PIQUE-NIQUE À HANGING ROCK
Picnic at Hanging Rock – Australie – 1975
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Fantastique
Réalisateur : Peter Weir
Acteurs : Rachel Roberts, Vivean Gray, Helen Morse, Kirsty Child, Tony Llewellyn-Jones, Jacki Weaver, Frank Gunnell
Musique : Bruce Smeaton, Divers
Image : 1.66 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 5.1 et français DTS HD Master Audio2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 108 minutes
Éditeur : ESC Distribution
Date de sortie : 19 juillet 2023
LE PITCH
En Australie, Hanging Rock est une montagne sacrée, autrefois lieu de culte des aborigènes. Le 14 février 1900, les élèves d’une école de jeunes filles y partent en excursion afin de pique-niquer. Une fois sur place, plusieurs d’entre elles sont comme étrangement attirées par les rochers. Trois des élèves, accompagnées d’une professeure, s’engouffrent dans les passages dessinés par les monolithes. C’est au retour à l’école que l’on se rend compte que les quatre jeunes femmes manquent à l’appel. Des battues sont organisées pour les retrouver ; la police enquête. L’une d’entre elles est bientôt retrouvée, totalement amnésique…
En l’absence des jeunes filles en fleurs
Pique-nique à Hanging Rock est une double révélation. Celle du talent aujourd’hui jamais démenti d’un alors bien jeune Peter Weir (The Truman Show, Witness, Le Cercle des poètes disparus…) et celui, pour beaucoup, de l’existence d’un véritable cinéma australien. Le fameux point de départ de l’Ozploitation, mais aussi une œuvre qui continue de hanter les spectateurs des heures et des années plus tard. Un voyage touché par la grâce.
Dès son premier plan générique, Pique-Nique à Hanging Rock annonce plus ou moins tout ce qui nourrira les grands films australiens : la confrontation à une terre ancienne, païenne et magique. Une image du bush, sobre et sauvage, et cette concrétion volcanique, le Hanging Rock, qui semble y apparaitre presque comme par « magie ». Imposant, puissant, mais déjà insaisissable. Mais ce qui parait le plus incongru dans ce tableau, cela va bien entendu être la venue des jeunes filles et de leurs professeurs, joyeuse échappée pour ces membres d’une institution tirée à quatre épingle et modèle de la culture du grand mondevictorienne. Dans la torpeur généralisée, dans un micro-monde hors du temps, à l’ombre de cet ancien lieu de culte aborigène, quatre d’entre elles vont partir en exploration, se perdre et disparaitre. Adapté d’un roman extrêmement populaire en Australie et vaguement inspiré par divers faits divers locaux (et non « une histoire vraie » comme cela fut longtemps véhiculé), Pique-nique à Hanging Rock ne fascinera jamais autant que sa première grande demi-heure inondée de lumières chaudes, baignée d’étoffes à la blancheur virginale et d’une photo mordorée où la flute de pan de Gheorghe Zamfir (Il était une fois en Amérique) semble constamment attirer les esprits vers un ailleurs libre et primitif, sensuel et inquiétant.
Pure
L’image évanescente de chrysalides prêtent à se transformer en papillon, retirant dans un élan presque tribal, corset et bas noirs, reste définitivement imprimée sur la rétine faisant écho tout autant à la lente transformation de Jenny Agutter dans le tout aussi sublime Walkabout de Nicholas Roeg qu’au plus lointain, mais définitivement féminin, Virgin Suicides de Sofia Coppola (qui lui doit définitivement beaucoup). Comme une autre tentative de capturer l’impalpable, le mystère de la disparition renvoyant directement à celui du mystère féminin, objet de fantasmes et d’oppressions. La force du film de Peter Weir est alors de ne jamais s’éloigner de l’acte initial et d’en faire une authentique obsession thématique et picturale qui va peu à peu contaminer et transformer les proches de l’école pour jeunes filles et les témoins masculins, ne pouvant se résoudre à l’insoluble et à cette idée de l’incompréhensible. Un vide qui provoque le chaos autour de lui, qui accentue les mélancolies, mais aussi les bouffées de chaleurs, comme des pulsions d’émotions trop longtemps réprimées. Comme souvent Peter Weir conte l’histoire d’une émancipation, de l’échappée d’un cadre sociétal fermé, où son onirisme éprouvée et sublime, vient souligner avec plus de cruauté encore le fossé qui sépare l’essence des terres et mythes australiens avec le code guindé, ordonné et cartésiens des colons victoriens en terres conquises. Personne ne saura jamais ce qu’il est véritablement advenu des filles disparues à Hanging Rock… et sans doute que cela les arrange.
