PARK CHAN-WOOK : LA TRILOGIE DE LA VENGEANCE
Sympathy For Mr Vengeance, Old Boy, Lady Vengeance – Corée – 2002, 2003, 2005
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Park Chan-Wook
Acteurs : Song Kang-ho, Shin Ha-kyun, Bae Doona, Choi Min-sik, Yoo Ji-tae, Kang Hye-jeong, Kim Byeong-Ok, Nam-mi Kang, Jeong-nam Choi, Hye-Sook Go…
Musique : Baek Hyeon-jin, Young-gyu Jang, Byung-hoon Lee, Cho Young-wuk, Seung-Hyun Choi
Image : 2.35 16/9
Son : DTS HD Master Audio 7.1 Coréen et français
Sous-titres : Français
Durée : 129, 120 et 115 minutes
Editeur : Metropolitan Film & Video
Date de sortie : 11 octobre 2024
LE PITCH
Sympathy for Mister Vengeance :
Jeune sourd-muet, Ryu est prêt à tout pour sauver sa sœur qui a désespérément besoin d’une greffe de rein. Puisqu’il n’est pas donneur compatible et qu’il n’a pas les moyens de payer l’opération, Ryu se tourne vers des trafiquants d’organes, mais il se retrouve avec un rein de moins et presque plus d’argent…Old Boy :
1988. Oh Dae-soo est kidnappé par des inconnus en sortant de chez lui. Après avoir perdu connaissance il se rend compte qu’il est emprisonné, quelque part. En regardant la télévision il découvre que sa femme a été sauvagement assassiné et qu’il est le suspect n° 1. Daesso jure de se venger…
Lady Vengeance :
Geum-ja obtient une remise de peine après avoir purgé 13 années de détention. Celle qui a obtenu une libération anticipée pour sa conduite admirable et exemplaire en prison tourne subitement le dos à tous ceux qui l’ont aidée à sortir. Elle est consumée par la haine et le remord.
Entré, plat, dessert
Après une ressortie collégiale dans les salles françaises en début d’année dans leurs toutes nouvelles copies restaurées 4K les trois opus de la « trilogie de la vengeance » signés Park Chan-Wook trouvent le plus bel écrin avec un coffret massif et gavé de suppléments en tous genres. Une célébration évidente pour ces trois films qui ont défini le cinéma de leur auteur, mais aussi ouvert le cinéma international au nouveau cinéma coréen.
Une nouvelle vague, encore, née des retrouvailles d’une industrie artistique avec une liberté longtemps interdite par les censures militaire et étatique. L’étau se desserre durant les années 90 laissant déjà apparaitre quelques essais passionnants comme The Quiet Family, Shiri ou Memento Mori, mais c’est véritablement à partir du début des années 2000 que la production et les talents explosent de toutes part. Les signatures les plus célèbres comme Kim Ki-duk (L’île, Adresse inconnue…), Kim Jee-Woon (Foul King, Deux sœurs…), Bong Joon-ho (Barking Dog, Memories of Murder…) donnent ainsi naissance à cette nouvelle génération d’auteurs qu’on dira énervés, en tout cas travaillant tous une esthétique particulièrement sophistiquée allié à une certaine rage et un besoin de confronter le spectateur à l’horreur de la société coréenne.
Parmi eux, Park Chan-Wook fait d’autant plus figure de fer de lance que sa première réalisation, le thriller politique JSA, abordé comme un exercice de style, a déjà attiré un certain éclairage sur le mouvement. Mais ce sont bien évidement ses trois films suivants qui vont le faire définitivement entrer dans l’histoire et le faire reconnaitre comme un cinéaste contemporain incontournable. Trois histoires de vengeance(s) maniant frontalement la violence, se confrontant inlassablement à la destruction de ces missions punitives, signant des séquences d’actions aussi brutales que virtuoses, mais restant toujours à belle distance du simple exutoire bis, de l’agressivité gratuite.
Froide ou chaude, mais jamais réchauffée
Aussi sanglantes et démonstratives que peuvent être ces exécutions, elles dénotent toujours d’une dénonciation d’un état du monde, d’une société malade qui transforme les être en tueur ou en monstre se perdant dans une revanche absolument absurde. Dans Sympathy for Mr Vengeance, Ryu, jeune sourd et muet qui fait tout pour payer une opération exorbitante pour sauver sa sœur, se fait arnaquer et s’embarque dans un kidnapping aux conclusions dramatiques qui transformera le père d’une petite fille en bourreau. Dans Old Boy c’est une obscure affaire de rumeurs qui expliquera l’enfermement pendant quinze ans subit par le pauvre Daeh Su-oh et une séance d’hypnose aux conséquences sordides. Enfin la sublime Geum-ja Lee de Lady Vengeance, peut-être la seule à gagner son combat, devra laisser l’ultime geste à d’autre quand elle découvrira que l’homme qui lui a tout volé était encore pire qu’elle ne l’imaginait. La force de ces films, au-delà de leur mise en scène d’une extrême rigueur, d’un sens opératique renversant, maniant avec la même élégance de long traveling émotionnels, les flashbacks tortueux et un humour noir des plus grinçants, c’est cette transmission épidermique d’une émotion à vif, d’une humanité tragique, déchirante, d’existences irrationnelles mais d’une beauté cathartique.
Au passage la trilogie révèle aussi toute une nouvelle génération d’acteurs brillants et novateurs, tous devenus des stars aujourd’hui avec les apparitions de l’un à l’autre du phénoménal Choi Min-sik (Old Boy, J’ai rencontré le diable, Failan…), de Song Kang-ho (Sympahty for Mr Vengeance, Memories of Murder, The Host…), de Shin ha-kyun (JSA, Save the Green Planet !…), Bae Doona (Cloud Atlas, The Host…), Yoo Ji-tae (La Femme est l’avenir de l’homme, Bimilae…), Kang Hye-jeong (Rules of Dating, Wedding Palace…) ou Lee Yeong-ae (Nareul Chatajweo, la série Maestra…).
