NOTRE HISTOIRE
France – 1984
Support : Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Bertrand Blier
Acteurs : Alain Delon, Nathalie Baye, Geneviève Fontanel, Michel Galabru, Sabine Haudepin, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Darmon…
Musique : Laurent Rossi
Durée : 111 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Editeur : StudioCanal
Date de sortie : 1er juin 2021
LE PITCH
Un garagiste, alcoolique et déprimé, rencontre une inconnue dans un compartiment de train. Ils font l’amour, puis elle le quitte. Alors, il la poursuit et s’accroche à elle avec l’énergie du désespoir, ..
Nuit blanche
Bertrand Blier et Alain Delon. Le cinéaste provocateur, observateur infatigable d’une masculinité en crise et artisan d’une gouaille cynique, et la légende vivante, le dernier de la race des seigneurs. Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer et Notre histoire, odyssée nocturne d’un paumé en mal d’amour, en est la preuve éclatante.
Robert Avranches est un homme en perdition. Revenant de Suisse par le train, seul, il s’enfile bières sur bières en regardant le paysage qui défile à toute vitesse. Et il parle de lui-même, à la troisième personne, anticipant avec pessimisme l’histoire qui l’attend. Fin du générique, entrée en scène de Donatienne Pouget. Déjà fragilisé, le quatrième mur se prend une nouvelle giffle. « C’est l’histoire de … ». L’homme et la femme entament leur relation, charnelle puis conflictuelle, avec cette réflexion purement méta, équivalent pittoresque d’un « Il était une fois ». L’amorce de phrase va prendre les atours d’un leitmotiv, voire d’un running gag, tout au long du film.
« C’est l’histoire de … ». En entendant ces quelques mots, impossible de ne pas penser à Coluche et son célèbre « C’est l’histoire d’un mec ». Coluche qui était d’ailleurs l’anti-héros du précedent long-métrage de Bertrand Blier, La femme de mon pote, film se déroulant également sous le manteau neigeux des chalets savoyards. Avec le recul, La femme de mon pote semble inévitablement lié à Notre Histoire, le premier étant le brouillon malheureux mais attachant du second. Cinéaste libre et iconoclaste, attaché à une narration onirique, presque surréaliste, Bertrand Blier se débarrasse de la figure imposée du ménage à trois et entoure Nathalie Baye (et les autres personnages féminins au passage, superbes Geneviève Fontanel et Sabine Haudepin) d’une armée de prétendants. La femme est un personnage/monde, un univers complet autour de laquelle gravitent des hommes satellites. Centré sur une seule nuit interminable, l’incroyable deuxième acte renforce la métaphore cosmique. Mais il y a satellite et Satellite. Un seul mérite la majuscule, fut-il en rupture de son image immuable. Alain Delon règne sur Notre Histoire.
Le parrain
Jean-Pierre Darroussin, Gérard Darmon, Michel Galabru, Bernard Farcy, Jean-Claude Dreyfus, les trognes de débutant de Vincent Lindon et Jean Reno, … Bertrand Blier envoient la génération montante (et une poignée de vétérans) du cinéma français au casse-pipe face à un Alain Delon qui, même au crépuscule de sa carrière, n’a aucun mal à dominer. Également producteur du film, la star s’amuse et se lance des défis. Lorsqu’il tente de séduire Nathalie Baye dans une chambre d’hôtel de gare miteuse, il s’approprie les dialogues ciselés de Blier avec un mélange de noblesse et d’aisance quasi-juvénile. Affalé dans un fauteuil, en plein coma éthylique, il fascine et attire l’attention de toute une assemblée. Entouré de voisins admiratifs, il joue de sa réputation de sex-symbol dans le lit d’une Geneviève Fontanel épanouie jusqu’à la caricature. Et lorsqu’il s’agit de jouer des poings, le vieux lion a toujours la niaque. Delon n’a pas volé son César. Il est l’homme, il est tous les hommes. Il s’amuse, il amuse, et il bouleverse.
On pourrait remarquer que, ironiquement, Notre histoire ne raconte pas grand-chose si ce n’est le rêve agité d’un mari retournant vers son épouse et sa famille. Blier retrouve ici la radicalité de Buffet Froid, le même désespoir, le même humour à froid. Il passe d’une scène à l’autre avec une mécanique théâtrale et une aisance suprême. « Il faut se laisser emporter, c’est comme toutes les histoires » dit le personnage de Donatienne, à mi-chemin. Oui, le style assez unique de Bertrand Blier appelle à baisser les armes et à embrasser le non-sens. Cela dit, sitôt à bord du train, il est quand même permis d’émettre quelques doutes sur le casting de Nathalie Baye, très inégale, et seule véritable ombre au tableau d’un film pas comme les autres, avec des couilles qui pendent, tristement. On aurait volontiers retrouvé la Isabelle Huppert de La femme de mon pote. On ne peut pas tout avoir.
Image
Un master propre mais qui tire légèrement vers le jaune, avec un voile un peu cafardeux, ce qui a pour effet de renforcer l’esthétique dépressive du film. Le gain de définition reste notable (surtout dans les scènes dans la maison de Galabru) et fait aisément oublier les précédentes éditions.
Son
Priorité aux dialogues, avec une absence de souffle bienvenue et une clarté indiscutable. Bris de glace et ambiances nocturnes ne sont pas en restes mais le mono en limite forcément la portée. La piste musicale est plus en retrait et ce n’est pas plus mal.
Liste des bonus
Aucun.