Image
Apparu cette même année chez les voisins de Second Sight, ce tout nouveau master a été obtenu à partir d’un scan 4K des négatifs originaux et un réétalonnage HDR opéré sous la supervision de Peter Weir et son directeur photo Russell Boyd. De quoi assurer un respect total de l’œuvre originale et un travail de restauration extrêmement minutieux, mais qui octroie ici quelques surprises pas forcément toutes très bonnes. Si effectivement l’image est extrêmement propre, lumineuse, précise et richement colorée, elle est aussi constamment marquée par un travail de dégrainage, un aspect patiné qui fait disparaitre très souvent le grain de l’image pour un résultat loin d’être aussi organique qu’attendu, pour mieux le faire réapparaitre plus loin mais de manière assez artificielle. Et c’est justement particulièrement notable sur le disque UHD qui effectivement ne laisse rien passer. Bien meilleur que les anciennes copies certainement, mais on pouvait être en droit de s’attendre à mieux.
Son
Si le film garde sa petite piste mono d’origine, avec un DTS HD Master Audio plus net tout de même, la version originale se dote désormais d’un DTS HD Master Audio 5.1 légèrement plus ample et qui souligne forcément un peu plus les éléments magiques et tragiques des séquences en pleines nature. Quelques effets dynamiques, mais qui restent tout de même plutôt rares et discrets, restant au plus proche des sensations frontales d’origines sans se perdre dans d’un modernisme déplaisant.
Interactivité
Il faut forcément faire son deuil de la superbe édition anglaise de Second Sight qui dans un coffret élégant et imposant propose le roman de Joan Lindsay, les deux montages du film, un making of de près de deux heures et des interviews inédites.
Le film n’a pas forcément le même potentiel commercial en France et ESC se rabat donc uniquement sur le montage Director’s Cut (soit réduit de quelques plans et légèrement resserré) et une proposition éditoriale plus sobre. Cela ne veut pas dire que l’édition est vide, puisqu’elle comprend tout de même un petit making of d’époque, relativement rare, autant intéressé par le tournage du film (avec des interviews de Peter Weir et de certains acteurs et actrices) que par ses origines littéraires avec la participation de la romancière en personne. Un peu convenu dans la forme, mais assez intéressant tout de même pour comprendre la porte de cette « légende » en Australie. On trouve aussi un petit comparatif hier / aujourd’hui des lieux de tournages, une présentation enthousiaste de Bernard Bories (Festival des antipodes) et une présentation assez anecdotique d’une projection du film par Mati Diop (Atlantique, Mille Soleils) lors d’une séance carte blanche de L’Étrange Festival.
Le segment le plus important et le plus intéressant reste cependant l’interview très complète d’Olivier Père (Arte) qui offre effectivement un regard extrêmement pointu sur le film, ses origines, son esthétique, ses particularités, ses thèmes et son impact sur le cinéma australien et mondial. Passionnant.
Liste des bonus
Présentation du film par Bernard Bories, Directeur du Festival des Antipodes (4’20”), « Le Dernier Jour de la Saint-Valentin » : entretien avec Olivier Père (2021, 36’58”), Présentation publique par Mati Diop (réalisatrice) lors de sa carte blanche à l’Étrange festival en 2019 (11’56”), « A recollection – Hanging Rock 1900 » (1975, 25’55”, VOST), « Hanging Rock et Martindale Hall » : hier et aujourd’hui (5’42”), Bande-annonce d’origine (4’55”, VO).