ORGIE POUR UN MASSACRE
France, Luxembourg – 1966
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Jean-Pierre Bastid
Acteurs : José Diaz, Willy Braque, Joël Barbouth, Gilbert Wolmark, Valentin Pratz, Florence Giorgetti…
Musique : Glen Buschmann
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français et anglais
Durée : 91 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 14 décembre 2023
LE PITCH
Joe, le capitaine d’une redoutable organisation spécialisée dans le trafic de drogue et la prostitution, revient en France avec une détermination sans faille. Il déploie ses subordonnés pour éliminer ses adversaires, mais ces agissements ne passent pas inaperçus aux yeux de la police. Le Minet, un lieutenant de Joe, est capturé par les forces de l’ordre, qui parviennent à le faire parler. Parallèlement, Jean-Pierre Lebrun, jeune inspecteur de police, réussit à infiltrer le gang et collabore avec ses collègues pour tendre un piège aux criminels.
Ramdam interdit
Cas d’école dans le landernau du cinéma bis français, Massacre pour une orgie fut interdit de diffusion avant même sa sortie française, et ne connu finalement qu’une toute petite carrière clandestine hors de nos frontières et dans des versions tronquées. Fouineur de première, Le Chat qui fume nous a concocté une restauration 4K inespérée du montage intégral. Sexy !
Ancien assistant de Jean-Cocteau et Nicholas Ray, puis auteur de policiers dénudés pour José Benazéraf, (L’enfer sur la plage) ou Max Pécas (La peur et l’amour) mais aussi d’un Dupont Lajoie plus engagé et sérieux pour Yves Boisset, Jean-Pierre Bastid est aussi un auteur productif de romans bien noirs tout comme son ami Jean-Patrick Manchette avec qui il a d’ailleurs co-signé Laissez bronzer les cadavres ! Une carrière éclectique faite de créations personnelles et de combats politiques (contre la Guerre d’Algérie, pour les « sans-papiers ») dans laquelle il est aussi passé à quelques occasions derrière la caméra pour des programmes télévisés, ainsi que pour une poignée de films d’exploitations (Salut les copines, Hallucinations sadiques…) à ses tout débuts. Belle inauguration d’ailleurs que ce Massacre pour une orgie, petite péloche mise en boite en quelques jours à peines essentiellement pour ne pas perdre les investissements portés sur un « Trafiquants d’Anvers » tourné par d’autre et qui ne sera jamais achevé. De ce dernier n’a survécu que quelques plans d’une scène de soirée toges entre une poignée de jeunes gens, essentiellement des jolies filles, qui seront outrageusement revendus à un réseau de traite des blanches. A Bastid alors, qui signe ici sous le pseudo de Jean-Loup Grosdard en hommage sincère à un célèbre cinéaste de la Nouvelle Vague, de broder autour de ces quelques minutes pour aboutir à un film exploitable.
Gare aux gorilles
Il y ajoute alors une exploration plus avant d’un terrible réseaux de gangsters qui louvoie autour de la filières, assassins sans foi ni loi, proxénètes cruels, drogués de tous bords, pervers divers et minables en goguettes, et se fend d’un véritable héros, Jean-Pierre Lebrun, inspecteur de police qui enquête sur les exactions de Joe, chef de gangs bien décidé à éliminer la concurrence. On n’est ici jamais très loin du film de collage avec diverses parties qui se raccrochent comme elles peuvent, et la sensation constante d’observer plusieurs films en. Il est ainsi doté d’une ouverture particulièrement bis où les truands se zigouillent les uns les autres sans que l’on sache trop pourquoi, d’une seconde partie qui ressemblerait presque à un polar pépère entre visite des milieux sulfureux et bons mots à tous les étages et un final clairement plus porté sur l’aventure façon Hergé. Étonnant, dispersé, inconstant, gentiment bordélique, et pourtant l’objet embarque aisément grâce à sa démarche de film noir décontracté, jazzy jusque dans son rythme, mais déjà marqué par la Nouvelle Vague naissante dans sa façon de passer de plans léchés à des caméras portées plus enlevées. Orgie pour un massacre se donne des airs de film américain, noir et blanc impeccable, personnages stéréotypés échappés d’un Dick Tracy parfois, toujours aux lisières du surréalisme, mais plonge avec tout autant de bonheur dans les débordements attendus du bis. Clairement très porté sur la chose (même l’épouse du héros se tape sa charmante aide de maison asiatique), le film multiplie les scènes érotiques volontairement gratuites, les mises à nues d’un casting féminin particulièrement aguichants avec une nette prédilections pour les frottements saphiques, le bondage et les glissements gentiment S&M.
