MYSTÈRE À VENISE
A Haunting in Venice – Royaume-Uni, Etats-Unis, Italie – 2023
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Kenneth Branagh
Acteurs : Kenneth Branagh, Tina Fey, Camille Cottin, Kelly Reilly, Jamie Dornan, Michelle Yeoh, Jude Hill, Riccardo Scamarcio…
Musique : Hildur Guðnadóttir
Image : 1.85 16/9
Son : DTS HD Master Audio 7.1 anglais, Dolby Audio 7.1 français et allemand
Sous-titres : Français, allemand, néerlandais…
Durée : 103 minutes
Editeur : 20th Century Studios
Date de sortie : 24 janvier 2024
LE PITCH
Venise, veille de la Toussaint, quelques années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. C’est là que vit désormais le célèbre détective Hercule Poirot, aujourd’hui retraité. Après avoir consacré sa vie à élucider des crimes et avoir été témoin de ce qu’il y a de pire chez l’être humain, il a renoncé à sa vocation d’enquêteur. Et s’il fait tout pour éviter d’être confronté à des affaires criminelles, ce sont souvent elles qui le rattrapent… Poirot reçoit chez lui une vieille amie, Ariadne Oliver, plus grande écrivaine de romans policiers au monde, qui lui assure que le motif de sa visite n’a aucun rapport avec un crime : elle souhaiterait qu’il l’accompagne à une séance de spiritisme et lui permette de prouver qu’il s’agit d’une imposture.
Une nuit et deux morts
Le Crime de l’Orient Express et Mort sur le Nil était des incontournables de l’œuvre d’Agatha Christie et des chapitres « canon » des aventures du célébré Hercule Poirot. Avec le plus inattendu Mystère à Venise, Kenneth Branagh, toujours accompagné d’un casting 5 étoiles, va titiller la fibre ésotérique dans le décor ô combien évocateur de la belle Venise… Comment résister ?
Si l’on peut reprocher un défaut récurent dans l’œuvre de cinéaste de Keneth Branagh c’est bien une tendance à la démesure gratuite, à un besoin d’affirmer une esthétique ultra léchée et terriblement démonstrative. Certaines visions grandiloquentes du Crime de l’Orient Express et Mort sur le Nil, avec des petits airs de cartes postales numériques, amoindrissaient en effet les efforts fournis sur les atmosphères plus feutrées et les performances d’acteurs pourtant centraux. En optant pour la nouvelle plus méconnue La Fête du potiron, transposée ici dans le décor bien plus enivrant de Venise, Kenneth Branagh s’oblige forcément à revenir à un décor plus réduit, refermé et surtout dénué de mouvements dans l’espace. Passé l’introduction qui nous présente un Hercule Poirot retraité volontaire et prenant distance avec une humanité qui vient de connaitre sa Seconde Guerre Mondiale, le film s’empresse de se transformer en huis-clos de luxe. Un palazzio reconstitué en grande partie dans les studios de Pinwood certes, mais qui capture à merveille les effluves mystérieuses, historiques et potentiellement angoissantes d’une citée si intensément cinématographiques.
Entre deux eaux
Les murs semblent ainsi à la fois immuables, hors du temps, et sur le point de s’effriter, de sombrer, constamment révélés par des cadrages fermés, des angles perturbés, voir même de légères déformations sur les gros plans. Le réalisateur se rappelle ainsi sa fibre gothique de Dead Again, de Frankenstein et même de son Hamlet et joue volontiers et généreusement sur les artifices du cinéma d’horreur classique. Quelques jumpscare, d’autres apparitions (sonores et visuelles) un peu plus subtiles, mais surtout un climat général baigné dans un ésotérisme opaque, dans une omniprésence de la mort, du deuil, des regrets et de leurs fantômes. Une continuation totale des thèmes mis en avant dans les deux films précédents, et qui semblent ici directement mettre à mal un Hercule Poirot plus faillible, moins volubile et intouchable qu’autrefois… Voir même ici perturbé dans ses propres convictions et ses méthodes. Toujours concocté par Michael Green (Logan, Blade Runner 2049…), le scénario fait bien entendu la part belle aux non-dits, aux secrets de la haute société et de leurs équivalents bourgeois, mais tisse là aussi des liens plus flottants avec la théâtralité des séances médiumniques, les prémisses du cinéma (le spectacle d’ombres) et des contes horrifiques (toute la légende bien flippante de la « vengeance des enfants ») qui étoffent considérablement l’univers du film.
Bien entendu Kenneth Branagh ne peut s’empêcher régulièrement de trop en faire autant dans son interprétation du détective belge que dans un montage hiératique qui aurait bien profité parfois d’un peu plus de langueur et de respirations, mais l’enquête est toujours aussi prenante, et les participations de Michelle Yeoh, Camille Cottin, Kelly Reilly ou Jamie Dornan, assurent un whodunnit toujours classieux et pas totalement classique.
Image
Étrangement, Mystère à Venise est le premier des trois Hercule Poirot de Branagh à ne pas avoir les honneurs d’une sortie sur support 4K. D’autant plus étonnant que le film a été tourné sur format numérique 6K. Petite déception donc, mais le bluray est tout de même des plus performants retranscrivant à merveille l’esthétique particulière et maniériste du film à grand renforts de contrastes ciselés, de noirs implacables et de profondeur de champs habilement creusées. Même les éléments en images de synthèses (légèrement plus doux) et les distorsions voulues à l’objectif s’intègrent efficacement au spectacle, soulignant des décors et costumes richement dessinés.
Son
Pas de Dolby Atmos. On se consolera avec un DTS HD Master Audio 7.1 particulièrement efficient en version originale. Plus que les deux précédents, l’opus repose énormément sur son atmosphère sonore et des rapprochements évidents avec les mixages de films d’horreur et s’en donne à cœur joie en développant sa dynamique sur les enceintes latérales et arrières, en multipliant les sursauts musicaux et les chants d’enfants lointains. Naturellement les dialogues, omniprésents, s’imposent avec naturel et laissent entendre vrais et faux accents tout autant que d’excellente prestations d’acteurs.
Interactivité
Le film est accompagné d’un petit making of d’un peu moins de trente minutes qui refait le parcours de la « trilogie » et de la recherche des romans à adapter tout autant que du casting toujours aussi classieux mis en place pour celui-ci. On y parle beaucoup des talents de Branagh mais aussi de l’atmosphère particulière du métrage, de ses thèmes et de ses décors.
A cela s’ajoute quelques scènes coupées qui montrent, en particulier pour les premières, un rythme légèrement plus posé qui n’aurait peut-être pas fait de mal au montage final.
Liste des bonus
« Meurtre, mort et apparition » : making of (26’), 11 scènes coupées (8’).