ORANGE MÉCANIQUE
A Clockwork Orange – Royaume-Uni / Etats-Unis – 1971
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Science-Fiction
Réalisateur : Stanley Kubrick
Acteurs : Malcolm McDowell, Patrick Magee, Adrienne Corri, Michael Bates, Warren Clarke, Carl Duering…
Musique : Wendy Carlos
Durée : 137 minutes
Image : 1.66, 16/9
Son : DTS-HD Master Audio 5.1 Anglais, Dolby Digital 5.1 Français, allemand, italien…
Sous-titres : Français, allemand, italien, néerlandais…
Editeur : Warner Bros. Entertainment France
Date de sortie : 10 novembre 2021
LE PITCH
L’Angleterre, dans un futur proche. À la nuit tombée, Alex et ses « droogies », amateurs de Beethoven et d’ultra-violence, sèment la terreur, passant à tabac un pauvre sans-abri ou agressant un écrivain dans sa maison de campagne avant de violer la femme de ce dernier, …
Hara-kubrick
Drôle, spirituel, musical, excitant, terrifiant, sardonique, métaphorique, satirique, comique, bizarre, politique, … Un demi-siècle après sa sortie sur grand écran, Orange Mécanique demeure cet objet protéiforme, insaisissable et provocateur promis par sa bande-annonce et l’un des films les plus emblématiques du « mythe » Stanley Kubrick.
La polémique, la controverse et le scandale. Par la grâce d’internet et des réseaux sociaux jouant le rôle d’authentiques cornes d’abondance, ces denrées médiatiques, aptes à focaliser l’attention du plus grand nombre et à faire passer l’émotion avant la réflexion, nous tombent dessus par salves bruyantes tous les jours. On ne sait même plus quoi en faire et on a même tendance à les oublier au bout de 24 heures. Mais il y a tout juste 50 ans de cela, la marchandise était rare. Et d’une toute autre qualité.
Qu’Orange Mécanique ait pu acquérir ses galons de film culte en raison de son aura sulfureuse était à prévoir. Classique marginal de la littérature britannique du début des années 60, le roman d’Anthony Burgess était connu de toutes et de tous avant même que Stanley Kubrick ne décide d’en réaliser une adaptation. À la lecture de cette histoire violente et provocatrice, narrée à la première personne par un anti-héros dont la perversité ne fait aucun doute, il était évident que la transposition à l’écran ne se ferait pas sans titiller quelques censeurs et autres hérauts d’une politique conservatrice et de nos bonnes vieilles valeurs « morales ». L’investissement tout à fait personnel et pour le moins radical du réalisateur des Sentiers de la gloire, de Lolita et de Dr Folamour aura même sûrement dû en exciter quelques-uns et ce, bien avant le tournage. De sa sortie à la fin de l’année 1971 aux Etats-Unis à son retrait brutal et définitif des cinémas de Grande-Bretagne en 1973 dans le sillage de plusieurs faits divers macabres et de menaces de mort à l’encontre de la famille de Stanley Kubrick, Orange Mécanique aura donc pleinement joué son rôle d’agitateur social, portant le débat sur le sexe et la violence dans le 7ème Art à un niveau d’intensité jamais atteint auparavant.
Satire dans tous les sens
Existe-t-il seulement une case dans laquelle un OFNI (Objet Filmique Non Identifié) du calibre d’Orange Mécanique pourrait se sentir bien au chaud ? La satire, sans nul doute. Dans sa réflexion sur le libre-arbitre et la violence, Stanley Kubrick ne loupe pas une seule occasion de tirer à boulets rouges sur une société où l’hypocrisie est une institution et où des sales gosses terrorisent la bourgeoise et font ressurgir les plus bas instincts d’adultes coincés du derche. Gardiens de prison, politiciens, parents, intellectuels, prêtres, éducateurs, psychiatres ou féministes à chats : toutes et tous passent un sale quart d’heure devant la caméra d’un cinéaste qui n’a peur ni de la farce ni de l’excès. Kubrick pousse ses interprètes vers le cabotinage le plus outré, figeant leurs grimaces, leurs visages rougeauds ou leurs accoutrements de très mauvais goût (Sheila Raynor et sa perruque hideuse, David Prowse et son slip moulant) dans une mise en scène soigneusement chorégraphiée et cadrée. Digne héritier de Mad Magazine, de la revue britannique Punch ou même de notre Hara-Kiri national, Orange Mécanique est un manifeste pop, anarchiste, punk et provocateur, plus hargneux et déstabilisant que n’avait pu l’être le déjà très grinçant Dr Folamour.
