O CANGACEIRO
Italie, Espagne – 1969
Support : Bluray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : Giovanni Fago
Acteurs : Tomas Milian, Ugo Pagliai, Eduardo Fajardo, Howard Ross, Leo Anchoriz, Alfredo Santacruz…
Musique : Riz Ortolani
Image : 2.35 16/9
Son : Italien et Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français, anglais
Durée : 91 minutes
Editeur : Éléphant Films
Date de sortie : 5 novembre 2024
LE PITCH
L’armée brésilienne assassine tout un village pour se débarrasser des Cangaceiros, bandits qui dominent la région du sertão au Nordeste. Le jeune Espedito, sauvé par un ermite, échappe au massacre de manière miraculeuse. Il prend le nom du « rédempteur » et entame une vengeance sanglante, qui se heurte aux intérêts financiers d’investisseurs pétroliers européens, bien décidés à mettre fin à la croisade du roi du Cangaço.
Pour une poignée de péons
Pour faire un western il suffit d’opposer deux camps dans un paysage sauvage et de leur glisser quelques colts entre les mains. Peu importe que ce soit sur les terre brésilienne, que cela se déroule au début du vingtième siècle et que le tout ressemble étrangement à de l’aventure mystique.
A l’origine O’Cangaceiro était un film brésilien (Sans peur, sans pitié, primé au festival de canne de 1953) retraçant la chevauché d’un brigand de grand chemin local, sorte de robins des bois moderne détroussant, violemment, les riches propriétaires et refusant l’ordre établi jusqu’à sa rencontre avec une jolie institutrice. Un postulat que reprend dans les grandes largeurs un Giovanni Fago (Le Jour de la haine, Los Machos) faussement scolaire, replaçant même la chanson originale (Mulhe Rendera) connue alors dans le monde entier et s’offrant même (cas rare pour le cinéma transalpin) un véritable détour par l’Amérique du Sud. Une grosse production opportuniste ? Peut-être au départ, mais ce rare réalisateur se détache très vite du lyrisme revendicateur de son ainé pour transporter le récit dans un monde autre. On retrouve certes tous les codes habituels du western révolutionnaire, dit Zapata, avec les élans revendicateurs et virils où les bourgeois écrasent les pauvres péons mal éduqués, mais déjà la présence de l’habité Thomas Milian (Companeros, Le Dernier face à face) dans le rôle principal fait virer le film vers la fresque quelque-peu halluciné. Son Espedito n’est pas seulement le leader d’une bande iconoclaste, mais aussi avant tout un brave paysan traumatisé par la mort de sa vache, devenu illuminé suite à sa rencontre avec un prêcheur azimuté, se présentant alors dès lors régulièrement comme un nouveau messie.
Plantation locale
Un univers fantasmé ou d’ailleurs n’apparaissent jamais vraiment les fameux péons laissés hors champs pour mieux souligner l’affrontement iconique entre « les pauvres », manipulés, et les riches « manipulateurs ». Épisodes picaresques entre tragédie et pantalonnade, montage entrechoqué, mouvements lents et cadrages serrés, la mise en scènes de O Cangaceiro crée volontairement une distance avec le récit et donc avec des situations tournant dès lors très vite à la farce tragique. Un film en décalage constant, cassant sans vergogne son rythme de croisière pour écouter un ingénieur européen faire la lecture à une troupe médusé de découvrir qu’il existe d’autres textes que la bible, s’échapper pour une exploration mystique, s’exalter pour un duel au sabre anachronique (dont on a l’impression de retrouver des traces dans le second Pirates des caraïbes) ou s’épancher sur une scène de repas grotesque que n’aurait pas renié Fellini. D’un pied sur l’autre, le film effectue une danse étonnante et hiératique sur les rythmes imposés d’un Riz Ortolani (Le Dernier jour de la colère, Cannibal Holocaust…) possédé par les sonorités et les chaleurs brésiliennes.
Sans atteindre le statut de film-trip, l’œuvre de Giovanni Fago marche clairement sur les traces du El Topo d’Alejandro Jodorowsky sorti la même année et marque lui aussi la douce dégradation du western italien vers une décadence stylistiquement passionnante.
Image
Déjà à l’époque du DVD (en 2009 donc chez Wild Side Video), O Cangaceiro avait montré de nombreuses faiblesses dues à une source quelque-peu datée. Aujourd’hui en Bluray, malgré de nombreuse amélioration notable, le master HD est toujours aussi marqué par une définition assez fluctuante avec des séquences et passages très plats, et un grain qui hésite régulièrement avec le bruit vidéo. Les couleurs varient elles aussi d’une bobine à l’autre, mais reste essentiellement un peu trop ternes. Quelques traces, restes de taches et petites instabilités, sont toujours présentes, mais les cadres sont d’une propreté très satisfaisante et certains gros plans, bien léchés, font même apparaitre ce à quoi pourrait vraiment ressembler le film si une restauration à la source était un jour envisagée (ou possible ?).
Son
La version italienne mono diffusée en DTS HD Master Audio 2.0 se montre plutôt réussie avec une clarté bien marquée, des équilibres solides et une énergie appuyant la performance de Milian et les musiques dépaysantes de Riz Ortolani. Pour la version française, comme cela est précisé dans un carton en ouverture du film, la piste originale est franchement abimée avec un son éteint, des niveaux discordants et quelques passages manquants (repassant alors en vost).
Interactivité
O Cangaceiro rejoint la collection Western européens d’Éléphant Films et arbore donc à son tour un steelbook futurepack tout de rouge vêtu. A l’intérieur un nouveau livret de présentation signé Alain Petit et sur les disques Bluray et DVD une présentation du film par Gérald Duchaussoy co-auteur de l’ouvrage Mario Bava Le Magicien des couleurs. Il revient naturellement sur le film brésilien d’origine, l’appartenance plus ou moins nette à la vague de western Zapata et surtout l’incroyable performance de Tomas Milian qui « bouffe le film ».
On trouve aussi une courte scène coupée se déroulant au début du film, mais sans réelle indication sur sa nature.
Liste des bonus
Un livret rédigé par Alain Petit (24 pages), Le film par Gérald Duchaussoy, Scènes coupées, Bande-annonce.