PIRANHAS
Piranha – Etats-Unis – 1978
Support : Bluray
Genre : Horreur, Comédie
Réalisateur : Joe Dante
Acteurs : Bradford Dillman, Heather Menzies, Kevin McCarthy, Keenan Wynn, Barbara Steele, Dick Miller…
Musique : Pino Donaggio
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français LCPM 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 94 minutes
Éditeur : BQHL Editions
Date de sortie : 16 novembre 2023
LE PITCH
Lors d’une soirée au clair de lune, deux amoureux prennent un bain de minuit dans les eaux calmes d’un lac perdu, sans savoir qu’ils vont être le prochain repas d’un banc de piranhas affamés et féroces. Ces mangeurs d’hommes ont été génétiquement modifiés lors d’une expérience gouvernementale top secret. Mais le pire reste à venir… car ces milliers de poissons voraces se dirigent maintenant vers les berges d’une station balnéaire…
Petits mais costauds
Le cinéma américain est une usine, une machine à rêve comme elle aime tant se vanter, et qui à la dont et le travers de reproduire jusqu’à la nausée les formules qui marchent. Avant d’être remaké avec talent par Alexandre Aja puis avec beaucoup moins de talent dans le très beauf Piranha 3DD, Piranhas premier du nom était déjà un démarquage volontairement peu discret des Dents de la mer de Steven Spielberg.
Toujours malin et attiré par la publicité facile, le producteur Roger Corman ne se doutait sans doute pas que sa petite production refourguée à un jeune réalisateur maison (emprisonné dans la salle de montage pour produire des trailers à la pelle) allait devenir culte à son tour. C’est que parmi la pléthore de futurs grands cinéastes qui sont passés et passeront par l’écurie Corman (Coppola, James Cameron…), Joe Dante est clairement celui qui y semble le plus à l’aise, embrassant à merveille les pulsions popcorn, les angles les plus exploitation du genre, tout en profitant de la liberté totale laissée à ceux qui savent tenir un budget et des délais. Déjà son Hollywood Boulevard s’amusait cordialement de son propre système d’exploitation (le cinéma de Drive Inn), mais clairement Piranhas place la barre beaucoup plus haute. En premier lieu parce que le cinéma de Dante est clairement en train de naitre, plaçant admirablement quelques références amusées (Les Dents de la mer bien entendu, mais aussi Citizen Kane, La Créature du Lagon noir…), réutilisant quelques légendes du cinéma d’horreur / science-fiction comme Kevin McCarthy, Barbara Steele ou son acteur fétiche Dick Miller (qui est présent dans TOUTE sa filmo), non pas pour jouer les petits malins postmodernistes, mais pour décaler son métrage vers un ailleurs, celui d’un cinéma de gosse où l’on aime se faire peur et où toutes les irrévérences sont possibles.
« Mais, ils mangent les clients !»
Du cinéma bricolé et choyé avec amour, qui réussit à faire fit d’un budget forcément limité en livrant des piranhas extrêmement réussis car discret et habilement porté par des effets de montage et qui n’hésite pas à profiter de la présence de Phil Tippett dans le coin pour s’offrir un hommage aussi futile que touchant à la stop-motion de Ray Harryhausen. Entre naïveté et férocité, Piranhas réussit tous ses coups de poker alignant un nombre de victimes incroyable (dont quelques bambins aux fesses grignotées méchamment) et surligne toutes les qualités du futur cinéma de son maitre d’œuvre : ici le spectateur entrevoit clairement le génie de Gremlins, L’Aventure intérieure, Panique su Florida Beach et même des essais comme The Second Civil War ou son premier épisode pour l’anthologie Masters of Horror, Homecoming. C’est que sous gouverne d’une presque parodie de Jaws, d’une farce hilarante d’une vision colorée et proprette de l’Amérique (la colonie de vacances, le parc d’attraction fauché), Dante bâtit une œuvre profondément antimilitariste, fustigeant une culture guerrière et amorale en pleine guerre froide. James Cameron (qui signa en partie Piranhas 2 d’ailleurs) aura son Aliens, Joe Dante lui fait de Piranhas un authentique film de guerre où des scientifiques gradés n’hésitent pas à considérer quelques gamins dévorés sur leurs bouées comme de pauvres victimes collatérales relativement négligeables, bien plus offusqué qu’ils sont par la mauvaise pub que pourrait leur faire un reportage au journal télévisé dans une séquence finale rappelant curieusement celle du charnier de La Déchirure. Medias, militaires, beaufs, monstres et petites gens… Tout est déjà là, et ce Piranhas n’a pas perdu de son mordant.
Image
Alors qu’une édition 4K est disponible depuis l’année dernière aux USA, BQHL revient avec un nouveau Bluray proposant toujours la précédente copie vue il y a une dizaine d’année chez Carlotta Films. Un master 2K méritant mais un poil daté malgré une première restauration évidente avec des couleurs assez stables, des contrastes bien présents et un piqué qui profite clairement d’un 1080p des plus honnêtes. Si on est heureusement très loin des anciennes sorties DVD (ou pire), quelques taches, deux ou trois rayures sont encore bien visibles, mais c’est surtout le grain qui peut se révéler terriblement envahissant à certaines occasions. Quelques plans flous (sur l’actrice principale) décochent un peu, tout comme les noirs de la séquence dans le chalet de Crogan ont tendance à tirer vers un verdâtre grisonnant. Imparfait donc, mais tout de même largement recommandable pour un film de ce type.
Son
Mono d’origine en version anglaise et française, mais remasterisé en LPCM 2.0. Cela permet d’éviter un aspect lourdaud des pistes fatigués d’origines, mais cela reste tout de même un travail d’époque, pas toujours parfaitement mixé, laissant entendre par exemples quelques effets qui se marchent sur les pieds ou des dialogues qui sentent la prise directe mal maitrisé. Une fois encore cela reste dû à la nature même du film. Heureusement le son si particulier de ces chers piranhas est toujours aussi percutant.
Interactivité
La première édition HD française du film étant épuisée depuis belle lurette (et vendue à prix exorbitant par les profiteurs), BQHL vient pour combler le vide avec une nouvelle édition, assurant déjà un tarif bien plus abordable.
Cette ressortie se fait malheureusement au prix d’une long documentaire rétrospectif et des rushes de tournages ici disparus et qui rejoignent alors la pléthore de suppléments US qui nous restent interdits. Seule compensation, une présentation du film par Rafik Djoumi (Capture Mag et plein d’autres trucs) heureusement tout à fait efficace et informative qui retrace avec décontraction la création du film, la méthode Corman, les débuts de Joe Dante et les trouvailles des effets spéciaux, toujours aussi convaincants aujourd’hui. Ceux qui découvriront le film pour la première fois ne repartiront pas totalement les mains vides.
Liste des bonus
Présentation exclusive du film par le journaliste Rafik Djoumi (34’).