Une atmosphère de BDs illicites, autrefois échangées sous le manteau, qui ne plut clairement pas aux officines de la censure gaullienne qui s’empressa d’interdire et de saisir le film après une rapide présentation cannoise. Pas bêtes, Jean-Pierre Bastid et son producteur Gilbert Wolmark avaient déjà mis quelques bobines à l’abri lui assurant, une exploitation très parcellaire aux USA sous le titre Massacre of Pleasure, et surtout une authentique résurrection plus de 50 ans plus tard. Ouf.
Image
Jamais diffusé en salles françaises tout court mais visible dans quelques formules étrangères, dont un célèbre remontage américain, Massacre pour une orgie revient à la vie grâce au Chat qui fume. Le premier et véritable montage du film donc, restauré avec grand soin par l’éditeur à partir d’un scan 4K des négatifs originaux, qui nous parvient dans des conditions optimales : les cadres sont d’une propreté virginale, stables et pointus, les contrastes admirablement dessinés et autant le léger grain d’origine que les argentiques resplendissent à chaque instant. Un écrin idéal pour un film noir assuré par une définition on ne peut plus solide. Une résurrection pas loin du miracle.
Son
Le mono d’origine nous parvient sans fioritures avec un rendu sobre et frontal, toujours clair mais si quelques variations de captation (d’origines) persistent.
A noter la présence de sous-titres anglais pour séduire le curieux à l’international.
Interactivité
Comme pour Lune Froide, l’éditeur félin propose Massacre pour une orgie dans un très joli Mediabook avec un livret composé essentiellement de photos (tournage et exploitation) en son centre. Et une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, le disque Bluray propose une bonne quantité de suppléments inédits à commencer par les longues interviews de Jean-Pierre Bastid (pas toujours facile à suivre) et du producteur Gilbert Wolmark, qui évoquent bien entendu les origines du film, son tournage et sa sortie rock’n’roll, mais aussi plus largement les méthodes artisanales, la distributions à la volée, le détournement des commandes et les volontés de faire un cinéma d’exploitation certes rentables mais aussi dotés de quelques qualités. Beaucoup de franchise, d’humour et de cinéphilie (Bastid parle beaucoup de Nicholas Ray dont il fut l’assistant) au programme.
On revient aussi très naturellement sur la petite carrière américaine du film distribué, et remonté, par le célèbre Bob Cresse spécialiste de l’exploitation sexy avec ce montage dans une copie VHS bien datée mais aussi un portrait du bonhomme signé par Eric Peretti.
Enfin question archives on peut aussi visionner quelques images de rushes d’Orgie pour un massacre et de « Trafiquants d’Anvers » le film inachevé et les images du générique sans les cartons titres. Du travail de cinéphiles encore et toujours.
Liste des bonus
Livret photo, Interview de Jean-Pierre Bastid (49’), Interview de Gilbert Wolmark (42’), « Une orgie aux USA » par Éric Peretti (17’), Rushes du tournage (4’), Scènes coupées du tournage des « Trafiquants d’Anvers » (4’), « Massacre of Pleasure », montage américain du film (75’), Générique fond neutre (1’), Bande-annonce.