OUT OF THE BLUE
Canada – 1980
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Dennis Hopper
Acteurs : Linda Manz, Dennis Hopper, Sharon Farrell, Don Gordon, Raymond Burr…
Musique : Neil Young…
Durée : 96 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Editeur : Potemkine Films
Date de sortie : 2 novembre 2021
LE PITCH
Don, un camionneur alcoolique et désabusé, a percuté un bus rempli d’enfants. Tandis qu’il purge une peine de prison, Katy, sa femme, se réfugie dans la drogue et les bras d’autres hommes, et Cindy, sa fille, multiplie les fugues et ne jure que par Johnny Rotten, le chanteur des Sex Pistols. Lorsqu’il est libéré, Don tente d’impulser un nouveau départ à une famille anéantie. Mais les démons du passé ressurgissent…
Dans les flammes
Devenu un paria après l’immense échec de The Last Movie en 1971, Dennis Hopper reprend presque par accident la casquette de réalisateur avec ce Out of the Blue près de dix ans plus tard. Il nous livre ici une sorte d’antithèse de son Easy Rider et un film résolument « punk » devenu culte. Indispensable.
En 1980, Dennis Hopper n’est plus tout à fait le chantre du Nouvel-Hollywood. Le réalisateur du mythique Easy Rider vient en effet de connaître une décennie infernale suite au fiasco de The Last Movie en 1971. Malgré une bonne réception en Europe, il est la risée d’Hollywood et les producteurs l’oublient. Hopper sombre alors dans la cocaïne et assure tout de même quelques compositions d’acteur, principalement à l’étranger, notamment avec Wim Wenders dans L’ami américain en 1977. C’est donc à la base en tant qu’acteur qu’il fait partie du casting de ce Out of the Blue, film canadien qui devait se nommer à la base The case of Cindy Barnes. Mais devant l’« incompétence » du réalisateur Léonard Yakir, le producteur Paul Lewis propose le job à Hopper, qui réécrit le scénario en un week-end, et modifie totalement l’esprit originel du film qui racontait l’histoire d’une jeune fille marginale remise sur les rails par son psy. Hopper, au contraire entame une démarche de destruction où violences, inceste et drogue envahissent la cellule familiale de « Cebe », sa fille dans le film, jouée par l’excellente Linda Manz. Il renomme le film grâce à la chanson éponyme de son ami et chanteur Neil Young. Cette brillante mélodie Folk embrasse de plus le propos du film : la fin d’un idéal. On y entend entre autres : « vaut-il mieux mourir à petit feu ou exploser ». Et d’ailleurs, comme dans ses deux précédents films, cette sombre histoire se terminera « dans les flammes »…
No Future
Difficile de ne pas comparer Garçonne (le titre français du film) au premier film de Hopper tant il le recoupe tout en s’y opposant. Dès le début, en voyant « Cebe » et son père dans un camion sur la route, on songe à un nouveau Road Movie…qui s’arrête brutalement suite à un horrible accident. On peut également voir les personnages joués par Hopper, Sharon Farrell et Don Gordon (impeccable en pourriture vicieuse) comme des descendants de Easy Rider, des anciens hippies ayant mal tourné… Une autre époque.
De plus, ici aussi l’usage de drogue est récurrent, sauf qu’alors que dans Easy Rider la prise de stupéfiants élevait les esprits, ici elle est un fléau, un piège. Un piège dans lequel, tomba totalement et irréversiblement le mouvement Punk, mis à l’honneur ici. Tourné à Vancouver, Hopper nous fait découvrir la scène locale avec les Pointed Sticks et The Dishrags.
Au-delà de la bande son, Linda Manz représente à merveille le concept : jeune rebelle, anti-autorité, fugueuse, travestissement. Ses pérégrinations, tournées en longs plan-séquences, telle une marginale dans une Vancouver guère accueillante ou dans son bled perdu sont de forts jolis moments. Malgré cette prestation étincelante, elle arrêtera rapidement sa carrière d’actrice, mais en inspira d’autres comme Chloë Sevigny, qui participa à la restauration du film.
Enfin, c’est dans un ultime geste « punk » que ce film, qui mérite amplement son statut culte, s’achèvera. Une œuvre qui fait écho à son époque, tout en renvoyant sans doute à la vie dissolue de son réalisateur, et qui malgré son jusqu’au-boutisme et sa noirceur singulière demeure l’un des plus beaux films de son auteur.
Image
Le film n’a jamais eu droit à une aussi belle version ! Restaurée en 4K, grâce notamment au financement participatif, l’image est parfaitement nette et définie, les couleurs bien retranscrites et contrastées. Seuls quelques rares passages laissent apparaître un grain particulier de l’époque.
Son
Rien à redire sur le Master DTS-HD mono. Les dialogues sont clairs et la musique, très présente, est bien rendue. Certains d’entre nous déploreront l’absence de VF, mais il aurait été de toute façon dommage de se priver des voix si particulières de Hopper et Linda Manz, narratrice dans Les moissons du ciel de Terrence Malick.
Interactivité
Potemkine complète cette édition de qualité par des bonus passionnants. Comme toujours, Jean-Baptiste Thoret s’avère instructif, aussi bien pour cerner le contexte que le côté autobiographique du film. Il revient ainsi sur le parcours de Dennis Hopper durant les 70’s, ou sur la structure narrative « elliptique et déroutante » de son cinéma.
L’entretien avec l’actrice Elizabeth Karr et John Simon, critique et distributeur, est très intéressante, permettant de mieux comprendre comment ce film a été restauré, grâce au financement participatif, et pourquoi il est demeuré si longtemps introuvable, se vendant même « sous le manteau » à une certaine époque aux USA. On apprend ainsi qu’après le passage à Cannes, le film avait perdu son avantage fiscal canadien…les financiers se désengagèrent alors et le film se perdit. C’est un plaisir de constater, que grâce à des passionnés, des films comme celui-ci peuvent ressortir.
Enfin, les deux pièces maîtresses de ces bonus sont le commentaire audio, où on y apprend moult choses (tournage en quatre semaines, rôle du psy drastiquement réduit…) et l’interview fleuve de Hopper par Tony Watts. Qualifiant son travail d’« expressionnisme abstrait », le cinéaste rappelle que « tous mes films s’achèvent dans les flammes ». En ce qui concerne Out of the Blue, il rappelle que la fin marquante du film fit débat et qu’après une séance à Boston (seul endroit où le film fut diffusé à sa sortie…), les gens s’engueulaient, et qu’une jeune fille pleurait, espérant que tout ceci ne soit qu’« un rêve »…
Liste des bonus
Commentaire audio de Dennis Hopper, John Alan Simon et Paul Lewis (96′), Interview de Dennis Hopper par Tony Watts (1984, 96′), Entretien avec John Simon et Elizabeth Karr au Montclair Film Festival (30′), Out of the Blue vu par Jean-Baptiste Thoret (48′).