NOMAD
烈火青春 – Hong Kong – 1982
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Patrick Tam
Acteurs : Leslie Cheung, Cecilia Yip, Patricia Ha, Tong Ken, Chan Bo-Yeung…
Musique : Lam Man-Yee
Image : 1.85 16/9
Son : Cantonnais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 93 minutes
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 19 novembre 2024
LE PITCH
Rejetons de la classe aisée hongkongaise, Louis et son amie Kathy vont se lier à Tomato et Pong, de condition plus modeste. Devenus inséparables, les deux couples mènent une vie oisive, rêvant de rallier des contrées lointaines à bord du Nomad, le voilier du père de Louis. Ils seront bientôt rejoints par Shinsuke, le petit ami nippon de Kathy, poursuivi pour avoir déserté l’Armée rouge japonaise…
Nos années sauvage
Autre film central de la nouvelle vague HK, célébration éclatante d’une jeunesse embrassant l’effervescence, et les contradictions, des 80’s, Nomad de Patrick Tam (My Heart is that Eternal Rose) renait grâce à une éclatante restauration 4K et surtout un remontage qui permet au cinéaste de peaufiner son œuvre et de lui redonner sa forme initiale, avant les coupes de la censure chinoise.
Si comme beaucoup de camarades jeunes cinéastes, Patrick Tam a fait ses premiers au cinéma dans le genre traditionnel du wu xia pian avec le superbe The Sword, il y faisait déjà preuve d’un regard très particulier sur ses jeunes héros, reflets directs non pas des figures littéraires ancestrales, mais bien de la nouvelle génération à la fois bouillonnante et angoissée de la colonie anglaise. Prolongement au décorum nettement plus contemporain, Nomad semble même répondre aux essais de Tsui Hark (L’enfer des armes) et Yim Ho (The Happenings) décrivant avec force et colère les désenchantements d’une jeunesse déjà détruite par une société éteinte et brutale, en embrassant volontiers l’esthétique bien plus vive et colorée de la décennie en train de naitre. La première image de Leslie Cheung, alors jeune acteur et chanteur pop en pleine émergence, est celle d’un beau garçon rêveur s’évadant en écoutant du Bach sur Hifi moderne dans une chambre entre blanc immaculé, bleu Klein et des posters de David Bowie. Les 80’s dans toute leur gloire esthétique, façon petit pull bleu marine au fond de la piscine (clip réalisé par Besson et échappé d’un album clamant son amour pour l’icône anglaise justement), faites d’aplats de lumières, de matières et de teintes, faites d’espoirs romantiques, de besoin d’affirmation du soi et de longues méditations mélancoliques devant une plage infinie et un navire à voile qui n’attend que son échappée.
Golden Years
Quelque chose du cinéma de Michael Man forcément, de la frénésie propre au ciné HK dans l’exubérance du brave Pong (Kent Tong vu dans Police Story ou Eastern Condors) issu d’une famille des plus « prolo », mais aussi de Jean-Luc Godard dans cette volonté constante de la part de Patrick Tam de morceler son film, d’accoler les tonalités, les genres et les énergies d’une scène à l’autre. Ainsi Nomad débute comme une grande farce presque néoréaliste avec cette rocambolesque histoire de mise en cloque de mineurs faisant appel autant aux vieux codes d’honneur qu’à la truanderie pure et simple, puis va s’embarquer sur le rythme plus nonchalant de la chronique ado, de la comédie romantique écervelée (toute la scène de la piscine) pour mieux revenir au pure vaudeville lorsque Pong tente de conclure avec la belle Kathy (Patricia Ha) dans un appartenant décidément beaucoup trop encombré et visité. Imprévisible et toujours libre, le film délivre alors en guise de conclusion de l’épisode sa plus belle scène, le jeu de séduction se déjouant avec jubilation et fort érotisme dans un bus de nuit avant de s’achever dans une étreinte sportive dans les rues de la ville. Romantique et torride ! Il s’agit donc de l’histoire de deux couples, Kathy / Pong et Louis / Tomato, faisant fi de leurs origines sociales, prenant du bon temps en attendant que la vie ne débute, hédonistes tendres et camarades partageant beaucoup, prenant le pouls de leur temps et s’imaginant s’enfuir un jour vers les pays du moyen orient, lointains paysages fantasmés.
Contemplatifs, ludique, un peu poseur, mais toujours d’une grande beauté romantique, Nomad ne craint pas de perdre le spectateur ou de le confronter après avoir exposé un état presque idéal, un virage sombre et dramatique où la réalité extérieure et ses remous politiques, arrivant ici par le biais d’un ancien camarade essayant d’échapper à l’armée rouge nippone (mouvement terroriste très cinégénique), vient frapper durement leur avenir tranquille. Final détonnant en forme de film de sabres et de pirouettes martiales tournées sans l’aval du metteur en scène qui pousse sans doute cette logique trop au bout, oubliant au passage l’épaisseur et l’individualité des personnages et confondant le fatalisme noir avec un cinéma d’exploitation pas totalement à sa place. Une pointe d’amertume pour les personnages et les spectateurs mais qui finit de donner à Nomad son identité tout à fait baroque.
Image
Après de longues années de purgatoire, Nomad a eu les honneurs d’une impressionnante restauration avec scan 4K des négatifs et reconstruction du montage voulu par le réalisateur. Au passage bien entendu l’image a été très sérieusement nettoyée, stabilisée et la colorimétrie puissamment intensifiée pour rendre au mieux l’esthétique vive et contrastée du film. Le grain de l’image reste très présent avec d’ailleurs des bords qui glissent vers le bleuté et quelques arrières plans qui se font plus neigeux, mais seul sans doute un disque UHD aurait pu faire mieux.
Son
Malgré son dispositif centré, le DTS HD Master Audio de la version cantonnaise fait preuve d’une jolie énergie, d’une restitution équilibrée et ce sans perditions ou saturations trop marquées.
Interactivité
Le réalisateur Patrick Tam nous fait les honneurs de sa présence mais par le biais d’un texte rédigé à l’occasion de cette restauration. Lu par un intervenant français, celui-ci remonte le fil de la création du film, de l’idée première à ses nombreuses modifications, la volonté de refuser les limites du genre, la rencontre avec les jeunes acteurs mais aussi le final tourné sans son aval et les affres de la censure. Il conclut d’ailleurs par un petit récapitulatif des scènes replacées (les deux scènes de sexe, pourtant bien chastes) et réorganisées pour ce Director’s Cut.
Dennis Yu et Stanley Kwan répondent présent eux aussi, mais en personne. Le premier, producteur revient sur son implication dans le montage du film, certaines orientations mais aussi sa décision de confier, pour des raisons économiques, les dernières bobines à une autre équipe. Le second alors assistant réalisateur évoque cette atmosphère de la Nouvelle vague et son refus justement, comme une grande part de l’équipe de tournage, de ne pas transiger avec la vision de Patrick Tam.
Liste des bonus
« Réflexions sur Nomad » : Texte inédit de Patrick Tam (2024, 18’), « Génération perdue » : Entretien avec Dennis Yu et Stanley Kwan (25’), Bande-annonce 2024.