PARIS, TEXAS
Royaume-Uni, Allemagne, France – 1984
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame, Thriller
Réalisateur : Wim Wenders
Acteurs : Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, Dean Stockwell, Aurore Clémanet, Sam Shepard, Bernhard Wicki…
Musique : Ry Cooder
Image : 1.66 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 5.1 & 2.0, Français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 146 minutes
Éditeur : Carlotta Films
Date de sortie : 5 novembre 2024
LE PITCH
En plein désert américain, près de la frontière du Mexique, un homme hagard s’avance, trébuchant dans la pierraille desséchée. Il s’écroule, épuisé. Son frère le retrouve et on apprend que Travis a disparu depuis quatre ans, en abandonnant sa femme et son petit garçon. Travis reprend pourtant sa longue errance, à la recherche du passé et de l’avenir…
Horizons lointains
Palme d’or 1984 et véritable phénomène culturel, débordant du cadre du cinéma, dont on retrouve encore et toujours des traces aujourd’hui, Paris, Texas revient quarante ans après dans une nouvelle restauration luxueuse, affirmer son implacable beauté et son étonnante modernité. Le sommet du cinéma de Wim Wenders et peut-être le plus grands des road movie.
Figure motrice du renouveau du cinéma allemand dans les années 60, Wim Wenders, cinéphile convaincu comme les cousins de la Nouvelle Vague, a toujours été fasciné par le modèle américain, ne cessant d’importer ses figures dans son Europe à lui. Le road movie en particulier qui innerve directement sa trilogie du voyage (Alice dans les villes, Faux mouvement et Au fil du temps) ou l’image du vieux cowboy fatigué qui habite le fameux L’Ami américain. Paris, Texas en est inévitablement un prolongement direct, évoquant ne serait-ce que par son titre ce pont presque impossible entre deux continents. Ce fameux Paris n’étant d’ailleurs jamais véritablement atteint dans le film il résonne comme une destination fantasmée, témoin photographique d’un rêve perdu. Née entre les lignes d’une adaptation du Motel Chronicles du dramaturge Sam Shepard, plusieurs fois déconstruite et reconstruite, transformée littéralement durant le tournage avec une grande séquence final rédigée en quelques jours comme un sauvetage, Paris, Texas est d’autant plus fascinant qu’il traine constamment derrière lui cette sensation d’impossibilité, d’aveux d’échec, comme si ces vastes paysages américains, cette légende crépusculaire remplacée par les buildings et les déserts poussiéreux de routes fantômes, venaient directement incruster leur déchéance, leur spleen dans le rythme et la construction du film.
Les Amériques
C’est donc bien le récit d’une errance. Un homme seul traversant le désert sans but et sans raison : c’est de cette image qu’est né le scénario. Tout le reste ne sera alors plus qu’une reconstitution, l’effort d’un chemin inverse vers une reconstruction chimérique de ce cowboy oublié, mutique, la casquette rouge vissée sur la tête, les chaussures trouées, qui va se redécouvrir frère (joué par Dean Stockwell, un immense acteur trop souvent oublié), père puis époux et forcément, lui-même. C’est un homme qui va s’extraire un temps du paysage iconique du western pour finir par se perdre à nouveau, dans celui plus contemporain, d’une toile d’Edward Hopper. Le rythme lancinant, le blues stridant de Ry Cooder, la photographie incroyablement colorée de Robby Müller, à quelques lisières du pop’art, et l’exigence figurative de Wenders auraient dès lors pu emporter le projet vers des rives des plus conceptuelles, divagations érudites de cinéphiles et techniciens brillants. Mais la particularité de Paris, Texas par rapport à beaucoup d’autres films du cinéaste est de se faire progressivement et magnifiquement emporter par une émotion désarmante. Celle de ces retrouvailles avec la vie, celle de ses moments à nouveau partagés avec une progéniture à la blondeur angélique, de quelques regards échangés devant un vieux film de famille (derniers vrais instants de bonheur) et de la quête de rédemption auprès d’une femme trop jeune, trop vite enchainée, victime d’une relation toxique dont personne n’est sortie indemne.
