MURDEROCK
Murderock – uccide a passo di danza – Italie – 1984
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller, Musique
Réalisateur : Lucio Fulci
Acteurs : Olga Karlatos, Ray Lovelock, Claudio Cassinelli, Belinda Busato, Cosimo Cinieri, Giuseppe Mannajuolo…
Musique : Keith Emerson
Image : 1.66 16/9
Son : Italien et français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 92 minutes
Éditeur : Artus Films
Date de sortie : 05 décembre 2023
LE PITCH
Un nouveau spectacle de danse moderne se prépare au Living Center de New York sous la haute autorité de sa mystérieuse directrice Candice Norman. Au cours des auditions, les plus talentueuses danseuses rivalisent de virtuosité. Mais dès les premiers jours, l’une d’entre elles, Susan, est sauvagement assassinée par un tueur masqué. Malgré l’arrivée de la police menée par le lieutenant Borges, un second meurtre est perpétré contre une autre participante : la charmante Janice. C’est le début d’une véritable descente aux enfers…
Dance to the death
Curiosité évidente dans la filmographie de Lucio Fulci (L’Enfer des zombies, L’Au-delà, Le Venin de la peur…), Murderock se veut un croisement entre la mode des films de danse enflammant les USA et un retour au giallo à l’ancienne. Une sorte de tango, bizarrement froid et distant qui fut pourtant lauréat d’un Prix de la peur à Avoriaz en 1986. Ce devait être des petits sensibles.
On le sait, entre l’effondrement progressif des structures économiques du cinéma italien et les soucis de santé rencontrés par le réalisateur, le cinéma de Lucio Fulci va rapidement perdre de son intensité et de son inspiration au cours des années 80. Mais ce dernier n’arrête jamais de tourner longtemps et embrasse tous les projets qu’il peut croiser, s’efforçant constamment de les faire plier à sa signature. Avec plus ou moins de bonheur, mais toujours avec une volonté farouche d’exister. Opportuniste naturellement, Murderock zieute largement sur les succès récents de film comme Staying Alive, Fame et surtout le modèle Flashdance en invitant, à grands frais, le compositeur Keith Emerson (Inferno, Les Faucons de la nuit) à livrer quelques pseudo tubes disco entrainant sur lesquels de jolies danseuses et vaguement actrices vont pouvoir se déhancher de manière des plus suggestives. Mais dès le générique, montage syncopé et répétitif s’attardant sur quelques badauds se déhanchant dans une boite de nuit sombres et relativement déserte, une forme de tristesse s’impose, presque une solitude.
Backroom
La danse ici n’aboutit jamais comme dans le carton d’Adrian Lyne à un accomplissement de soi, une conquête de liberté et un symbole de réussite si chère à l’Amérique reaganienne, mais bien à un concentré de douleurs, de jalousies, d’arrivisme voir même de vulgarité. Comme cette exhibition dans un bar obscure où la chorégraphie et le body troué ne laissent que peu de place à la suggestion. On est bien loin ici de la photographie vive, des mouvements exultants et des thèmes entrainants de Flashdance, Murderock opérant même un mouvement quasiment inverse, filmant les danses comme constamment enfermées dans des cadres écrasants, imposant une photographie presque désaturée et insistant sur un New York vide et terriblement froid. On n’y trouve même plus les excès sordides et violents du précédent L’Éventreur de New York, Fulci se contentant comme arme du crime d’une aiguille à chapeau qui s’enfonce lentement dans la poitrine des victimes avec une simple goutte de sang coulant sur la peau. Volontairement frustrant, Murderock joue en définitive sur un autre terrain, celui du giallo psychologique, aux lisières de l’onirisme (la séquence de rêve est l’une des scènes les plus réussies du film), constamment sculpté par une omniprésence de miroirs et de reflets où même si l’identité du tueur ganté ne fait rapidement plus trop de mystère, son articulation, ses motivations, ses pulsions meurtrières envahissantes, font tendre le film vers le drame affligé et creuse encore cette sensation malheureuse qui étreint tout l’objet.
Si clairement le film n’est pas le plus excitant de Fulci, plombé par un scénario quelque peu laborieux, une interprétation assez désincarnée (malgré la présence d’incontournables de l’exploitation italienne) et une confrontation parfois abrupte avec les compositions agaçantes d’Emerson, Murderock prend à contrepied la démarche commerciale initiale, empêchant presque toute forme d’excitation (musicale, érotique ou gore), étouffant les valeurs douteuses des 80’s sous la grisaille et la médiocrité du microcosme qu’il scrute froidement. Étonnant.
Image
Murderock se dote ici d’une très belle copie, produite en 2018 aux USA par Scorpion Releasing, effectuée à partir d’un nouveau scan et surtout améliorée par un long travail de correction des couleurs. Avec les années et une source fatiguée, ces dernières étaient en effet totalement fanées et instables. Le master HD est donc une excellente surprise, assurant effectivement une colorimétrie bien plus riche qu’autrefois, faisant contraster les séquences volontairement ternes avec quelques sources plus chaudes, auréolées de noirs bien tenus. La définition est elle aussi très solide, venant dessiner un relief urbain très présent, accompagnant sérieusement les corps et les textures, même si la photographie légèrement vaporeuse et le grain d’origine, très prononcé, imposent tout de même quelques limites.
Son
Pas franchement mémorable, la version française se fait damer le pion sur tous les points par la version italienne, plus équilibrée, plus ferme dans les passages musicaux et convaincante dans les interprétations. Étrange cependant de ne pas avoir ici la version anglaise puisque le film a été tourné dans cette langue.
Interactivité
Murderock rejoint la belle collection de Mediabook de la collection Lucio Fulci d’Artus Vidéo comprenant comme il se doit dans la reliure un livret de 80 pages concocté par Lionel Grenier, le spécialiste français du cinéaste. Comme toujours le propos est passionnant, et même surprenant dans la volonté de pousser l’analyse d’un film souvent jugé comme très mineur dans la carrière de Fulci. Réinterprétation du genre musical, croisement avec le giallo, gestion de l’espace et de la figure de l’enfermement, figuration de la dualité des personnages… De quoi revoir le film avec un autre œil.
Sur les disques, l’éditeur a aussi eu la bonne idée de glisser deux interviews inédites avec pour commencer le maquilleur Franco Casagni, qui évoque donc sa seule collaboration avec le réalisateur et ses souvenirs de tournages, suivi de Silvia Collatina, actrice enfant qui se souvient de sa participation à Murderock mais aussi à La Maison près du cimetière, évoque un monsieur talentueux mais parfois effrayant pour une gosse.
Et ce dernier est bien présent sur l’édition grâce à une interview radio donnée en 1987 où il discute un peu de Murderock et du Miel du diable mais aussi de sa vision du cinéma d’horreur, de sa cinéphilie et de son inquiétude devant la disparition progressive du genre en Italie. Un document incontournable pour les fans du monsieur.
Liste des bonus
Le livre « Disco Giallo » rédigé par Lionel Grenier (80 pages), Lucio Fulci interviewé par Antonio Tentori, émission radio (1987, 16’), « L’Épingle dans le cœur » : Entretien avec Franco Casagni (2023, 8’), « Jeu d’enfant » : Entretien avec Silvia Collatina (2023, 24’), Diaporama d’affiches et photos (2’), Bande-annonce (2’).