Naturellement au milieu de ces trois grandes œuvres c’est Old Boy qui brille le plus de part sa quasi-perfection, sa logique incoercible, ses séquences révolutionnaires (oui le poulpe dévoré vivant mais pas que) et son grand final traumatisant, restant certainement, avec Mademoiselle, le grand chef d’œuvre de Park Chan-wook, devenant du même coup le film porte-étendard de toute une génération. Et tout comme ses deux frères, il est toujours aussi éblouissant.
Image
Les trois films ont tout récemment été entièrement restaurés à partir de nouveau scan 4K des négatifs, avec grand nettoyage et réétalonnage de circonstances, pour un résultat on ne peut plus satisfaisant. Les films retrouvent en effet par cette opération un relief et un sens du détail qu’ils avaient largement perdus au cours des précédentes sorties DVD et Bluray, souvent trop lissées ou neigeuses, mais sans jamais se départir de leurs aspects volontairement granuleux, rugueux, presque poussiéreux même par moment. L’élégance de la photographie, est ici démultipliée par un traitement généreux et minutieux des couleurs, des contrastes et des variations de lumières. Pas grand-chose à reprocher dans ces tableaux éclatants en dehors de quelques plans épars, parfois un poil plus abimés, plus fatigués (en particulier lors de l’attaque de nuit dans Lady Vengeance) qui dénotent un peu forcément. Dans tous les cas, les copies n’ont jamais été aussi belles et aussi révélatrices, rappelant par leur relief naturel et constant qu’au-delà de la beauté de la photographie, le cinéma de Park Chan-wook respire aussi en profondeur.
Son
On aurait pu espérer des nouveaux mixages Dolby Atmos, mais reconnaissons que les prestations DTS HD Master Audio 7.1 en sont très proches avec des ouvertures particulièrement amples, des ambiances admirablement retranscrites, des sources toujours clairs et limpides et une dynamique aussi fluide que naturelles. Les mix sont enveloppants et véhiculent à merveille les fortes émotions des films (avec forcément l’importance des musiques symphoniques) sans jamais se montrer trop démonstratives ou gratuites.
Il va de soi que malgré les efforts des doubleurs français, les versions originales sont largement au-dessus dans leur interprétation et leur intensité.
Interactivité
Si le visuel extérieur du coffret joue plutôt la sobriété, les digipacks intérieurs sont particulièrement réussis et son accompagné par un petit livret d’une vingtaine de page comportant une interview inédite, et passionnante, du réalisateur sur les trois films, mais aussi le livre contenant l’intégralité du storyboard de Old Boy.
Du coté des disques c’est un peu l’orgie de bonus puisque HK Vidéo reprend l’intégralité des suppléments coréens disponibles et pour la plupart déjà vu sur les anciennes DVD collector. Certains sont en SD d’autres en HD, certains ressemblent à des bandes promos basiques, d’autres explorent plus généreusement les arcanes du tournage et de la production, mais il y a de toute façon fort à faire ici entre les nombreux making of, les interviews, les extraits de storyboard, les scènes coupées des uns et des autres, les tournées promotionnelles, et les commentaires audio plutôt fouillés avec pas moins de trois propositions de ce type pour Old Boy et un journal de bord de plus de trois heures. Roboratif, généreux et franchement assez complet, ces éléments sont aussi rehaussés par le retour du « director’s cut » de Lady Vengeance. En fait le film tel que Park Chan-Wook l’avait imaginé au départ avec un très lent passage du film de ses couleurs éclatantes à un noir et blanc particulièrement pâle. Une idée abandonnée par la suite, mais encore visible ici mais uniquement en HD et en DTS HD Master Audio 2.0.
Le coffret contient tout de même un inédit vidéo avec le Bluray du long métrage documentaire Old Days tourné en 2016 et retrouvant toute l’équipe du film presque quinze ans après, visitant parfois les anciens lieux de tournages, revenant à la fois sur leurs souvenirs du film, du tournage et de leur implication dans le projet, mais aussi sur la marque qu’à laissé cette œuvre sur eux et ce qu’elle a pu changer dans leur vie et leur carrière. A grand renfort d’images d’archives et de rencontre inédites, l’opus est effectivement un making of rétrospectif exemplaire.
Liste des bonus
Un livre avec les storyboards de « Old Boy » (300 pages), un livret (24 pages).
Sympathy for Mr. Vengeance : Commentaire audio de Park Chan-wook et Ryu Seung-san, Interviews des acteurs et de l’équipe technique, Making of, Rencontre avec Park Chan-wook, Storyboards animés : séquence des trafiquants, séquence de la rivière, séquence des anarchistes, Conception de l’ambiance sonore du film, Bande-annonce.
Old Boy : Commentaire audio de Park Chan-Wook, Commentaire audio du directeur de la photographie Chung Chung-hoon, Commentaire audio des acteurs, Journal du tournage, Making of (73’), « Autour du film »(46’), Scènes coupées et alternatives, Bande-annonce, « Old Days » : documentaire inédit de Han Sun-hee (2016, 111’).
Lady Vengeance : Commentaire audio de Park Chan-wook, de l’actrice principale et de l’équipe du film, Interviews des acteurs, Making of et making of alternatif, Présentation du film à Venise, Rencontre avec Park Chan-wook, Conception des costumes, des décors, des effets visuels et des maquillages, Scènes alternatives commentées, Version Director’s Cut avec présentation de Park Chan-wook, Bande-annonce.