NEKROMANTIK 1&2
Allemagne – 1988, 1991
Support : Blu-ray
Genre : Horreur
Réalisateur : Jörg Buttgereit
Acteurs : Daktari Lorenz, Beatrice Manowski, Harald Lundt, Volker Hauptvogel, Susa Kohlstedt, Monika M., Mark Reeder, Wolfgang Müller, Käthe Kruse…
Musique : Hermann Kopp, John Boy Walton et Daktari Lorenz
Durée : 75 et 104 minutes
Image : 1.33 16/9
Son : Allemand DTS HD Master Audio Mono et 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : ESC Editions
Date de sortie : 25 octobre 2023
LE PITCH
NEKROMANTIK : Robert travaille comme « ramasseurs » de cadavres et récupère des morceaux de corps qu’il expose dans des bocaux chez lui. Il vit en compagnie de sa petite amie, Betty, également nécrophile. Un jour, Robert ramène un cadavre et le couple s’adonne à des jeux sexuels…
NEKROMANTIK 2 : Une infirmière tente de cacher sa nécrophilie à son nouveau petit ami…
Cadavre exquis
Œuvre emblématique du cinéma horrifique dégradant de la fin des années 80 et début des années 90, le diptyque Nekromantik de Jörg Buttgereit reste un cas d’école du pouvoir des images et illustrant la liberté de créer d’un jeune cinéaste allemand cherchant à repousser les limites et contourner la censure.
Au début des années 90, le cinéma de genre allemand s’offre un électrochoc avec le diptyque Nekromantik. Les amateurs des pages de Mad Movies s’en souviennent encore : les publicités pour l’éditeur Haxan qui proposaient des VHS de films trashs aux titres aussi délicats et évocateurs que Camp 731, Incredible Torture Show. Parmi ces bandes pour la plupart déviantes, figuraient en bonne place les œuvres de Jörg Buttgereit, jeune cinéaste allemand ayant fait de la transgression des genres et de la remise en question des limites sa signature avec Le Roi des Morts (1989) et surtout les deux opus de Nekromantik (1988 et 1991). Ces deux derniers films ont assuré la renommée du réalisateur, habitué des budgets (très) serrés et d’un cinéma du Do It Yourself, dont la volonté de choquer, provoquer et faire voler en éclat le bon goût et la bien-pensance apparaissent comme un sacerdoce.
Dans Nekromantik premier du nom, court film d’à peine 71 minutes, Buttgereit nous plonge dans le quotidien sordide de Robert, un homme travaillant dans une entreprise chargée de nettoyer les scènes d’accidents et de morts violentes. Un personnage étrange qui partage avec sa compagne le goût des choses mortes et des fragments de corps humains et/ou organes subtilisés, qu’il conserve soigneusement dans des bocaux, telle une collection dont le couple s’avère fier et digne. Car les deux se plaisent à batifoler et faire l’amour dans les restes humains putréfiés, le zénith étant atteint lorsque Robert ramène un cadavre à la maison, ouvrant la voie à des jeux sexuels nécrophiles de premier choix… Avec sa facture technique et son interprétation quasi-amatrices, son image au format 4/3, sa photographie blafarde et ses choix de cadres parfois hasardeux, pris sur le vifs, le film s’avère dénué de toute volonté d’esthétisation, et dans ce sens, Nekromantik s’immisce à la jonction de la fiction de genre et du cinéma vérité, affichant à la fois des effets spéciaux rudimentaires apportant un décalage avec la réalité, autant que des scènes absolument véridiques comme le dépeçage d’un lapin montrée avec force de détails. C’est dans ces allers-retours entre une forme d’authenticité et le recours aux artifices de la fiction (les effets de montage et de juxtapositions d’images lors du coït avec le cadavre, comme pour apporter un décalage avec le réel), que le film trouve sa place, sa voie et son intérêt, s’attaquant frontalement à des tabous jusqu’alors inédits au cinéma sous une forme aussi explicite et radicale. Car oui, au-delà de l’atrocité de ce qui est montré, un couple qui ne trouve sa jouissance que dans le contact avec la mort la plus putride qui soit, Nekromantik est une date dans le cinéma de genre, aussi malaisant soit le résultat, la démarche et l’approche de Jörg Buttgereit et son coscénariste Franz Rodenkirchen s’affirment comme percutantes et cohérentes, se hissant au-delà du simple film amateur tourné entre potes, avec les maladresses que cela comporte. Le cachet visuel de l’œuvre renforce le sentiment de malaise et l’impact sur le spectateur n’en est que plus grand. A noter que les comédiens, investis comme jamais (Daktari Lorenz va jusqu’à gober le véritable œil de mouton du cadavre pour plus d’authenticité), et la musique assez sublime signée d’Hermann Kopp, John Boy Walton et Daktari Lorenz, ajoutent à l’uppercut asséné par ce petit film quasi expérimental, underground au possible, qui atteint ses objectifs.
