NOTRE DAME DE PARIS
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The Hunchback of Notre Dame – Etats-Unis – 1923
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame, Historique, Epouvante
Réalisateur : Wallace Worsley
Acteurs : Lon Chaney, Patsy Ruth Miller, Norman Kerry, Kate Lester, Winifred Bryson, Nigel De Brulier…
Musique : Nora Kroll-Rosenbaum, Laura Karpman
Image : 1.33 16/9
Son : DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 100 minutes
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 21 janvier 2025
LE PITCH
Dans le Paris médiéval du XVe siècle, Quasimodo, le sonneur de cloches solitaire et défiguré de Notre-Dame, vit reclus dans les hauteurs de la cathédrale, loin des regards de la société. Pourtant, son cœur bat secrètement pour Esmeralda, une gitane dont la danse envoûtante charme le parvis de la cathédrale. Lorsque la jeune femme est accusée à tort de meurtre et condamnée à la pendaison, Quasimodo, emporté par un amour désespéré, décide de la sauver. Il la kidnappe et l’emmène se cacher dans les sombres recoins de Notre-Dame, espérant la protéger des griffes de la justice.
Grandeur et décadence
Adaptation grandiose du roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris de Wallace Worsley rencontre un succès fulgurant dès sa sortie. Dans un paysage cinématographique des années 1920, marqué par l’émergence de productions toujours plus audacieuses, le film d’Universal Pictures se distingue par son monumentalisme.
C’est Irving Thalberg, alors jeune producteur visionnaire, qui initie ce projet pharaonique en persuadant Carl Laemmle, directeur du studio Universal, d’investir la somme considérable (pour l’époque) de 1,5 million de dollars. Cette ambition se traduit par une production démesurée, où chaque dollar investi est visible à l’écran. La reconstitution historique en est l’un des exemples les plus frappants. Dès les premières images, le Paris du XVe siècle prend vie sous nos yeux. La fête des fous, moment de débauche populaire, révèle un décor somptueux, servi par une mise en scène ample et des centaines de figurants qui fourmillent aux quatre coins du cadre. La cathédrale Notre-Dame, dont la façade occidentale a été intégralement reconstituée en studio, s’impose comme un personnage à part entière, renforçant l’authenticité visuelle du récit. Le travail photographique, dans lequel on perçoit quelques emprunts au cinéma expressionniste allemand de la même époque, offre des plans véritablement picturaux. Les compositions lumineuses rappellent parfois les gravures de Gustave Doré, chaque photogramme devenant une œuvre plastique à part entière.
Difformités
L’adaptation, tout en restant fidèle à l’esprit du roman hugolien, prend quelques libertés pour ménager la sensibilité du public de l’époque. Ainsi, plutôt que de faire de Frollo lui-même un homme déchiré entre sa foi et son désir, le scénario attribue ce rôle à son frère, devenu l’antagoniste principal. Ce choix permet d’éviter une représentation trop sulfureuse du clergé tout en conservant l’intensité dramatique du récit. Autre changement notable par rapport au roman, le film préfère une conclusion teintée d’espoir, plus en accord avec les attentes du cinéma hollywoodien. Ce remaniement du récit n’altère en rien la puissance émotionnelle du film, portée avant tout par ses interprètes. C’est ainsi que Lon Chaney livre une performance exceptionnelle en Quasimodo. Son interprétation, sombre et désespérée, révèle progressivement une humanité bouleversante, sans jamais sombrer dans le pathos. Maître du maquillage et de la transformation, il compose un personnage d’une grande expressivité, ce qui était loin d’être gagné sous un maquillage aussi envahissant. Une prestation qui préfigure sa propre interprétation du Fantôme de l’Opéra (1925) et, plus largement, toute la vague des Universal Monsters – jusqu’au Loup-Garou (1941) incarné plus tard par son fils, Lon Chaney Jr.
Du haut de ses 102 ans, Notre-Dame de Paris demeure aujourd’hui encore un somptueux livre d’images, donnant vie à la vision rêvée du roman de Victor Hugo. Chaque plan, chaque jeu d’ombre et de lumière semble surgir de l’imaginaire du lecteur, comme si le film matérialisait l’essence même de l’œuvre. Transformer les songes en images, faire d’une illusion une réalité tangible… Et si, au fond, c’était cela la définition du cinéma ?
Image
Pour bien aborder la question de la restauration image du film, un brin de contextualisation s’impose : en 1947, un dirigeant d’Universal décide de détruire tous les négatifs des films muets, condamnant ainsi le négatif original 35 mm de Notre-Dame de Paris (1923). Seules subsistent des copies en 16 mm, permettant de reconstituer une version de 100 minutes, amputée d’au moins 15 minutes de séquences perdues à jamais. La restauration 4K réalisée en 2020 par Universal Pictures repose exclusivement sur des scans de ces copies 16 mm.
C’est dire à quel point découvrir le film de Wallace Worsley dans de telles conditions techniques tient presque du miracle ! Utilisant le même master que l’édition américaine de Kino Lorber, le Blu-ray Rimini offre une restauration 4K nettement supérieure aux versions précédentes. Certes, quelques séquences restent douces en raison des limites du matériel source et du temps qui a laissé son empreinte. Cependant, l’amélioration de la précision, l’élimination du grain excessif et des impuretés, ainsi que la correction des scintillements assurent une expérience visuelle bien plus fluide et agréable. Le grand atout de cette restauration réside dans le travail remarquable sur les teintes colorées, qui donnent au film une dimension profondément onirique. Malgré quelques traces d’usure, Notre-Dame de Paris n’a jamais bénéficié d’une telle qualité sur support vidéo. La présente édition constitue donc un véritable hommage à ce classique du cinéma muet.
Son
La piste unique DTS-HD Master Audio 2.0, propose une bande musicale à la fois précise et immersive. Composée par Nora Kroll-Rosenbaum et Laura Karpman, elle insuffle une énergie nouvelle au film, avec une intensité hypnotique qui renforce l’expérience cinématographique. Bien que sa grammaire moderne puisse paraître anachronique, sa qualité et son impact dynamique en font un ajout précieux, redonnant vie à ce chef-d’œuvre du cinéma muet.
Interactivité
Les suppléments proposés sont intéressants, avec un premier focus sur Victor Hugo et son roman Notre-Dame de Paris, suivi d’une comparaison entre le livre et le film, tous deux commentés par Frédéric Albert Lévy, journaliste-auteur. Ces deux segments offrent près d’une heure de contenu, ce qui est appréciable mais laisse un petit goût de trop peu. On aurait aimé approfondir davantage, notamment sur Lon Chaney et le travail de restauration du film.
Liste des bonus
« Notre-Dame de Paris, roman gothique » par Frédéric Albert Lévy, journaliste-auteur (31’), « De Notre-Dame de Paris à The Hunchback of Notre Dame » par Frédéric Albert Lévy (23’).