PENDEZ-LES HAUT ET COURT !
Hang ‘Em High – Etats-Unis – 1968
Support : Blu-ray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : Ted Post
Acteurs : Clint Eastwood, Inger Stevens, Pat Hingle, Bruce Dern, L.Q. Jones, Ed Begley, Charles McGraw, Ben Johnson, …
Musique : Dominic Frontiere
Durée : 115 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 et 5.1, français DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 12 avril 2024
LE PITCH
Sauvé de justesse après avoir été lynché par une bande d’aventuriers qui l’accusaient à tort d’avoir volé du bétail, Jed Cooper est reconnu innocent par le juge Fenton et accepte un poste de marshal. Mandats d’arrêt en main, il se lance alors à la poursuite de ses agresseurs, sa soif de justice se mêlant à ses pulsions de vengeance, …
Justice sauvage
Devenu une icône et une star de cinéma internationale grâce aux westerns réalisés par l’italien Sergio Leone, Clint Eastwood nourrit de grandes ambitions pour son retour aux États-Unis. Premier long-métrage hollywoodien à le propulser en haut de l’affiche, Pendez-les haut et court ! fait tout naturellement le grand écart entre l’influence superficielle mais inévitable du western spaghetti et un regard novateur sur l’Ouest américain où l’émergence de la loi dans un territoire vaste et sauvage vient se substituer à une justice expéditive. Également producteur du film via sa toute nouvelle compagnie, Malpaso productions, Eastwood pose là la première pierre d’une œuvre placée sous le signe de l’ambiguïté.
Parmi les rares films cités par Clint Eastwood lorsqu’il aborde ouvertement ses influences, L’étrange incident (1943) de William A. Wellman occupe une place centrale. Ce qui explique bien évidemment son choix de privilégier le script de Pendez-les haut et court ! à celui de L’or de McKenna que la Columbia lui offre sur un plateau d’argent à son retour triomphal d’Europe. Le rapport trouble, parfois frustrant et très nuancé entre la loi telle qu’elle peut être appliquée (par des hommes, corrompus, lâches ou tout simplement imparfaits) et un idéal de justice, voilà une thématique qui obsède Eastwood depuis toujours et qui traverse son œuvre à intervalle régulier. Le lynchage, le jugement hâtif, la vengeance, la légitimité de la peine de mort : toutes ces questions habitent des films tels que L’inspecteur Harry et sa suite, Magnum Force, L’homme des hautes plaines, Pale Rider, Impitoyable, Un monde parfait, Jugé coupable ou encore Mystic River et L’échange jusqu’au récent L’affaire Richard Jewell. Comment juger de la culpabilité des hommes et peut -on (doit -on?) s’opposer à la loi et la transgresser lorsque celle-ci échoue à rendre justice ? Tel est l’enjeu principal de l’histoire que raconte Pendez-les haut et court ! dont le scénario porte les signatures de Leonard Freeman (également co-producteur du film) et Mel Goldberg. Entre le lynchage et la pendaison dont le personnage joué par Clint Eastwood est victime, sa croisade (inassouvie) de justice et l’application de la loi par un juge zélé interprété par l’excellent Pat Hingle, un flou finit par s’installer et le malaise qui en découle fait tout l’intérêt de ce western difficile à cerner.
Le chant du bourreau
Contre l’avis de United Artists, Clint Eastwood engage à la mise en scène le vétéran du petit écran Ted Post, lequel avait dirigé l’acteur dans de nombreux épisodes de la série Rawhide. Un choix pragmatique, basé sur l’amitié, la confiance et l’expérience. Tout en cochant quelques cases purement commerciales, histoire de donner au public d’Eastwood ce qu’il est en droit d’attendre du nouveau western de « l’homme sans nom » (quelques zooms, des gueules patibulaires en pagaille, de la violence sadique et un thème musical aux accents morriconiens), Ted Post impose une esthétique rugueuse et une mise en scène efficace et sans chichis. Ce qui donne à certaines scènes un aspect télévisuel évident et un peu gênant et qui contraste fortement avec le morceau de bravoure absolu que nous offre la scène de la pendaison publique où le cinéaste parvient à gérer un nombre imposant de sous-intrigues et en maintenant une tension à couper au couteau et qui va crescendo. On regrettera aussi que la conclusion ne parvienne pas franchement à atteindre l’aura cauchemardesque souhaitée avec un règlement de comptes nocturne vaguement expédié.
Quant à la belle complexité du script, très pertinent dans les échanges entre le marshal Jed Cooper (Eastwood, donc) et le juge Fenton et dans sa description d’une civilisation qui se construit autour du spectacle et de l’industrialisation de la mort, elle souffre malheureusement de quelques occasions manquées et de choix discutables. La disparition du récit du personnage de marshal vieillissant joué par Ben Johnson laisse un goût d’inachevé et la romance avec la jeune veuve (Inger Stevens) tombe comme un cheveu sur la soupe et fait passer à la trappe le potentiel tragique, absurde et macabre d’un portrait de femme trop vite ramené à un cliché hollywoodien de plus.
Une poignée de reproches en fin de compte plutôt insignifiants, eu égard à l’importance capitale d’un western fascinant et bien rythmé et qui donne le véritable coup d’envoi et le ton de la filmographie de Clinton Eastwood Jr. Et la lumière fut.
Image
On espérait une véritable restauration d’un master de plus en plus daté mais il n’en est rien. La compression fait de son mieux, la colorimétrie a été boostée à de nombreux endroits et la définition a fait un petit bond en avant. Mais le bruit, le grain et les accidents de pellicule sont plus visibles que jamais avec un passage très abîmé lors de la scène d’amour entre Clint Eastwood et Inger Stevens. C’est un peu mieux que le DVD bien moche de 2006 et le bluray très passable édité en 2017 par Movinside mais la déception est bien là.
Son
Le mixage 5.1, propre mais sans relief, adoucit le rendu acoustique et éloigne le risque permanent de saturation au niveau des aigus. Un écueil que ne parvient pas à éviter la piste en 2.0, dynamique et agréable mais bien plus fragile. Le doublage français, très réussi, s’accompagne d’un souffle très perceptible et d’une bande-son qui empiète sur les ambiances. Correct, sans plus.
Interactivité
Un passionnant livret de plus de soixante pages, richement illustré et rédigé par le taulier de la collection Westerns de légende, Patrick Brion himself, accompagne un médiabook au visuel photoshopé un peu moche et ouvre le bal d’une interactivité construite autour de la place qu’occupe Pendez-les haut et court ! dans la longue filmographie de Clint Eastwood. Le documentaire « Clint Eastwood, le franc-tireur » réalisé par Michael Henry Wilson, jadis diffusé sur Arte et bien connu des fans de l’acteur, ouvre le bal. Produit au lendemain de la production marathon du diptyque Mémoires de nos pères / Lettres d’Iwo Jima, ce portrait de l’acteur et cinéaste se suit sans déplaisir même s’il reste le plus souvent en surface, empilant les lieux communs. Les entretiens avec Eastwood, peu bavard, sont pourtant précieux. Chacun de leur côté, les critiques Olivier Père et Jean-François Giré se livrent à des analyses en profondeur du film de Ted Post, disséquant ses thématiques et replaçant l’œuvre dans son contexte. Dans les deux cas, l’apport de Ted Post en tant que cinéaste est joliment réévalué.
Liste des bonus
« Clint Eastwood, le franc-tireur » : documentaire de Michael Henry Wilson (80 minutes), Présentation de Jean-François Giré, Présentation d’Olivier Père / Bandes-annonces.