Si Harry Dean Stanton, puissant de nuances dans son premier rôle principal, est un écho d’un John Wayne en bout de course, Nastassja Kinski elle, frêle et éblouissante dans son pull rose en mohair, est une petite Marilyn passée de femme idéale à prostituée diaphane derrière la vitre d’un peep-show. Là le road-movie se fige et le dialogue peut enfin reprendre dans un face à face biaisé par une vitre sans teint qui les séparera à jamais. Idée sublime pour une séquence inoubliable de justesse, de poésie et de tristesse, point final d’un grand film qui ne nous laisse pas repartir indemne.
Image
Wim Wenders et ses équipes de restaurateurs travaillent activement à la remasterisation complète de toutes ses productions sur pellicules. Paris, Texas se devait forcément de profiter de ce travail, et il témoigne d’ailleurs de l’impressionnant sérieux de l’opération effectuée à partir d’un scan 4K des négatifs 35 mm consciencieusement préservés depuis des années dans une chambre réfrigérée spéciale et un nettoyage minutieux. Le but étant d’offrir des cadres d’une propreté inédite tout en retrouvant toute la richesse initiale de la pellicule. Pas de retouches numériques à l’horizon, le grain et les anfractuosités organiques et naturelles répondent présents, tout autant que des reflets argentiques à tomber et un traitement lumineux et chaleureux des couleurs qui les sublime sans les dénaturer. Magnifique de bout en bout, plus solaire que jamais, le tout sculpté par une définition vertigineuse.
Son
Le doublage français garde son mono initial mais se développe avec plus de clarté et d’égalité sur un DTS HD Master Audio tout à fait honorable. Plus vive, riche et vibrante, la version originale se dote d’emblée d’une ouverture plus large avec sa sobre stéréo plus authentique (les accents sont importants) et profite aussi d’une proposition plus « moderne » avec un DTS HD Master Audio 5.1 qui appuie discrètement quelques atmosphères urbaines et offre un peu de volume dans les dialogues.
Interactivité
28eme coffret Ultra Collector signé Carlotta Films, Paris, Texas rejoint comme il se doit Les Ailes du désir (épuisé) lui aussi proposant la nouvelle restauration sur support Bluray et UHD. L’objet contient bien entendu un nouveau livre, composé ici presque uniquement de documents d’archives avec un large cahier de photos de tournage inédites, une reproduction complète du scénario et en ouverture une reproduction d’entretiens pour la plupart publiés à l’époque de la sortie du film en salles. Des rencontres qui restent aujourd’hui très intéressantes puisqu’elles permettent de reconstituer une rédaction assez libre du scénario, un tournage porté par le sujet lui-même et une certaine improvisation créative qui a permis l’éclosion de ces formidables performances.
Des sujets qui sont directement au cœur du long entretien filmé avec Wim Wenders que l’on retrouve sur les deux disques. Avec quarante ans de distance, le cinéaste revient sur une œuvre qu’il redécouvre presque, et dont il crédite la réussite à ses partenaires (coscénariste, directeur photo, compositeur, acteurs…), une époque et une petite forme de miracle. Toujours très intéressant d’écouter le monsieur parler cinéma, qui discute structure, difficulté, choix esthétiques et atmosphère avec franchise. On le retrouve aussi pour une courte introduction avant le lancement du film, pour un segment tourné à Cannes plus concentré sur le travail (remarquable) de restauration et pour un sujet télévisé datant de 1984, juste avant le début du tournage, où il est question de cinéma et de rock. Enfin on retrouve le montage de scènes coupées déjà présent sur l’ancienne édition d’Arte, mêlant scènes et dialogues rallongées, ainsi que des rushs des plans de paysages, suivi de l’intégralité du document Super 8 de la famille Henderson aperçu dans le film.
Liste des bonus
Le livre « Quitter l’autoroute : Paris, Texas de Wim Wenders » avec 60 photos d’archives (200 pages), Introduction de Wim Wenders, Entretien avec Wim Wenders (49’), Cannes 2024 : Entretien avec Wim Wenders (4’), Scènes coupées avec ou sans commentaire audio (2004) de Wim Wenders (24’), « Cinéma, Cinémas : Wim Wenders » (INA, 1984, 12’), Film Super 8 : Souvenirs de la famille Henderson (7’), Bande-annonce de la restauration.