L’homme, nous dit Kubrick, se rêve au sommet d’une civilisation sophistiquée et harmonieuse mais ne parvient toujours pas à assumer ou à dompter ses pulsions sexuelles, son organisation en meutes prédatrices et sa nature profondément destructrice et génocidaire. Et quel meilleur symbole de ce paradoxe que le personnage central d’Alex DeLarge auquel Malcolm McDowell prête ses traits séduisants et inquiétants. Alex aime Beethoven et prend soin de son apparence mais il aime aussi le viol, provoquer des accidents et tabasser des sans-abris. Il est à la fois poli et vulgaire, un bourreau et une victime, le mal et son remède. L’acteur révélé par Lindsay Anderson joue de sa voix, de sa gestuelle et de son regard bleu acier pour donner vie au plus incroyable des salopards, un diablotin attachant et pathétique qui se dandine d’un coin à l’autre du cadre comme un majeur bien tendu.
Entre malaise et rires francs, Orange Mécanique est un film poil à gratter, l’un des meilleurs de sa génération et de sa catégorie. Stanley Kubrick tend à notre société malade un miroir XXL et rit dans sa barbe de notre réaction outrée, confrontés à un hideux reflet. Encore ! Encore !
Image
D’une restauration à l’autre, d’une réédition collector en DVD à un bluray considéré un peu hâtivement comme définitif, l’image d’Orange Mécanique avait fini par perdre sa texture argentique et l’agressivité extrême de sa palette chromatique pour virer à un mélange de blanc, de bleu et d’orange (sic). Cette miraculeuse copie en 4K ressuscite le grain et le rouge intense d’autrefois. On y gagne aussi en définition sur des visages à la carnation moins numérique et plus réaliste. Justice est enfin rendu à la superbe photographie de John Alcott et ses contrastes entre une lumière très crue et des intérieurs très travaillés.
Son
La voix de Malcolm McDowell occupe le premier plan tandis que la musique nous enveloppe à l’arrière et sur les côtés. Une spatialisation classique donc mais qui sait se montrer efficace avec des basses subtiles et des ambiances retranscrites avec une précision chirurgicale (la cour de la prison, l’acoustique de la salle de bain de l’écrivain dans laquelle Alex chantonne pour son plus grand malheur).
Interactivité
Comme c’est souvent le cas, l’esthétique marquée du packaging plastique de la collection Titans of Cult en séduira certains et pourrait en rebuter d’autres. Mais avec une paire de pin’s (!) en guise de goodies, il faut bien avouer que cette réédition ne fait pas le poids face au collector luxueux disponible chez nos voisins anglais et où l’on retrouve un poster réversible, un livret et tout un ensemble de cartes postales promotionnelles. Faute de contenant, il nous reste le contenu mais celui-ci reste le même que pour les éditions précédentes. Passionnant et riche en anecdotes dévoilées avec malice par un Malcolm McDowell en pleine forme, le commentaire audio est toujours privé de sous-titres français, une tradition chez Warner. Les deux documentaires tournant autour de la production et de l’exploitation du film sont toujours aussi frustrants, leurs prestigieux intervenants ne parvenant jamais totalement (sauf peut-être William Friedkin) à percer la coquille empoisonnée du chef d’œuvre de Mr Kubrick. Il faut donc se rabattre sur le très beau documentaire consacré à Malcolm McDowell, portrait pas toujours tendre d’un acteur flamboyant et dont la tendance à « exagérer » ses souvenirs le rend d’autant plus mystérieux.
Liste des bonus
Commentaire audio de Malcolm McDowell et de Nick Redman (historien du cinéma), « Great Bolshy Yarblockos ! : Le making of d’Orange Mécanique » (48 minutes), « Still Tickin’ : Le retour d’Orange Mécanique » : documentaire de Channel Four (2000 – 47 minutes), « O Lucky Malcolm » : documentaire sur la carrière de Malcolm McDowell (HD – 85 minutes), Bande-annonce.