Bien que fortement reconnu grâce à ses succès des années 1960 (Le fanfaron, Les monstres, Les complexés…), la sortie de Parfum de femme en 1974 marque la consécration du réalisateur-psychanalyste de la société italienne et de ses travers. Notamment dans nos contrées avec le César du meilleur film étranger ainsi qu’un passage remarqué au Festival de Cannes où Vittorio Gassman obtint le Prix d’interprétation.

Véritable muse de Risi avec qui il accumula les collaborations, Gassman nous livre ici une incroyable prestation d’un homme aveugle, tyrannique et attachant arrivé au soir de sa vie. Acteur de théâtre reconnu en Italie, entre autres dans le genre classique comme Shakespeare, il peut ici s’en donner à cœur joie, en faire trop et nous faire éclater de rire puis pleurer dans la foulée, dans une étrange ambiance à la fois morbide et très légère.

Assez proche de son personnage de Bruno Cortona dans Le fanfaron, Gassman est également flanqué d’un acolyte, en la personne du jeune Alessandro Momo. Déjà sous le charme de Laura Antonelli dans Malizia un an auparavant, il s’éprend ici d’une autre beauté italienne d’alors, Agostina Belli. A l’aube d’une belle carrière assurément, le jeune homme décédera dans un accident de moto peu de temps après le tournage du film de Risi…

Quand l’amour rend aveugle…

Tourné un an après Sessomatto, film à sketch avec une Laura Antonelli en grande forme, ce Parfum de femme est de nouveau très porté sur la question de la sexualité. Voir Gassman renifler les « odeurs de femelles », le pauvre Momo obligé d’aller chercher une prostituée au goût de son patron ou le suivre dans des virées nocturnes où vulgarité et alcool font bon ménage, sont des moments réjouissants, même si le ton et le machisme ambiant ne plairont pas à tout le monde.

En ce qui concerne le personnage de la sublime Agostina Belli (La poursuite implacable…), on pourra le juger un peu trop mélodrame, « à l’eau de rose » … Son amour fou pour un homme aveugle ayant le double de son âge nous interrogera même si Risi se moquera allègrement de la belle, qui n’oubliera pas de nous montrer les plus belles parties de son anatomie dans une scène primordiale…

Malgré un côté mélo assumé et une fin pathétique, le duo Risi-Ruggero Maccari, son fidèle scénariste, parvient à effleurer divers genres et au fil du voyage, de Gênes à Naples, en passant par Rome, le caractère tragique prend le dessus. La somptueuse B.O. de Armando Trovajoli retranscrit d’ailleurs parfaitement l’ambiance du film, tour à tour larmoyante, jazzy voire grave.

Objet d’un remake en 1992, Le temps d’un week-end, qui assurera un Oscar à Al Pacino, Parfum de femme possède tous les atouts d’une comédie italienne de qualité avec son ton tragi-comique et un Gassman épatant : on a rarement vu un aveugle traité de la sorte dans un film ! S’aventurant vers la romance, voire le film noir par moment, et délaissant largement la satire sociale, ce film ouvre aussi la voie aux futurs projets de son réalisateur comme Âmes perdues en 1977 ou Fantôme d’amour en 1980.