PERVERSION STORY

Una sull’altra – Italie, France, Espagne – 1969
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Lucio Fulci
Acteurs : Jean Sorel, Marisa Mell, Elsa Martinelli, Alberto de Mendoza, John Ireland…
Musique : Riz Ortolani
Durée : 108 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais, Italien et français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 24 novembre 2020
LE PITCH
À la fin des années 1960, à San Francisco, George Dumurrier dirige une clinique de luxe avec la collaboration de son frère, Henry. La femme de George, Susan, gravement malade, décède subitement, laissant une assurance-vie de deux millions de dollars à son mari. La société d’assurance décide de mener une enquête. Sa liaison avec Jane, une photographe, son intérêt pour une strip-teaseuse ressemblant à s’y méprendre à sa défunte épouse et d’importantes dettes font de George un coupable idéal…
Le corps de mon ennemie
Attendu de pied ferme par les fans du cinéaste Lucio Fulci, le retour en grâce de Perversion Story projeté en salles dans le cadre d’une rétrospective Lucio Fulci Poète du macabre en 2019 puis distribué sous la forme d’un premier Bluray en tirage trop limité en avril 2020, permet effectivement d’observer le point pivot d’un cinéma élégant, mais déjà contaminé par la mort.
En 1969 Lucio Fulci est depuis longtemps un artisan largement installé et apprécié dans l’industrie italienne, mais essentiellement pour ses grosses comédies plus ou moins lourdes, plus ou moins sexy, mais en tout cas purement italiennes. Et Perversion Story tranche drastiquement avec cette première partie de carrière en se rapprochant dangereusement des thrillers italiens de l’époque, giallo de première génération encore très proche du Krimi allemand, et donc en concoctant un complot machiavélique avec son coscénariste Roberto Gianviti qui restera présent sur les variations du genre suivantes : Le Venin de la peur, La Longue Nuit de l’exorcisme et L’Emmurée vivante. Une sombre histoire d’argent, d’héritage et de couple infidèle, comme toujours, qui laisse la police à la traîne, comme toujours, et va s’efforcer de brouiller les pistes pour pousser le bouc émissaire, Jean Sorel vers l’inextricable. Les indices, fausses pistes et les twists bien osés sont ici savamment dosés, mais s’est bien entendu moins l’enquête proprement dite que l’absolue sensation de mystère qui fait de Perversion Story un exercice assez fascinant. Largement inspiré par le Vertigo d’Alfred Hitchcock, le film en reprend le cadre, San Francisco, et le jeu sur la femme double, pour pousser plus loin encore les troubles du personnage masculin.
Sueurs fiévreuses
Bien plus passif que le personnage incarné par James Stewart, celui d’Alain Sorel, mari infidèle et intéressé, se fait littéralement dévorer par ses propres pulsions amorales, et en particulier une nécrophilie qui n’a plus rien de latente. Sublime séquence où il s’approche de cette strip-teaseuse vulgaire à l’étrange ressemblance avec sa femme décédée, dont il fait rejaillir l’image mortuaire en plein acte. Une image d’autant plus forte que Perversion Story fut tourné l’année même du décès de l’épouse de Lucio Fulci. De quoi expliciter aussi cette propension encore inédite à la morbidité plein cadre, lorsque le visage du cadavre décomposé de l’épouse apparaît en insert, ou morale, lorsque le métrage prend sadiquement le temps de montrer le cérémonial et le décor d’une véritable exécution capitale. Un final sous tension, mais trompeur, qui réunit d’ailleurs les deux grandes aspirations du film, cette nouvelle voie vers laquelle le cinéma de Fulci va s’engouffrer (suivront Beatrice Cenci, Le Venin de la peur, La Longue nuit de l’exorcisme, Les Quatre de l’apocalypse) à la stylisation à la fois plus brute et plus discrète, et une sophistication méticuleuse encore très marquée par les modèles américains. Una sull’altra (ou “L’Une sur l’autre”, titre italien pratiquant lui aussi le double sens) est structuré de cadres ciselés, ultra (dé)composés, déformés même et souvent symboliques que viennent régulièrement perturber des fulgurances érotiques où la caméra réussit même à s’insinuer sous le lit et filmer les amants à travers celui-ci. Et Riz Ortolani oscille entre les compositions jazzy, presque rétro, et le lounge psychédélique pour faire le lien lui aussi entre la retenue de Vertigo et le souffre soulevé par Perversion Story.
Image
Inédit en France depuis la belle époque des VHS, Perversion Story est célébré par Le Chat qui fume dans une superbe copie révélant à la fois des couleurs admirablement contrastées, de très jolis reflets argentiques et une définition, dans les grandes largeurs, particulièrement finie. Pas forcément évident cela dit puisque le montage présenté ici est un master composite compilant les moutures américaines et françaises afin d’atteindre la version la plus complète, et inédite du film. Le mariage se fait avec une agréable homogénéité et les défauts de la restauration, 2K ou tout comme, se font rares (quelques cadres tremblotants, une ou deux griffures persistantes…).
Son
On retrouve aussi ici les conséquences de la recomposition du film dans sa version « longue » ici avec parfois quelques variations de qualité sonores sur la même piste et quelques passages en anglais sous-titrés français pour la mouture hexagonale. Pistes anglaise, française et italienne (assez plate) ont été restaurés au meilleur de leur capacité, avec un confort d’écoute inédit malgré quelques petits effets de saturations.
Interactivité
Epuisé en quelques heures à peine, la version limitée à 1000 exemplaires de Perversion Story est l’un des jolis records de l’éditeur Le Chat qui fume. Mais ne laissant pas les cinéphiles sur le carreau, ce dernier propose désormais une nouvelle collection en boitier amaray de ses plus gros titres, dont Perversion Story. Adieu donc le joli fourreau en carton, la copie DVD (bof pas grave), le CD de la bande originale (plus dur), mais le disque Bluray reste bien entendu identique avec les mêmes bonus vidéo. En l’occurrence une présentation passionnante (comme toujours) de Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque Française, qui resitue avec aisance le contexte du film, son rattachement au giallo première génération et ses aisances formelles, suivi des interviews des acteurs Elsa Martinelli et Jean Sorel. La première avoue sans détour son absence d’intérêt pour le cinéma d’horreur et son rapport pas toujours aisé avec le monde du cinéma italien. Le second plus joviale et loquace, raconte ses rapports amicaux avec Lucio Fulci, un tournage d’autant plus agréable qu’il le partageait avec deux superbes actrices et s’étonne agréablement du regain d’intérêt autour de sa carrière « de genre ».
Liste des bonus
« La perversion de Lucio Fulci » par Jean-François Rauger (25’), « La dernière diva » avec Elsa Martinelli (10’), « Dans la chambre à gaz » avec Jean Sorel (30’), Bande annonce.