Y’en a un peu plus je vous l’mets quand même ?
Bien qu’enregistrant un succès confidentiel, Nekromantik permet cependant à Jörg Buttgereit de mettre en chantier une suite, plus longue, (un peu) plus argentée, avec une démarche artistique plus posée, plus « professionnelle », qui sortira trois ans plus tard. On y suit un nouveau personnage, une infirmière elle aussi fasciné par la mort, et à la recherche d’une forme de jouissance ultime… et répondant à des pulsions morbides. Si le film embraye directement sur la fin de l’opus précédent, images de la conclusion reprises à l’appui, avec une mystérieuse femme venant déterrer un cadavre au cimetière, il s’en écarte par bien des aspects. De fait, Nekromantik 2 est une suite/remake qui rejoue une trame aux thématiques similaires, mais avec une approche et une tonalité quelque peu différente. Ce second opus bénéficie d’une forme plus élaborée, fini les images crados prises sur le vif, place à des cadrages et des mouvements de caméra plus soignés, des couleurs plus chatoyantes, bref, un côté plus posé et classique, qui apporte un côté plus professionnel à l’ensemble, mais constitue aussi une approche moins radicale et malsaine que le premier film. Jörg Buttgereit ajoute une touche d’humour qui trouve étonnamment bien sa place. Si cette séquelle s’aère, avec des scènes en extérieur, elle fait également sourire avec notamment le personnage du petit ami qui découvre progressivement les penchants nécrophiles de sa compagne (le sexe conservé sous cellophane dans le frigo). Pour autant, le réalisateur allemand ne renie pas son œuvre, ayant recours à nouveau à un stock shot autour de la dissection d’un phoque, afin de bien marquer le décalage entre horreur réelle et fictionnelle. Doté d’effets spéciaux eux aussi plus aboutis, Nekromantik 2 s’avère au final le versant opposé d’une même œuvre, deux approches quelque peu différentes d’une histoire et de thèmes similaires.
Par delà son ADN subversif et transgressif, son brisage de tabous en règle, le diptyque Nekromantik demeure, avec le recul nécessaire à son analyse, une passionnante réflexion sur la démonstration de la violence et du sexe à l’écran, un diptyque qui conserve son pouvoir de subversion et de fascination intact, plus de trente ans après sa conception. Un jalon dans l’histoire du cinéma horrifique.
Image
C’est déjà un petit miracle que des œuvres avec un pedigree comme celui de Nekromantik nous parviennent dans une édition HD. Évidemment, le cœur même du projet, son aspect quasi amateur, bricolé par une bande de pote (surtout dans le premier opus) amène à une image crado, même à la suite d’une restauration. En effet, il ne faut pas trop être regardant sur la qualité d’image de Nekromantik 1er du nom : couleurs, contrastes, définition, tout est à l’avenant et par moments digne d’un rendu VHS. Mais c’est voulu et cela constitue une bonne partie de l’intérêt du film. C’est moins vrai pour le second opus qui déploie une image bien plus chatoyante, aux couleurs plus percutantes. La remasterisation HD y est plus remarquable, avec de jolis efforts fais sur le niveau de détail et les contrastes.
