de ces enfants. La première nuit de son séjour, marquée par le viol d’un de ses camarades d’infortune, constitue le début d’une longue suite de brimades…
Enfant des rues
Véritable film coup de poing du début des années 80 envoyant à la face du monde l’état de délabrement inquiétant du Brésil et la déchéance de sa jeunesse perdue entre favelas et maisons de redressement. Un film cru, violent, troublant et sans artifices d’où émerge la figure d’un gosse, Pixote donc, dont les rares moments de bonheurs s’attrapent en sniffant de la colle.
Très vite rattaché par la critique de l’époque à l’incontournable Los Olvidados de Luis Bunuel par son récit d’une enfance criminelle née face à un monde adulte totalement désintéressé, Pixote aurait finalement plus à voir avec la vague de films de truands adolescents en provenance d’Espagne : le cinéma Quinqui. Ne serait-ce justement que par cette volonté d’incarner le film par de véritable gosses des rues, assurant une intensité et une authenticité inédites dans le jeu et le regard sur la triste réalité. Troublant, le jeune interprète de Pixote, Fernando Ramos Da Silva, connaitra d’ailleurs le même triste destin que ses homologue ibériques, abattu par la police à 19 ans dans des circonstances au demeurant assez suspectes. Comme son personnage (dont il tenta longtemps de se détacher), l’acteur n’aura ainsi jamais réussi à s’extirper du monde dangereux de la rue et d’une carrière de petit criminel forcément mortifère. C’est là tout le propos du film qui suit pas à pas un groupe de gamins en premier lieu enfermés dans une maison de redressement, suspectés de la mort d’un vieil homme qu’ils auraient voulu braquer, et qui se retrouvent confronté aux représentants d’un état dit adulte. Des figures surtout surtout inhumaines, abusives, multipliant les passages à tabacs, les séquestrations et les privations arbitraires et n’hésitant pas à livrer les petits suspects à une police brutale allant jusqu’à l’exécution pure et simple.
Les évadés
Un vrai film de prison, tourné avec nervosité, sécheresse, simplicité et justesse, baignant ses personnages dans une lumière froide et une pellicule granuleuse au possible et qui réussit malgré le sordide de certaines descriptions (dont un viol nocturne entre jeunes) à éviter toute forme de voyeurisme ou de gratuité. C’est qu’au-delà de l’horreur de cette vie imposée à des enfants et des ados, le réalisateur Héctor Babenco (il signera par la suite Le Baiser de la femme-araignée et Ironweed aux USA) qui venait du documentaire, capte admirablement ce contraste entre la cruauté du monde réel et l’innocence qui s’efforce de persister malgré tout. Par quelques jeux où se confondent justement le fantasme d’un braquage réel avec une simple mise en scènes des policiers et des voleurs, par ce constant besoin de reconstituer l’image d’une famille ou par ces quelques instants volés devant les premiers images d’une femme nue ou les évasions permises par la drogue. Mais même la liberté retrouvée et les bras temporaires d’une figure maternelle (Sueli, prostituée toute aussi paumée que la petite bande) ne peut promettre des jours meilleurs. La balade entre trafiques de drogues, vols à la tire, braquages de clients le pantalon baissé et abrutissement devant la télé, ne peut que donner lieu à un étiolement progressif de la cohésion du groupe, sans véritable figure adulte pour les guider sur le bon chemin.
Un constat sans appel, dramatique et sans solution, abandonnant le pauvre Pixote seul sur des rails d’une voie ferrée l’emmenant tout droit vers un destin déjà écrit, l’image se confondant de manière frappante avec le drame qui attend son interprète. Toujours aussi fort et déchirant 40 ans après.
Image
Nouvelle preuve du grand soin apporté à son catalogue par le World Cinema Project, Pixote fait figure de miraculé, lui qui vivotait depuis des années avec une sources très abimée et envahie de taches de décoloration. A partir d’un tout nouveau scan 4K du négatif et d’un internégatif afin de combler les photogrammes manquants ou irrémédiablement marquées, les restaurateurs ont effectué un travail remarquable, précis, solide et impressionnant. Une résurrection qui préserve le grain épais et profond, mais assure une image d’une limpidité et d’une propreté inédite, retrouvant des teintes contrastées et naturelles et développant une définition irréprochable.
Son
La bande sonore avait elle aussi été profondément marqué par une mauvaise conservation et subissait certains segments tout simplement inaudibles. Après avoir miraculeusement remis la main sur la bande magnétique d’origine, le labo a pu lui redonner un vrai coup de jeune et surtout en redéployer toute la richesse, en particulier dans les scènes de rues fourmillant de détails sonores. Le DTS HD Master Audio de la version originale est ainsi idéal.
L’édition française de Carlotta propose aussi le doublage français d’origine, jamais totalement convaincant à cause des voix des enfants qui ne retrouvent pas la sincérité initiale, et qui ne peut de toute façon pas totalement retrouver un mono aussi généreux.
Interactivité
La section bonus parrait un peu courte avec cependant la très touchante présentation du film par Martin Scorsese et l’introduction très informative effectuée par le réalisateur Hector Babenco pour la diffusion du film à l’international.
Manque ici tout de même quelques documents (interviews, archives…) ou une présentation critique pour replacer le film dans son époque et revenir sur son étonnante carrière.
Liste des bonus
Introduction de Martin Scorsese (3’), Prologue (2’), Bande-annonce originale.