MY HEART IS THAT ETERNAL ROSE
殺手蝴蝶夢 – Hong-Kong – 1989
Support : Bluray & DVD
Genre : Policier
Réalisateur : Patrick Tam
Acteurs : Kenny Bee, Tony Leung Chiu Wai, Joey Wang, Michael Chan Wai-Man, Gordon Liu…
Musique : Danny Chung
Durée : 91 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Cantonnais DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 30 juin 2021
LE PITCH
Rick et Lap sont des amoureux dont la romance est brisée par le meurtre de l’inspecteur Tang dans lequel Rick et son père sont impliqués. Ils sont obligés de fuir chacun de leur côté. Six ans plus tard, Rick devenu tueur à gages, retrouve Lap alors qu’elle est devenue la fiancée du puissant chef de triades Shen. Les deux réalisent vite qu’ils ont encore des sentiments l’un envers l’autre.
Happy Together
Adulé par les connaisseurs du cinéma chinois, totalement méconnu pour les autres, Patrick Tam fut pourtant l’un des grands esprits de la nouvelle vague HK et garde aujourd’hui encore la place de mentor pour un certain Wong Kar Wai. Une filiation plus évidente que jamais avec la redécouverte de My Heart is that Eternal Rose.
Venu comme la plupart de ses comparses de la Nouvelle Vague HK de la télévision, Patrick Tam aura eu cependant beaucoup plus de mal que Tsui Hark, Ann Hui ou autres à imposer sa marque sur grand écran, ou plutôt à faire cohabiter ses exigences formelles avec les attentes du public des années 80. Pourtant sa relecture postmoderne du wu xia pian avec The Sword avait mis sa carrière sur de bons rails, mais rapidement les échecs commerciaux (et non artistiques) finirent par le faire abandonner pendant 17 ans la réalisation. Dernier jalon de cette première partie de carrière plutôt productive entre le psycho thriller Love Massacre et la comédie criminelle Final Victory, My Heart is that Eternal Rose est à la fois une démonstration de force de la personnalité farouche du cinéaste et une nouvelle tentative de se plier aux modes du moment. Dans le cas présent le fameux heroic bloodshed, spectacle viril et lyrique lancé par Le Syndicat du crime d’un certain John Woo, dont on perçoit constamment les élans héroïques. Le film se compose d’amorces d’amitiés et d’oppositions viriles (le caïd et son homme de main pervers, le héros franc et son acolyte au grand sens du sacrifice), plonge dans un milieu mafieux presque uniquement masculin et criminel, et se construit avec une lente mais assurée montée en pression jusqu’à un gunfight final au airs de bains de sang apocalyptique, chorégraphié et monté avec une virtuosité qui concurrence aisément les prouesses de The Killer, sorti justement la même année.
Chasse aux papillons
Sauf que la figure centrale de My Heart is that Eternal Rose n’est pas le beau tueur mollement incarné par Kenny Bee, le gentil homme de main chevaleresque joué par un Tony Leung Chiu Wai déjà impeccable, voir même l’inquiétant gangster porté par Michael Chan, mais bien la douce et belle Lap, soit une Joey Wang très loin de l’évanescence espiègle d’Histoires de fantômes chinois et Green Snake. Amante retrouvée de l’un, objet de fascination du second et possession du troisième, elle imprègne le film d’une sensibilité plus féminine, d’une sophistication beaucoup plus proche du cinéma habituel de Patrick Tam. Par son regard à elle, par ses espoirs vites éteins dans le fatalisme sans retour, par son romantisme désespéré, le cinéaste transforme son film en quête furieusement sentimentale, en escapade condamnée. Un romantisme somptueux fait de trajectoires contrariées, de destins croisés mais aux rencontres éphémères, qui nait de compositions de plans savamment agencées (multiplication des profondeurs de champs contrariées), d’un montage imposant les ruptures et les instantanés… Sans compter sur la photo éblouissante de Christopher Doyle dont les couleurs vives, voir incandescentes, contraste habilement avec les rares visions d’horizons naturels pleins de promesses. Ponctués par une bande son entêtante de pop chinoise, le film fait irrémédiablement penser au travail naissant de Wong Kar Wai, ex-scénariste sur Final Victory, et pour qui Patrick Tam prendra en charge le montage de Nos Années sauvages et Les Cendres du temps. Cette proximité n’enlève rien à la poésie cinégénique de My Heart is that Eternal Rose, bien au contraire.
Image
Nouvelle très belle copie chez Spectrum pour un film inédit de surcroit. Par évident que le film soit passé par une restauration à la source, mais les cadres sont effectivement très propres et stables et laissent se découvrir quelques belles profondeurs de champs et des couleurs à la chaleur jusque-là plutôt éteinte sur les supports antérieur. Une nette amélioration plastique, révélant mieux que jamais l’élégance de la photographie mais qui effectivement a un peu du mal parfois à se départir entre les effets vaporeux, les séquences sombres et un grain (de pellicule, mais aussi numérique) un poil envahissant.
Son
Proposée autant dans sa stéréo d’origine que dans un 5.1 plus actuel, la bande sonore du film reste de toute façon essentiellement frontale, avec tout de même quelques petits effets discrets de dynamisation pour la seconde. Elles n’arrivent pas toujours à dissimuler des effets de montage très marqués : coupure sèche, post-synchro, léger souffle parfois et même un ou deux pops immanquables.
Interactivité
Spectrum films semble prendre solidement ses aises d’édition en édition du coté de ses contenus bonus. Impossible une nouvelle fois de passer à côté de la présentation éclairée et complète d’Arnaud Lanuque, mais l’offre est loin de s’arrêter à cela. On découvre ainsi une interview inédite du réalisateur par ce dernier, évoquant ses débuts de cinéphile, ses premiers pas à la télévision et ses différentes réalisations cinéma souvent malmenées par des considérations économiques. Il y est bien entendu question de My Heart is that Eternal Rose, des petits soucis de production jusqu’au choix un peu forcé de Kenny Bee en tête d’affiche. Un acteur qui va encore en prendre un peu plein la tête lors de la rencontre filmée avec le producteur John Sham (comme pour le Bluray de People’s Hero), lui aussi conscient des limites de ce dernier. Une nouvelle occasion de rappeler la notable liberté connue par les cinéastes chez D&B Films. A cela s’ajoute une analyse vidéo croisant thématiques, construction de plan et jeu de lumière, ainsi qu’un documentaire nommé In The Mood for Doyle. Un doc produit par Arte et réalisé par Yves Montmayer (Citizen Kitano) en 2007 qui sous prétexte d’aller à la rencontre du célèbre chef opérateur scrute autant la géographie de Hong-Kong que sa nouvelle génération de créateur locaux en compagnie d’Olivier Assayas, Gus Van Sant, Fruit Chan ou Wong Kar Wai. Une très jolie balade.
Liste des bonus
Présentation de Arnaud Lanuque (8’), Rencontre avec Patrick Tam (26’), Essai vidéo (30’), Interview de John Sham producteur (35’), In the Mood for Doyle – documentaire de Yves Montmayeur (54’) et bande-annonce.