Son
Même constat côté sonore. Il faut se contenter de pistes en Mono et stéréo 2.0, (pas de doublage français) mais personne ne trouvera à y redire, avec un rendu tout à fait convenable, mais parfois un peu étouffé, notamment dans le premier film. C’est mieux dans le second, qui trouve une restitution plus claire et ample. A noter la musique absolument formidable des deux opus, très présente et mise en valeur.
Interactivité
Attention les yeux ! Il n’est pas impossible que l’on touche du doigt l’un des plus beaux et riches coffrets de l’année 2023. Rien que ça. Proposé dans un digipack collector rose bonbon de toute beauté, cette édition concoctée par ESC propose quatre disques, reprenant évidemment les deux films dans leur intégralité, ainsi que plusieurs versions alternatives faisant plus office de curiosités (Grindhouse, VHS, etc).
Chaque opus a ensuite le droit à ses propres bonus, et la liste est longue : présentation du réalisateur, commentaires audio (pas moins de trois à des périodes différentes rien que pour le premier film, sous-titrés en français, et deux pour le second, mais seulement en anglais et en allemand), making-of d’époque, des reportages à la sortie des films, mais aussi des rencontres avec Jörg Buttgereit, dont la plus récente, concoctée par l’éditeur, remonte au festival Bloody Week-end 2023. On trouve par ailleurs un éclairage croisé et passionnant sur le diptyque, par deux experts avisés que sont le critique Philippe Rouyer et le directeur de la programmation à la Cinémathèque française Jean-François Rauger, mais aussi le témoignage de Patrick Nadjar, créateur de la société Haxan qui fait revivre la sortie du film en VHS au début des années 90.
Autre pièce d’intérêt, Hot Love, court-métrage d’une trentaine de minutes que Jörg Buttgereit a réalisé juste avant d’entreprendre sa grande œuvre et qui en contient déjà en germes les grandes thématiques. Des scènes coupées, featurettes et autres bande-annonces et galerie-photos complètent le tout, pour un résultat gargantuesque et qui, à lui seul, mérite l’achat du coffret. D’autant que ce-dernier est livré avec des affiches du film, polaroids et un livret de 120 pages rédigé par Marc Toullec. Un must have absolu !
Liste des bonus
NEKROMANTIK : 2 versions alternatives du film : Grindhouse & VHS ; Présentation du film par Jörg Buttgereit ; 3 Commentaires audio ; Entretien croisé avec Jean-François Rauger et Philippe Rouyer (43 min) ; Making of d’époque (13 min) ; Making-of anniversaire 10 ans de la VHS – Interview avec Jörg Buttgereit (12 min) ; Reportage sur la première projection du film (3 min) ; Entretien avec Patrick Nadjar (10 min) ; Séance de questions/réponses avec Jörg Buttgereit au Brady (1992) (32 min) ; Micro-trottoir d’après-séance au Brady (1992) (3 min) ; Scènes coupées (6 min) ; Galerie photos d’époque ; Bande-annonce originale.
Court-métrage : HOT LOVE ; Commentaire audio du court-métrage ; Reportage sur la première projection du court-métrage (4 min) ; Bande-annonce du court-métrage.
NEKROMANTIK 2 : Version alternative du film en VHS ; Présentation du film par Jörg Buttgereit ; 2 Commentaire audio ; Entretien avec Jörg Buttgereit au Bloody Week-end 2023 (25 min) ; Making of d’époque (16 min) ; « Entre l’acteur et le compositeur » : Entretien avec Mark Reeder (25 min) ; Séance de questions/réponses avec Jörg Buttgereit au Bloody Week-end 2023 (16 min) ; Reportage sur la première projection du film (9 min) ; Featurette (13 min) ; Scènes coupées et prises de vue (11 min) ; Galerie photos d’époque commentée (21 min) ; Bande-annonce originale.
Un livret de 120 pages par Marc Toullec ; Deux affiches de Nekromantic 1 et 2 ; 10 polaroids collectors ; 2 cartes postales ; un prospectus ; un sticker.